Re: Spécificité du 8x10
Envoyé par:
Henri Gaud
Date: 22/09/2010, 09:17
Les composantes du langage
<<Les formats photographiques sont un choix de photographe, chaque format propose un protocole technique, un certain confort et un certain nombre d'interdiction, mais cela reste de la technique.
Les formats proposent un langage, un véritable langage, une couleur de travail et bien sûr une culture propre.
Les raisons sont multiples, je vais essayer de vous les décripter rapidement, mais il me semble difficile d'en faire le tour.
Il y a des volets techniques, des volets culturels, et des volets pratico pratique.
Petit exposé des différences que propose le travail en grand format, particulièrement le 8x10.
Dans le registre praticopratique :
Il y a le poids, l'encombrement, la pseudo lenteur d'intervention. Cela oblige à réfléchir, bien sûr on n'est pas complètement obligé, bien sûr on peut réfléchir en moyen format. Mais tous les photographes et toutes les photographies dans ce format vous donnerons des arguments dans ce sens.
On comprend vite que cet argument praticopratique débouche très vite vers des arguments photographiques. Donc pour des tas de raisons, le 8x10, c'est la précision du placement. Et c'est un petit nombre d'image.
Dans le registre technique :
En 8x10, pour un format assez peu pratiqué (par rapport au 6x6 par exemple), on a un nombre de fabriquant de chambre aujourd'hui assez improbable, quelques dizaines. Il y a surement une raison, pourquoi tant de proposition techniques plus astucieuses les unes que les autres. Ce format est à un carrefour, technique bien sûr, mais également artistique. Facilement utilisable, une belle gamme optique disponible (personnellement j'utilise du 115 au 1200), des films assez courant et pas trop cher. Et des photographes qui bien souvent savent ce qu'ils veulent, d'ou des fabrications très diverses.
Il y a aussi le côté résolution. Il y a plein d'info sur ces films, sans doute trop. Donc on aura des contacts de grande qualité (dans des format plus grand on gagne finalement assez peu en quantité d'information, il y a une sorte d'asymptote molle qui limite la progression de l'acquisition de données), le 8x10 est un très bon ratio, entre mise en œuvre et résultat.
Format tellement bon que la procédure de travail doit être adapté. Il est prudent et même nécessaire d'utiliser de bonnes jumelles 10x42 (pas plus de 42 pour les vieux comme moi, une 50 ou 60 serait du gâchis à l'état pur nos pupilles ne s'ouvrant plus très bien). J'utilise des Leica 10x42 et c'est parfait (Pas pour le travail en studio, l'œil nu suffit, mais pour le paysage, urbain ou rural). Pourquoi ? L'info qui va se retrouver sur le plan film est tellement importante, que les jumelles sont le seul moyen d'en voir autant que sous le compte fil une fois le film développé.
Et cela permet deux choses, d'étudier notre détail, si caractéristique du grand format et de contrôler les alignement avec soin, pour éviter des surprises désagréables en tirant des 4x3.
Autre chose : le viseur, notre dépoli, assez grand, qui permet un cadrage réglé au mm, même au 1/2 mm sans problème avec des mouvements à crémaillère, ce qui est assez courant sur les chambre modernes.
Donc mettons 1 mm, pour ne pas chipoter, de précision dans le cadre (on a la même précision en 6x7, 1 mm) et sur un tirage 4x3, le 8x10 donnera une précision de 15 mm dans l'ajustement du cadre, le 6x7 donnera une précision de cadre de 54 mm ce qui est nettement différent. Si comme RD on passe en mode reportage et que l'on est pas à quelques centimètres, on se dit que 8x10 et 6x7 sont pour lui la même chose.
Autre chose au sujet de viseur, c'est le côté grandeur nature par rapport au sujet, mais aussi par rapport à l'objet. Un très grand nombre de photo 8x10 sont proche du 1/1, donc le photographe voyait vraiment son sujet, et le tirage est souvent obtenu par contact ou proche du contact et le spectateur est proche du travail du photographe ainsi que du sujet. Cette proximité particulière est a son optimum en 8x10, on a encore de la souplesse de travail et on obtient une très grande proximité sujet-photographe-photographie-lecteur
Mécaniquement c'est aussi le format de chambre qui permet le plus souplesse, tant dans les mouvements que dans les bricolages en tout genre.
Dans le registre artistique
Le photographe de l'ile déserte n'existe pas, il ne fait pas de photo, trop occupé à courir après Monsieur Vendredi ou Mademoiselle Dimanche. On est donc tributaire de ceux et celles qui ont fait autour de nous ou avant nous. Soit pour poursuivre ce travail soit pour montrer sa différence (ce qui peut parfois revenir au même), mais on ne peut pas passer à côté de ce bain culturel et artistique. La photographie est un travail solitaire, mais pour un projet collectif, chacun apporte sa pierre.
Il faut donc connaitre et s'appuyer sur les travaux plus ou moins connu que ce format a su donner et s'attacher aux spécificités de ce langage aux composantes multiples. (mais c'est vrai aussi pour les autres formats bien sûr, mais avec des caractéristiques, des langages différents).
Conclusion rapide
Le 8x10 est un violoncelle et le moyen format un violon, il faut bien connaitre sa partition et se sentir libre.
Utiliser le 8x10 pour ce qu'il est, jouer avec toutes ses composantes, mais pas le prendre pour un gros appareil qui donne des trucs nets qui feront forcement des grands tirages. Mais plutôt une machine humaine qui permet une très grande proximité sujet-travail du photographe-photographie-lecteur. Il y a une multitude d'exemple pour illustrer mes propos, de Avedon, AA, Weston, Shore et beaucoup d'autres. <<
Voilà
Comme tu n'arrives pas lever la tête
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No Pasaran
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