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 Conceptuel
Auteur: pscl 
Date:   27-11-2005 12:20

Bonjour
Parce que c'est un terme qui revient souvent dans l'analyse des travaux de certains photographes, j'aimerais comprendre ce que signifie "concept" par rapport à "idée".
Auriez-vous des exemples qui me permettraient de mieux comprendre la différence entre ces deux mots?
Merci!
Bon dimanche


 
 Re: Conceptuel
Auteur: Jean-Paul Planchon 
Date:   27-11-2005 12:29

"Concept: Représentation symbolique (presque toujours verbale), utilisée dans le jeu de la pensée abstraite, et ayant une signification générale valable pour un ensemble de représentations concrètes dans ce qu'elles ont de commun (concept d'arbre, par exemple, commun à toutes les sortes d'arbres)."
Le grand dictionnaire terminologique de l'office quebequois de la langue française.


 
 Re: Conceptuel
Auteur: jean-claude LAUNEY 
Date:   27-11-2005 12:41

Pour rester dans les définitions des dictionnaires vous avez un excellent dictionnaire sur internet : le trésor de la langue française informatisé.

http://atilf.atilf.fr/

Pour conceptuel vous aurez :
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/affart.exe?19;s=3008164110;?b=0;

Mais voyez plutôt à concept :
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/affart.exe?19;s=3008164110;?b=0;


 
 Re: Conceptuel
Auteur: jean-claude LAUNEY 
Date:   27-11-2005 12:43

mes liens renvoyant aux définitions ne marchent pas.
Il faut entrer vous même la recherche des mots


 
 Re: Conceptuel
Auteur: Pierre Brasile 
Date:   27-11-2005 14:06

Jean Claude,

merçi pour le lien; c'est un bel ouvrage


 
 Re: Conceptuel
Auteur: pierre f 
Date:   27-11-2005 14:17

Bonjour,
il existe aussi le mouvement de l'art conceptuel :

http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-ArtConcept/ENS-ArtConcept.htm

Bonne journée

pierre f


 
 Re: Conceptuel
Auteur: gp 
Date:   27-11-2005 14:36

Pour faire bref sur l'art conceptuel, en très gros, c'est assez bien résumé par un des papes, Kosuth :
" Art as idea as idea "


 
 Re: Conceptuel
Auteur: gp 
Date:   27-11-2005 14:40

… qu'on pourrait traduire par :
"l'idée d'art comme idée"


 
 Re: Conceptuel
Auteur: Besson 
Date:   27-11-2005 14:55

Le concept est le dictat de l'art actuel et plus particulièrement en photographie.
Tous les intervenants de ce forum, aussi compétents qu'ils soient techniquement et en règle générale plutôt réacts sont néanmoins à la botte de ces imposteurs.
C'est toute la contradiction de notre époque , et la fragilité des êtres en est la parfaite demonstration, n'est ce pas Mrs les maîtres du forum! Ceux là même qui participent largement au triomphe des artistes concepteurs!


 
 Re: Conceptuel
Auteur: Henri Gaud 
Date:   27-11-2005 14:59

Besson,

Qui que tu sois,
Il faut argumenter plus finiment,
Que cache les "les maîtres du forum"
Et quid de "Ceux là même qui participent largement au triomphe des artistes concepteurs!"
C'est digne de Paris Match,
Le choc des mots le poids des photos.

HG


 
 Re: Conceptuel
Auteur: Besson 
Date:   27-11-2005 15:01

Bien vu!
Vous vous êtes reconnu!


 
 Re: Conceptuel
Auteur: Henri Gaud 
Date:   27-11-2005 15:05

Là j'aimerai vraiment lire une argumentation qui me place en ceux qui participent largement au triomphe des artistes concepteurs.

Je ne crois pas être votre candidat,
Mais j'attends vos arguments.

HG


 
 Re: Conceptuel
Auteur: Xavier R 
Date:   27-11-2005 15:16

Si on savait qui sont les photographes conceptuels plutôt que chercher leurs supposés suppôts , peut-être serions nous un peut plus avancés.
A chaud comme ça j'avoue ma parfaite ignorance et j' aimerai l'être un peu moins.
D'avance merci.


