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 C'est l'été...
Auteur: Jimmy Péguet 
Date:   15-07-2002 10:13

C'est l'été, c'est le moment de faire comme les magazines, de souffler en se racontant des histoires, ou de répondre à des questionnaires idiots (mais toujours ô combien rigolos, du genre "Si vous ne deviez citer qu'un seul photographe", quel serait-il ?"). je propose donc "Quelles sont vos meilleures ou vos plus amusantes anecdotes photographiques ?"

C'était l'automne dernier, je faisais par un matin de soleil des photos sur le bord de la Creuse. Je portais le tablier noir de jardinier que je porte souvent dans ces cas-là, et j'avais planté ma Wista et son pied au bord de l'eau. Un vieux s'approche l'air de rien, et me regarde opérer à distance. La curiosité l'aiguillonnant, il se rapproche encore, et finit par me demander ce que je fais. Je lui explique que je fais des photos, on continue à causer de choses et d'autres, mais je voyais bien qu'il n'était pas satisfait. Il finit par se lâcher : " Ca doit être bien pratique pour la pêche, un engin comme ça", me dit-il d'un air complice. Interloqué, je lui réexplique que c'est un appareil photo, comme il a dû en voir autrefois. Jusqu'à la fin, il n'en démordra pas : "Oui, ben n'empêche qu'avec un appareil comme ça, on doit voir facilement les poissons jusqu'au fond de l'eau !". Il s'en est allé en me disant de faire attention aux gardes !


 
 Re: C'est l'été...
Auteur: Henri Gaud 
Date:   15-07-2002 11:16

Bonjour,
C'était il y a qq année à Alcobaca au Portugal, une abbaye Cistercienne, je faisais un reportage en grand format. J'installe plusieurs boitiers, la sinar P 4x5 sur son pied et un GX680 (6x8) sur un pied également, c'est plus pratique et plus rapide travailler avec plusieurs appareils, le tout dans l'église.
Les heures passent, le temps de faire qq photos, et je travaille en passant d'un boitier à l'autre, en laissant le précedant en place.
Un homme (Francais) se dirige vers moi et me demmande si je fais des photos, puis la Sinar est en place pour une photo, s'en suit une conversation surréaliste.
L'Homme : mais là, vous faites une photo.
HG sans s'arreter : oui bien sur, je suis là pour ça.
L'Homme : Mais il n'y a rien d'interessant, vous ne photographiez rien.
Cet individu trouvait mon sujet sans intérêt, pas l'église mais mon cadrage ou ce qu'il supposait être mon cadrage.
HG : Tous les sujets sont intéressants, celui-là comme les autres.
L'Homme : Il y a des tas de belles choses à photographier et vous photographiez ce qui n'a aucun intérêt.
HG : Je ne suis qu'un artisan, si vous voyez un plombier souder un tuyau vous lui dites que ce n'est pas le bon.
L'Homme : Je sais ce que je dis cette photo n'a pas d'intéret.

Sa femme voyant l'impasse le tira par la manche pour le tirer vers la suite de leur périple.
Cette photo a été publiée dans un bouquin qui tira à 70 000 ex et le choix des sujets photographique est toujours libre. Certain pense que nous ne soMmes pas digne de cette liberté.

Pas d'inquiétude je fais toujours des photos et souvent en GF.

Henri Gaud


 
 Re: C'est l'été...
Auteur: Henri Peyre 
Date:   16-07-2002 08:35

Histoire vécue alors :

