Hier, mercredi 22/08/12, M'sieur Ossette et moi-même avons fait un tour au musée Courbet à Ornans.
L'expo « À l'épreuve du réel, les peintres et la photographie au XIXe siècle » est installée dans la nouvelle aile, face au pont, là où sont mises les expos temporaires.
Au début de l'expo est installée une chambre d'atelier 40x50 cm avec un beau Petzval en laiton par devant. L'image sur le grand dépoli est vraiment somptueuse, de plus il y avait un beau coup de soleil dehors, l'image de la maison d'en face à travers la vitre était facile à voir.
Ce fut l'occasion de s'approcher, en vrai ou en fac-similé, de quelques exemples d'images prises et tirées selon des procédés photographiques contemporains de Gustave Courbet, en particulier des portraites, de marines et des sous-bois, thèmes traités par Courbet. Il y avait un vrai daguerréotype, de vrais papiers albuminés, etc.. La « Grande Vague » de Le Gray n'était là qu'en fac-similé, à côté d'un autre tirage authentique (venu de Châlon sur Saône) on aurait apprécié que la notice le dise clairement ...
Un certain nombre de photos étaient mises en regard d'un tableau censé représenter la même scène. On s'aperçoit que les tableau seraient parfois impossibles à simuler par une prise de vue photographique avec un sténopé ou une optique. Parfois les éléments dans le tableau sont représentés à des échelles différentes, comme si le tableau était un collage de plusieurs vues prises de vues de points de vue différents ou avec des focales différentes.
Exemple saisissant avec une fontaine en forme de vasque censée être bien connue de ceux qui fréquentent la villa Médicis ; les bâtiments en arrière-plan sont bien plus gros (3x !!) sur un tableau que sur une photo prise à la même époque ... Éventuellement on pourrait simuler le tableau avec une longue focale en se plaçant très loin de la fontaine, je doute que les peintres se plaçaient si loin du sujet principal.
Il y a un château de Chillon de Courbet où les Dents du Midi en arrière plan sont bien trop grosses pour correspondre à ce qu'on verrait avec le même premier plan de rivage et le même cadrage du château. On a également remarqué que Courbet n'avait pas réalisé de tableau à partir de la photo de Plonk et Replonk : « la construction du château de Chillon par les Frères Chillon ».
Parmi les débats qui vont & viennent sur nos forums, il y a celui de l'image authentique en une prise unique, opposée à l'infâme collage/bricolage par post-traitement numérique. On avait déjà souligné l'usage que firent les gestionnaires de photos officielles du siècle passé, où on gommait les dirigeants tombés en disgrâce au fur et à mesure des purges.
On avait bien entendu, dans un registre plus léger, déjà cité ici les ciels rapportés dans les photos prises avec des procédés ne voyant que le bleu (le Gray en particlier était un spécialiste de cette méthode, une espèce de HDR avant la lettre, procédé bien expliqué dans l'expo), mais on n'avait pas cité les tableaux composés à partir de photos.
Une section importante de l'expo est donc consacrée aux tableaux de peintres plutôt tombés dans l'oubli, qui ont été réalisés en atelier à partir de photos. Ces sont plutôt des tableaux de la période à cheval sur les XIXe et XXe siècles.
Deux exemples : un tableau de genre réaliste montrant de vieilles paysannes finlandaises en habit traditionnel ; en regard est mise la photo documentaire prise en 1887. Un détail en est agrandi sur 2 m de haut. Du coup le tableau semble bien pompier et bien peu intéressant, alors que le détail de la photo agrandi sur le mur impressionne par sa netteté, son absence de grain, sa gamme de gris parfaite ; a priori une plaque 18x24, le format favori du Père Atget. 1887 !
Autre exemple plus rigolo, un peintre de Haute-Saône dont j'ai oublié le nom, qui a produit un tableau avec des bretonnes sur fond d'église bretonne, le tout plus bretonnant que nature, mais peint quelque part entre Cirey-lès-Bellevaux et Gray, d'après des photos ....
Très réussi, un portrait d'un vieux meusien, bien plus beau que la photo qui a servi de modèle. Comme quoi ...
Alors ... on peut pardonner aux traiteurs d'image de l'an 2012 de réaliser des photos composites à partir de petits bouts mis ensembles et bricolés à loisir, nos maîtres anciens ne s'en sont jamais privés.
Un p'tit tour dans l'expo Courbet permanente, on aime encore bien les vrais planchers qui craquent plutôt que le béton propre-en-ordre des parties rénovées du musée. Un belle vue sur la Loue depuis la nouvelle passerelle couverte, je laisse à M'sieur Ossette la remarque concernant les balcons-aux-géraniums qu'on voit en vis à vis du musée ;-)
Un p'tit coup de frais devant une grande neige de Robert Fernier, le fondateur du musée Courbet au siècle dernier.
On est sorti en passant à la boutique prendre le bouquin édité à l'occasion de l'expo, qui est très intéressant et donc voici les références :
« À L'ÉPREUVE DU RÉEL, Les peintres et la photographie au XIXe siècle »
Éditions Fage, Lyon, 2012, ISBN 9-782849-752715
[
www.fage-editions.com]
je remets le site web du musée :
http://www.doubs.fr/pays-de-courbet/v2/index.php
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Ah ! j'allais oublier l'intermède comique : c'est les vacances, donc il y a en visite au musée Courbet d'Ornans les familles avec les p'tits garçons, les p'tites filles modèles, les mamans, les papas, les grand-mamans, les grand-papas ... la p'tite fille modèle demande à sa maman : « Dis-voir, maman, pourquoi y'a un rideau, là, c'est pour empêcher la lumière de la f'nêtr' de rentrer ? » La maman écarte prudemment le rideau et le remet en place prestement, ne sachant que dire, sauf que derrière ce rideau, non ce n'est pas une fenêtre et n'insistant pas ;-);-)
E.B.