 
 Re: Conceptuel
Auteur: Henri Gaud 
Date:   27-11-2005 15:25

Pour moi les Bescher c'est du conceptuel,
C'est le concept qui prime,
C'est pas de "la belle image".

HG


 
 Re: Conceptuel
Auteur: pierre f 
Date:   27-11-2005 15:39

Bonjour,
"Pour moi les Bescher c'est du conceptuel"
oui, et pas mal de leurs anciens éléves: les portrait de Thomas Ruff entre autres exemple, mais Sugimoto aussi.
Je crois que la notion de "photographie conceptuelle" est tout de même assez large. Pour preuve le dvd édité par Arte regroupe :
John BALDESSARI
Bernd et Hilla BECHER
Christian BOLTANSKI
Alain FLEISHER
John HILLIARD
Roni HORN
Martin PARR
Georges ROUSSE
Thomas STRUTH
Wolfgang TILLMANS

Pierre f


 
 Re: Conceptuel
Auteur: Xavier R 
Date:   27-11-2005 15:47

C'est vraiment très large en effet.
Perso j'aime pas les Becher mais j'aime bien Parr et Struth.
Si je comprend bien du moment qu'on fait dans la série on est conceptuel.
Si c'est vrai la quasi totalité des photographes artistes sont conceptuels.


 
 Re: Conceptuel
Auteur: Henri Gaud 
Date:   27-11-2005 15:57

La série n'a rien à voir,
Le photographe conceptuel,
C'est celui qui développe un concept et qui ensuite photographie Ad minima,
En respectant le concept.

On peut être conceptuel sans être photographe,
Et photographe sans être conceptuel.

Ensuite on étudie l"épistémologie du conceptuel,
Pour débusquer ceux qui ce disent conceptuel, mais qui n'en sont pas,
Et ceux s'en défendent, mais en font partie à leur dépend.

Pour finir et en fanassant un tout petit peu,
Dès que l'on aligne plus de 3 mots sur son travail,
On peut être considéré comme conceptuel,
Mais cela ne prend tout son sens que si l'on méprise tous les autres axes de la photographie, rendu de matière, traitement de la lumière, y compris l'instant désisif.

Une vraie photographie conceptuel doit être plate en lumière,
Mais peut-être haute en couleur, cadré conceptuellement (sans remise en cause par rapport au sujet), et conçue largement en amont, le terrain n'est qu'un prétexte.

HG

HG


 
 Re: Conceptuel
Auteur: gp 
Date:   27-11-2005 16:06

Il faut peut être faire une distinction entre une photographie conceptuelle, dont par exemple Jeff Wall se réclame, et l'art conceptuel utilisant la photographie comme document.
Pour les Becher, ils s'inscrivent plus dans le 'style documentaire' que dans la démarche de l'art conceptuel. Il faut rappeler que leur travail a été récupéré par les avant-gardes américaines, ce qui leur vautt depuis l'étiquette 'art conceptuel'.

Pour ma part, je crois qu'une photographie artistique, pensée, est à un moment donnée de sa genèse, conceptuelle.


 
 Re: Conceptuel
Auteur: henri peyre 
Date:   27-11-2005 16:38

Je puise dans quelques notes de cours :

"L'art conceptuel se développe dans les années 1960-70. C'est un art du langage qui privilégie l'énonciation des idées sur leur réalisation en objet.
Il se sert de la photographie, avec l'exigence qu'elle reste pauvre et inféodée aux idées. Le document photographique est sollicité pour nier le goût artistique dominant. L'art conceptuel est ainsi amené à valoriser ce qui est amateur ou les remplois des formes du reportage.
En fait la photographie est utilisée artistiquement comme contre modèle (de la peinture et de l'ensemble des expressions traditionnelles de l'art).

Dérivés : performance, land art sont enregistrés par la photographie sans pour autant que l'image soit une icône."

