Auteur: Nico
Date: 03-07-2003 14:40
Bonjour!
Pascal, je pense que vous faites allusion à la destruction des quartiers populaires des grandes métropoles chinoises, et, plus généralement, à l'essor plutôt "violent" de la Chine vers un modèle urbanistique (c'est français, ça?) occidental.
On parle bien de la Chine continentale, il n'en est pas de même pour Taïwan ou Hong-Kong.
Comme je le disais, mon point de vue sur la culture chinoise est assez "idéal", il ne se compromet pas trop avec la réalité quotidienne.
En effet, la Chine d'aujourd'hui vit une transition entre le modèle communiste et l'ouverture (s'il faut appeler ça comme ça) vers un modèle (économique, social, etc.) occidental, alors même que la période communiste est très courte dans l'histoire chinoise et, par là, encore assez peu "digérée". D'où un mélange des genres dans lequel tout est déboussolé, où beaucoup perdent leurs repères, où quelques uns trouvent adroitement et très habilement (autant qu'éhontément) leurs intérêts immédiats, etc.
Un modèle, un mode de vie (la Chine de 2003 tournée vers le modèle occidental) est en train d'en bousculer un autre, difficilement établi (celui de la Chine communiste) et pas spécialement stable; certaines personnes, nées au XXe siècle, ont vécu ces 60 dernières années en chamboulement constant, alors que la Chine suivait le cours de son histoire depuis quelques dizaines de siècles sans grand détour.
Je pense qu'il faut garder tout cela en mémoire pour apprécier un contexte.
Et maintenant, la question du patrimoine.
Concernant les hutong (quartiers populaires), je ne crois pas que les Chinois considèrent cela comme du patrimoine culturel intéressant (même s'il en existe des défenseurs); il faudrait voir ce que pensaient les Parisiens des grands travaux haussmaniens pour peut-être apprécier mieux et de notre côté ce passage d'un monde à l'autre. Et, dans une certaine mesure, les grands immeubles représentent un pas vers le confort que beaucoup apprécient (eau courante, électricité moderne, ascenceurs, etc., certes moins poétiques que les hutong pour nous, mais peut-être plus vivables en 2003, surtout en hiver… :-) il fait très froid en Chine continentale, en hiver); ensuite, il y a une part de la culture chinoise, et orientale aussi, qui fait que souvent, l'intérêt particulier passe au second plan par rapport à l'intérêt du groupe (le personnage lambda et le peuple chinois; cela explique, par ailleurs, cette solidarité, parfois assez exclusive, qui existe dans ces communautés à l'étranger, notamment)); enfin, les Chinois, je crois, ont fini par accepter que la Chine devait combler son retard face à l'occident, et cela de manière urgente (je dis ce qu'il en est, je ne sais pas si cela est bon, mais c'est, je crois, un fait). D'où l'arrivée massive du béton et des avenues gigantesques dans les métropoles asiatiques, et l'acceptation, passive je crois, de la destruction des hutong.
[aparté] il y a beaucoup de "je crois" dans mon texte: je n'ai pas l'habitude d'écrire tout cela, et je ne voudrais pas donner l'impression de faire un cours magistral… [/aparté]
Les Chinois ne sont pas totalement indifférents à la destruction des hutong, je pense que c'est le message qui nous est transmis, assez simple à comprendre et assez simple à véhiculer par ceux qui nous informent. En fait, ils ne sont pas complètement insensibles: ils savent très bien ce qu'ils perdent, qui est une partie de leur histoire personnelle souvent, et de leur culture en général; mais ils savent aussi très bien ce qu'il y a de bon à gagner dans un immeuble moderne (en tout cas, ils ont été très bien convaincus par des discours engageants). Nous sommes, quelque part, un peu responsables de cela: à force de diffuser (par les media, par Internet, par le cinéma) un modèle de vie tel que le nôtre, on a fini par convaincre des millions de gens qui n'ont pas l'eau courante, qui n'ont pas le téléphone, pas la voiture, etc., qu'il y a un progrès indéniable à avoir un portable, une télé couleur, etc., toutes choses un peu ridicules au fond d'une maisonnette de hutong…
Attention, je ne jette pas la pierre, j'essaie juste de remplir le contexte! Ils ne sont pas si indifférents; encore une fois, qu'en pensaient les Parisiens devant les travaux d'Haussman?
Et tout cela ne met pas de côté le rapport que certains Chinois entretiennent avec les pratiques artistiques (je reconnais que pas tous les Chinois s'intéressent à ça, de même que pas tous les Français se préoccupent de ce qui nous intéresse ici); simplement, il est peut-être plus difficile de nos jours de se concentrer sur ce type de préoccupations, dans ce monde où tout bouge vite et où beaucoup nous échappe tout en ayant une répercussion sur nos vies particulières, plus difficile que dans des temps ou des lieux où l'on a un rapport plus direct avec son monde (son monde plus restreint, aussi).
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