Un photographe perd énormément de temps à convaincre son client qu'il a eu raison de faire appel à ses talents. Aujourd'hui, le public est persuadé que pour faire des photographies il suffit d'avoir un appareil photo.
Quand je dois réaliser de la photographie de commande, moi qui aime partir le nez au vent, je suis très embarrassé. Je prends la plus grosse de mes chambres, les objectifs les plus monstrueux, les accessoires les plus mastocs. En réalité je n'aime que faire de la photographie en étant le plus léger possible avec un objectif standard. Mais bon, c'est la loi du genre, il faut épater le client. La première heure est l'examen de passage, et il faut s'y plier.
Cette fois là c'était un restaurateur, homme intelligent vif et courtois, affable mais aiguisé. En un mot il m'impressionnait fort. Il avait à ma demande préparé tout une cuisine, mobilisé ses chefs pour les meilleurs plats, fait astiquer sa cour comme jamais, déployé les efforts de ses lingères. Il m'attendait.
J’avais peur de ne pas être à la hauteur. Je pensais qu'il le sentait. Il surveillait avec son oeil tranchant le moindre de mes mouvements.
Pour le rassurer d’entrée, je déployais avec affectation l'énorme monorail Linhof. Il m'empêchait de me concentrer, posant des questions sur la luisance des tomates et l'aspect mouillé des écrevisses. Je répondais à côté, affairé au matériel. Il faisait cent propositions d'amélioration à la minute. Chacune me donnait l'impression qu'il était d'une exigence à laquelle je ne saurais jamais répondre. A chaque fois qu’essoufflé il s’arrêtait de parler, je pensais que la chambre avait commencé de faire son effet, qu’une sorte de respect pour le matériel que je mettais en bataille allait le saisir, et que son silence en était le début. Mais non il recommençait aussitôt.
Je me concentrai sur la première vue. C'était un extraordinaire plat de poivrons, présenté dans une céramique XVIIIème sous l'ombre d'un palmier. Une nappe colorée achevait ce magnifique tableau méridional. C'était sublime.
Je me sentais de plus en plus mal et indigne de ce que cet homme espérait de moi. A cette époque j’avais moins fait de photos à la chambre et mes gestes y étaient encore gauches. Je sentais qu’il ne me laisserait pas le silence suffisant à la concentration sur la mécanique.
Je sortais donc mon Fuji 6x9. C'est un appareil à objectif fixe. La visée ne passe pas par l'objectif, mais par une fenêtre de visée télémétrique. Un énorme Leica en quelque sorte.
Cet appareil là fait à la prise de vue un gros clac d'obturateur. Un clac vraiment très rustique.
Il est simple d’emploi, rassurant, c’est un gros bœuf qui fait des photographies sublimes.
C’était ce qu’il me fallait à cet instant.
A peine l’avais-je sorti que je sentais le courage me revenir comme un sang plus chaud. Peu à peu je redevenais plus calme, je me concentrais mieux sur l’extraordinaire sujet qu’il m’avait préparé. Lui-même devait sentir que j’avais repris confiance. La vitesse de son débit diminuait. Il m’observait avec plus d’intensité encore, mais je sentais que ce n’était plus l’œil du contrôle, plutôt celui de la confiance, un œil qui accompagnait mes mouvements plutôt qu’il ne les évaluait. Presque à un moment, je commençais à saisir une nuance d’admiration dans le ton plus posé de sa voix.
Je pris la première photographie.
Juste avant le « clac » il y eut une véritable petite tension, un moment où le temps s’arrête ou au moins hésite, un moment où, probablement saisi lui aussi par tous les possibles, il s’arrêta de parler, pour attraper avec l’appareil l’essentiel du moment.
J’armais pour une deuxième photographie.
Je le sentais presque amical à présent. C’est sûr il avait compris que je faisais de mon mieux, que j’avais choisi le meilleur angle, un angle auquel il n’aurait pas pensé lui-même. Pendant le cadrage de la deuxième pose, il resta complètement silencieux jusqu’au « clac ».
Lorsque je me redressais, je vis que c’était devenu un ami. Il me souriais et je doutais presque que ce fut le même homme. Il était radieux à présent. Il avait vu à chacun de mes mouvements le soin que je mettais à le satisfaire, l’ambition que j’avais de tirer le meilleur de toutes ses préparations. Il avait confiance. Plus que cela encore il commençait à sentir que sa présence, en me déconcentrant, pouvait m’empêcher de tirer encore plus de ses préparations. Son intérêt commandait qu’il s’éclipse.
Il me dit sobrement : « quand vous ferez une pose, venez que je vous offre un Perrier » et s’éloigna. Je le vis traverser la cour, échanger deux mots avec sa femme, et à la façon dont elle me regarda, je compris qu’il lui avait dit le plus grand bien de moi. Je me sentais bien. Vraiment en forme à présent, et prêt à passer à la chambre.
Ce n’est qu’à ce moment là, en dévissant le Fuji de son pied, que je m’aperçus que j’avais pris les trois photographies avec le capuchon d’objectif.


 
 Re: C'est l'été...
Auteur: Jimmy Péguet 
Date:   16-07-2002 12:28

Le client est terrible : un passage à vide, un instant où on semble manquer d'assurance, et le voilà sur des charbons ardents. Si on n'est pas immédiatement rassurant, c'est contagieux, plus on devient fébrile, plus on s'enfonce, plus il est inquiet !

Une autre qui a dû arriver à tout le monde, mais qui est horriblement vexante : le jour où je suis entré dans le labo pour décharger une dizaine de châssis. Je les prépare, les aligne sur la table, comme d'habitude. Je prépare les boîtes pour les vider, et une boîte de film neuve pour les recharger illico. Tout se passe très bien. Pendant longtemps, je fermais les yeux d'instinct pour ce faire. Je ferme donc très fort les yeux sans même m'en rendre compte, je décharge mes 20 plan-films, je les range, j'ouvre la nouvelle boîte et je recharge mes châssis. Aucun problème. Je referme la boîte et retourne allumer la lumière. Sauf que c'est juste à ce moment que je me suis rendu compte que j'avais tout fait les yeux fermés, mais la lumière allumée. On se sent furieusement con. Maintenant, je m'oblige à garder les yeux ouverts dans le noir.




 
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