Commentaire

Pour faire très court : c'est la révolution : on veut à l'époque fiche au feu les "Beaux-Arts"; on en annonce la mort. Il s'agit surtout, bien entendu, comme d'habitude, de dégager les anciens pour prendre les places convoitées. Les purs et durs qui parlent au nom du peuple n'atteindront jamais aucun soutien populaire mais obtiendront de bons postes dans l'administration des Beaux-Arts ;-)
Faites un calcul de date : ils y sont encore, plutôt âgés mais bien vissés. D'où une influence certaine encore aujourd'hui en France, malgré un discours qui a pris un sacré coup de vieux et apparaît comme un accadémisme de plus.

Au crédit du conceptuel : le goût de la pensée et du mot, bien sympathique, et le fait d'avoir lourdement insisté sur ce que la pensée précédait forcément la production de l'oeuvre.

Paradoxe...
Curieusement, en définitive, la photographie, utilisée par les conceptuels pour tuer les Beaux-Arts, va "sauver" l'art de la dématérialisation conceptuelle... ouvrant une brèche dès le début de la "révolution" à des gens comme Wall qui revendiqueront que la photo, par essence figurative, est la continuation de la peinture par d'autres moyens.


 
 Re: Conceptuel
Auteur: Pierre Brasile 
Date:   27-11-2005 16:51

Merçi Henri,

en termes mesurées vous avez énoncés ce que j'aurais dit avec moins de nuances;

le conceptualisme s'étend dans de multiples domaines de la société ou le "parler" intellectuel, turboalimenté avec une phraséologie abstraite permet de s'installer brillament aux commandes; dans la mesure où le résultat importe moins que l'intelligence cosmétique étalée ........................ il y a des dérives que se paient chères;

en photographie, c'est moins grave, ce ne sont que des photos banales asservies à une illustration verbale brillante; certains pensent que ce n'est pas grave dans le mesure où l'intérêt de ce travail est justement de pouvoir philosopher sur le sujet et non plus de le contempler comme oeuvre ..............

cqfd la boîte à camembert devient donc sujet à discussion


quiconque pense qu'il s'agit de fumisterie est relégué au rang des analphabètes grincheux


 
 Re: Conceptuel
Auteur: JB 
Date:   27-11-2005 16:57

C'est pas fumier quand le type est le premier à le faire, car au moins il a le mérite de l'originalité.
C'est très fumier quand le type est un suiveur, et utilise une idée d'un autre pour justifier une certaine pauvreté de facture.
Pour le reste Henri, on ne peut taper plus juste!


 
 Re: Conceptuel
Auteur: Jean Riondet 
Date:   27-11-2005 17:41

En observateur averti de la photographie et desphotographes, très finement Henri Peyre a pris la posture du sociologue, il ne s'agit pas de savoir ce que sont ces mots en soi mais qui les crée, les utilise, qui en profite...
Il est moins opératoire de savoir si l'embryon est un être humain, mais davantage qui et pourquoi cherche à le faire définir tel.
En sciences sociales les définitions sont plurielles mais on admet que : l'idée est de l'ordre de l'intuition première de l'ordre de la définition de base, de l'axiome, donc indémontrable.
Mais l'idée désigne aussi ce qui est de l'ordre de la forme générale, l'idée de cercle, ce serait l'intuition première, une représentation que l'on a d'une chose, d'une situtaion, d'une relation entre des humains ou des choses.
Mais idée peut aussi faire référence à théories, modèle, on se rapporche du terme idéologie.
Le concept est utilisé pour désigner un opérateur intellectuel, un outil technique intellectuel pour conduire une analyse, une description.
Le terme de classe sociale désigne un concept, une manière de classer des situations humainespour en faciliter l'analyse par réunion dans une même catégorie des situations apparamment très disparates. Les Catégories socio-professionnelles de l'INSEE ont été pendant longtemps construites en particulier avec ce concept.
De l'idée au concept il n'y a qu'un pas bien souvent.

Le mot concept connaît une vogue, une mode particulière actuellement pour désigner des manières de faire, des services, par exemple des architectures, des types de produits que l'on a configuré d'une certaine manière qu'en d'autres termes on aurait pu désigner sous le vocable de catégorie, classe d'objet, ainsi l'appartement avec mezzanine serait un concept, le loft serait un concept, un vin désigné par son cepage et non par son terroire ou par un nom commercial serait un concept, la vente de type Tupperware est un concept... le concept c'est le langage marketing, c'est celui de l'heure et en plus ça fait tendance.. de quoi ... on se le demande !
JR


 
 Re: Conceptuel
Auteur: hervé durand 
Date:   27-11-2005 18:15

Il faut rendre à César ce qui est à César.
Ethimologiquement et conceptuellement (sic!) art et concept n'ont rien à faire ensemble. C'est un non-sens
Historiquement "l'art conceptuel " déboule au moment ou d'autres avant gardes remettent en question le statut de l'oeuvre : Fluxus (" l'art c'est ce qui rend la vie plus intéressante que l'art"), le Lettrisme, le Situationnisme, Art and Language, etc...
On a tendance à qualifier un artiste de conceptuel dès qu'il a des idées, pour un photographe, c'est encore pire.
Laisser les concepts aux philosophes, c'est leur domaine.
Quand aux Avant Gardes, elles appartiennent au passé.
Quand j'endends dire que Sugimoto ou les Becher sont conceptuels, ça me fait bien marrer. Eux et quelques autres ont des idées sur le médium, la technique et l'outil photographique. Ils se confrontent à cette matière pour élaborer leurs oeuvres. Ils refusent souvent l'expression. Mais je vois rien qui permette de les qualifiier de conceptuels tel que l'a bien défini Henri Peyre.
Ce qui devrait plus nous effrayer et nous révolter que l'épouvantail de l'art conceptuel, ce sont les curés, les cenceurs et les chapelles.
Vive la Poésie.


 
 Re: Conceptuel
Auteur: Pierre Stringa 
Date:   27-11-2005 18:28

A lire certaines remarques, on ne peut qu'être étonné et se dire que l'art conceptuel est toujours opérant (... puisque satanisé et caricaturé, pour ne pas dire carrément nié).

Questions sans polémique (... disons de curiosité positive):

- Pourquoi?... Et quels sont les enjeux derrière la caricature?...

A+

Pierre


 
 Re: Conceptuel
Auteur: hervé durand 
Date:   27-11-2005 18:44

P.S. :
Le sens de mon message n'est pas du tout de diaboliser "l'art conceptuel". J'aimerai connaitre beaucoup mieux Kossuth par exemple. Mais de relever quelques amalgames bien carractèristiques de notre époque "d'incidents sémiologiques". Le message de Jean Riondet est clair à ce sujet.

Ce qui est caricatural par exemple, c'est qualifier le peintre Rémy Zaugg de conceptuel parce qu'il peint des mots.


 
 Re: Conceptuel
Auteur: Zoran 
Date:   27-11-2005 19:06

Merci Henri pour ces repères historiques.

Paradoxe...
Curieusement, en définitive, la photographie, utilisée par les conceptuels pour tuer les Beaux-Arts, va "sauver" l'art de la dématérialisation conceptuelle... ouvrant une brèche dès le début de la "révolution" à des gens comme Wall qui revendiqueront que la photo, par essence figurative, est la continuation de la peinture par d'autres moyens.


Je voudrais ajouter une chose à propos de Jeff Wall.
Dans un entretien récent accordé au magazine Numéro, il expliquait qu'à ses débuts il était animé par l'envie d'en découdre avec la photographie et pour tout dire il avait le désir d'épuiser le médium, d'en finir.
Après des années de travail, il déclare que la photographie l'a "rattrapé" et qu'aujourd'hui il est tout simplement un photographe.
Cela m'a vraiment ému, j'ai trouvé cette déclaration formidable, preuve d'une très grande honnêteté intellectuelle.

ZK


 
 Re: Conceptuel
Auteur: Pierre Stringa 
Date:   27-11-2005 19:48

P.S.

"Ce qui devrait plus nous effrayer et nous révolter que l'épouvantail de l'art conceptuel, ce sont les curés, les cenceurs et les chapelles."

Tout à fait d'accord!...
Hervé, n'ayant pas lu votre texte (... j'étais en train de formuler de mon côté), je ne faisais pas référence à votre texte dans ma question.

Vive la Poésie.

A+

Pierre


 
 Re: Conceptuel
Auteur: Michel Guigue 
Date:   27-11-2005 20:14

Si je vous dis qu'il y aura du cassoulet à midi ; vous vous faites déjà une certaine "idée" de la chose, avec ses dérivations inévitables.

Je laisse le "concept" au cuisinier.

Les effet du "concept" rejoignent l' "idée" qu'on s'en fait : plaisirs de toutes sortes ...


 
 La cote du nouveau réalisme
Auteur: J-L Salvignol 
Date:   27-11-2005 20:50

Le journal "le Monde" du 27/11/05 :


http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-3246,50-714603,0.html

Le thème est bien dans l'air du temps, qui est celui du marché.

JLs


 
 Pierre Restany (long)
Auteur: J-L Salvignol 
Date:   27-11-2005 21:02

1975-- ART SOCIOLOGIQUE ET LE COLLECTIF d'ART SOCIOLOGIQUE PAR PIERRE RESTANY

Domus, N°548, Milan, juillet 1975

1965-1975 : dix ans de lente désobjectivation, de dématérialisation continue de l'art. Minimal art, land art, arte povera, body art, process art, cool painting : tous ces différents processus de désobjectivation ont proliféré au rythme d'expansion de la nébuleuse de l'art conceptuel. Au fur et à mesure que l'art contemporain perdait sa composante esthétique traditionnelle (œuvre) au profit de sa composante morale (comportement) un phénomène de compensatoire de récupération objective se produisait au niveau de l'enregistrement de l'action ou de la méthode de lecture de la proposition conceptuelle.

La mise en situation critique de l'art par les artistes eux-mêmes a abouti à un changement radical dans les termes de la communication. C'est le contenu critique de la démarche artistique qui s'est auto-objectivée, en quelque sorte, à travers les moyens techniques de sa propre documentation. Le livre conçu comme lieu de recherches, la photographie, l'audio visuel ont connu un immense développement.

Nous voici à la fin de cette décade de prémutation anthropologique, confrontée avec un matériel documentaire dont l'abondance ne fait que croître. Le produit de l'ensemble de ces activités critiques enregistrées et objectivées constitue le fait socioculturel majeur de notre époque. Parler dès lors d'art sociologique devient tentant et d'ailleurs les faits nous y poussent. Dans un contexte publié dans le quotidien français " Le Monde " du 10 octobre 1974, Hervé Fischer, Fred Forest et Jean-Paul Thénot, annoncent la création d'un " Collectif d'Art Sociologique ". Ce collectif, " par sa pratique artistique tend à mettre l'art en question, à mettre en évidence les faits sociologiques et à visualiser l'élaboration d'une théorie sociologique de l'art ". Le professeur Bernard Teyssèdre s'est fait le porte parole d'une conception plus élargie de l'art sociologique et au cours de ses diverses manifestations axées en ce sens qui ont eu lieu durant cette saison, on a pu percevoir des tiraillements entre le noyau opérationnel " dur " des trois membres du collectif et l'intervention plus flexible du professeur poète (1) Ces tiraillements ne vaudraient même pas la peine d'être mentionnés dans Domus s'ils n'étaient pas significatifs du vrai problème. Hervé Fischer et ses exercices pédagogiques de l'hygiène de l'art (peinture essuie-mains, pilules anticonceptuelles, signalisation artistique), Fred Forest et ses animations vidéo filmées, Jean-Paul Thenot et ses enquêtes statistiques, font de la sociologie de l'art, purement et simplement. Mais ils en font en tant que " pratique artistique ". Et cette pratique se fonde sur un fait précis : la saturation de la sensibilité collective par les mass media. Tous les moyens sociologiques sont bons (à commencer par l'usage diversif des mass media eux-mêmes) quand il s'agit d'éveiller l'homme à la conscience de sa " massification " psychosensorielle.

Lorsqu'Hervé Fischer recouvre les panneaux de signalisation dans les rues d'inscriptions telles que : " Art qu'avez-vous à déclarer ? " ou " Attention à la peinture ", il nous rappelle que l'art s'identifie à la notion de frontière culturelle et correspond à un clivage social. Les œuvres qui passent la ligne de démarcation sont des marchandises à valeur déclarée. Lorsque Fred Forest publie dans tel ou tel quotidien un carré blanc (c'est-à-dire un espace vide) en invitant le lecteur à le découper et à lui remettre dûment rempli (c'est-à-dire à s'en servir pour lui transmettre librement un message), quand ce même Forest offre aux vieillards d'une maison de retraite les moyens de faire un film où ils se racontent eux-mêmes, son but est de stimuler l'urgence expressive latente du public le plus anonyme et de lutter contre la passivité paralysante de la communication. Les enquêtes et les sondages d'opinion de Thénot sont basés sur l'effet choc de la demande qui provoque la réponse. Il entend rendre lisible et compréhensible l'opération de " questionnement". Son travail acquiert de ce fait une valeur didactique non coercitive.

L'accent est délibérément porté sur l'effet didactique, révélateur, libérateur de la méthode, beaucoup plus que sur l'analyse du résultat. Ces méthodes ont un aspect systématique et à la limite naïf, qui risque de les faire apparaître, bien minces, par rapport à l'enjeu socioculturel des démarches assumées par les protagonistes du land art, du process art, du body art, de la peinture froide ou de l'art conceptuel. Je pense par exemple à la prémonitoire subversion de l'objet chez Beuys, héritier freudien du nouveau réalisme; à la portée capitale du passage, chez Kossuth, de la représentation à la présentation de représentativité de l'objet tangible, au blow-up de la définition dans le dictionnaire. Je pense à "l'azérotation " de Vincenzo Agnetti, à la mise à l'épreuve du corps par un Vito Acconci, à la situation-limite visuelle d'un Buren. Je pense aussi à l'intuition fondamentale de l'autonomie du langage audio-visuel chez Nam June Paik, héritier électronique de John Cage et d'Allan Kaprow.

Les méthodes du collectif ont en revanche un immense avantage : celui d'être assumé clairement en tant que telles, sans faux-semblants et en parfaite honnêteté intellectuelle. La fermeté idéologique du collectif est le fondement positif de son dynamisme. Mais ce menu spartiate est un peu trop austère pour un gourmet intellectuel tel que Teyssèdre (1). En étendant le concept d'art sociologique à la mise en question de l'entier contexte artistique (idéologique, économique, politique) et d'autre part à l'analyse des moyens de communication et des circuits de diffusion de l'art contemporain, il arrive à recouvrir le champ tout entier - ou presque - des recherches désobjectivantes de la décade 1965-1975.

La motivation d'une telle extension est évidente. Mais alors toute expression artistique présente un intérêt sociologique. Toute peinture, toute sculpture, toute architecture constitue un fait social. Ce n'est pas pour rien qu'il existe une sociologie de l'art, au même titre qu'une sociologie du langage. Pour parer à ce danger d'excessive dilution Teyssèdre tente de limiter le champ sociologique par le biais de l'ontologie. La démarche sociologique commence à partir de la néantisation de l'ego. Est sociologique toute démarche qui tend à l'abolition du moi-sujet, à la parfaite objectivité dans le non-individualisem de la proposition. Les bandes verticales de Buren, par exemple, lui paraissent plus anonymes que les bandes horizontales de Parmentier, qui s'obstine à revendiquer une "personnalité d'artiste ".

Comment doser, dès lors, la part du moi-sujet, dans la désobjectivation de l'œuvre ? Aucun artiste conceptuel, que je sache, ne s'est jamais effacé derrière le système de langage qu'il nous propose. Le code analytique de perception auquel il nous renvoie demeure le sien, l'émanation de sa conscience, le sceau de sa responsabilité.

C'est en fin de compte le rapport moi + le code qui fonde toute l'opération de communication conceptuelle. Mais nous passons, là, du domaine de la sociologie à celui de l'anthropologie culturelle.

Ce qui demeure déterminant c'est la constance du glissement en sens inverse, de l'anthropologie à la sociologie…En plus des motivations évidentes de couverture idéologique, il faut chercher la raison profonde de ce phénomène qui, s'il n'est pas radicalisé avec autant de subtile fougue que chez Teyssèdre, n'en existe pas moins un peu partout à l'état latent dans la presse critique (ou auto-critique) spécialisée, en Europe comme aux USA ou au Japon. Et cette raison n'est que trop logique : elle réside dans l'irrésistible tentation de récupérer scientifiquement l'entier appareil critique et documentaire de la recherche conceptuelle. En usant à l'extrême de la flexibilité des moyens à sa disposition, l'art conceptuel a su maintenir au sein du monde cloisonné et fonctionnel des mass media, la brèche ouverte d'une technologie ad hoc. Ainsi se sont développées les dimensions nouvelles de l'écriture, de la notation codée, de l'enregistrement sonore et audiovisuel. Toutes ces propositions de langage faisant appel à la méthodologie des sciences humaines, on peut parler aujourd'hui d'analyse artistico-structurale, d'art sémiologique, d'ethnographie ou d'archéologie culturelle. Le dénominateur commun à tous ces emprunts méthodologiques demeure le fait social qui les sous-tend, le document justificatif.

Ce repérage sociologique ne se limite pas à l'analyse scientifique du problème. Sa valeur discriminante générale en fait, ipso facto, l'instrument de la récupération économique. On apprend à lire le langage conceptuel comme on déchiffre une partition musicale ou comme on regarde un film d'auteur. Et sur cette dimension de la communication se fonde un nouveau marché de l'art : cette décade 1965-1975 a vu naître un marché nouveau du livre, de la photographie, de la bande sonore, du film d'amateur (super 8), de la vidéo tape.

En récupérant l'art conceptuel, les sociologues en tout genre ont fait le jeu des marchands, alors que l'art sociologique, celui du collectif en tout cas, n'a pas vocation à devenir, à court terme, une valeur du marché, mais une valeur morale. Un bien culturel, où les critères de beauté et du commerce, qui sont inhérents à l'art traditionnel dans la société, se muent et se magnifient en actes de vérité. Les artistes conceptuels qui n'en sont pas dupes ont saisi l'occasion au bond. La science analytique est venue au secours de leur conscience bonne ou mauvaise.

L'immense matériel anthropologique que nos artistes conceptuels sont en train d'accumuler se déverse sur le nouveau marché, totalement dédouané par l'étiquette sociologique. Les jeunes du collectif d'art sociologique auront fort à faire dans leur campagne "prophylactique ". Ils ont entrepris une véritable course contre la montre. Ils n'auront pas fini le nettoyage par le bas, qu'il leur faudra commencer le nettoyage par le haut…

Soyons réalistes. Si la sociologie de l'art a contribué à faire du concept une nouvelle valeur marchande, ce compromis généralisé débloque d'un seul coup toute la situation. C'est sans doute à ce prix qu'il nous faudra payer la mutation anthropologique tant souhaitée, la révolution de nos sensibilités.

Pierre Restany, Paris, Mai 1975

Pour compléter le dossier...

JLS


 
 Re: Conceptuel
Auteur: pierre f 
Date:   27-11-2005 21:03

Bonjour,
la précision de ce forum est toujours un plaisir.
Il est vrai que j'ai été un peu rapide en utilisant le vocable "conceptuel" à propos de certains photographes. Mais je ne l'entendai pas au sens strict du mouvement qui porte ce nom et qui est très défini... je me suis sans doute fait avoir par le marketing (merci Jean pour votre analyse).
Lawrence Weiner , dans le film que j'ai fait sur lui, dit que la notion d'art conceptuel est une notion d'historien ou de critique car pour l'artiste "tout est conceptuel, acheter une toile, choisir une couleur ... c'est déjà conceptuel" ... ça a été une petite acrobatie pour faire passer le truc au montage, parce que partout et toujours on le défini comme "artiste conceptuel" ...
Bonne soirée

pierre f


 
 Re: Conceptuel
Auteur: pscl 
Date:   27-11-2005 21:55

Ouch!
Merci à tous de la richesse et précision de vos réponses et des liens mentionnés.
Et merci d'avoir démystifié ce mot et son utilisation! Car j'avoue que je l'accueillais avec prudence... :-)
Pascal Bodin


 
 Re: Conceptuel
Auteur: Michel Guigue 
Date:   27-11-2005 21:57

"Art conceptuel" = aubaine pour les critiques baveux en mal de lignes.

M.G.


 
 Re: Conceptuel
Auteur: gp 
Date:   28-11-2005 08:13

Michel ! Quelle aubaine alors !


 
 Re: Conceptuel
Auteur: gp 
Date:   28-11-2005 08:20

Pierre, où peut-on voir ce film ? Quel est son titre ?
Précision, enfin !! = )


 
 Re: Conceptuel
Auteur: pierre f 
Date:   28-11-2005 09:33

Bonjour,
il s'agit d'un documentaire sur le travail que Weiner a réalisé pour la médiathèque de Troyes, magnifique architecture de Dominique Lyon et Pierre Dubesset : "Lawrence Weiner, écrit dans le coeur des objets"
Il a été diffusé lors de l'exposition Weiner chez Marian Goodman à Paris en février dernier.
Il doit être diffusé dans la médiathèque de l'agglomération Troyenne et est édité en DVD dans un ouvrage sur la médiathèque aux Editions du Regard (textes de Dominique Lyon et Ghislain Mollet-Viéville).
Pas évident à trouver, mais en téléphonant à l'éditeur ça doit être possible.
Bonne journée

pierre f


 
 Re: Conceptuel
Auteur: Sergio 
Date:   29-11-2005 10:42

Plus simplement, et beaucoup plus terre à terre, il ya une plaisanterie que j'aime assez : on raconte qu'à Cartier Bresson qui avait oublié de mettre un film dans son appareil, Doisneau aurait demandé s'il s'était mis à la photographie conceptuelle...


 
 Re: Conceptuel
Auteur: martial maurette 
Date:   29-11-2005 18:08

En 1974, pendant mes études aux Beaux- Arts d'Aix-en-Provence, nous avions été invité au " Vernissage " d'une exposition: grande pièce blanche ,chauffée, table au centre avec petits machins de cocktails,boissons ...( ça y est il y en a qui vont lire )...
Et le temps passe et les discussions vont, viennent et les victuailles disparaissent et un certain énervement s'ensuit...Une bonne heure est passée.
Un personnage quelconque arrive ,se place en retrait de la foule : raclement de gorge, le silence se fait et le personnage de nous remercier de notre attente qui était "LE CONCEPT"
de son action...
Puis de nous asséner un discours, dont je ne me rappelle que la longueur et puis des jeunes filles voilées de blanc sont venues tourner en cercle portant des bougies...Des textes photocopiés furent distribués, argumentant le pourquoi du comment...

Je pense que " le concept " a besoin d'idée(s) portées par un discours complexe, soit dit, soit écrit et représente un mouvement, une chapelle, une représentation sociale, qui comme les autres se fera clouer au pilori par la prochaine bonne idée.

V'là que je la Sorbonne.

Martial


 
 Re: Conceptuel
Auteur: pf 
Date:   06-01-2006 13:56

Bonjour,
le film sur le travail de Lawrence Weiner pour l'architecture de Dominique Lion (médiathèque de Troyes) est en ligne à cette adresse :
http://www.mediatheque-agglo-troyes.fr/bmtroyes/#
C'est tout neuf !

pf




 
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