Re: aimer ou pas la photographie
Envoyé par:
Quentin
Date: 23/07/2010, 14:12
Je pense que l'opposition entre l'abstraction et la figuration n'est qu'une facilité permettant
de classifier tranquillement les oeuvres dans les bouquins d'art. Rien d'autre.
Si l'abstraction naît dès lors que le regard n'y lit plus de la familiarité, formes et agencements de
formes identifiables (personnes, objets, n'importe quoi), alors je considère que le regard ne porte
pas très loin... Et l'imagination non plus.
Pourquoi l'abstraction serait la non reconnaissance des formes ? Pourquoi, en voyant une oeuvre,
je la considérerais comme abstraite seulement parce que je n'y vois rien de ce que je qualifie de "concret"?
Mais la photographie est concrète par essence. Tout ce que je photographie existe (j'exclue l'intromission
de l'infographie dans la photographie), je ne manipule pas. Seul l'angle, le jeu d'échelle, permettent de
porter la forme concrète à un niveau d'étrangeté que l'on appelle l'abstraction.
Si je photographie une pierre, par exemple... Et bien, que je la photographie à l'échelle 1:10 ou à
l"échelle 10:1, cela restera toujours une pierre. La différence est qu'à l'échelle 10:1 je ne verrai plus
la forme de la pierre, mais seulement sa matière, mais plus encore, sa matière portée à une échelle
qui n'est plus nécessairement celle des petites choses. Des motifs naîtront, ou plutôt émergeront de
la texture même de la roche, et ils évoqueront à l'esprit de celui qui les voit un univers qui n'est plus
celui du minéral. La force de ce que l'on appelle par erreur à mon sens l'abstraction, c'est précisément
de partir d'une chose pour en arriver à une autre. De percer la matière. Pourtant je n'ai pas quitté ma
pierre ! Elle est toujours là, devant moi, et sur le papier, c'est bien la surface d'une pierre que l'on me
donne à voir. Seulement la pierre fait partie d'un monde, et j'entrevois alors ce monde pris en latence
entre l'étrangeté du motif et les corrélations émotives et intellectuelles que j'en fais en observant l'image.
C'est faire acte de figuration pure. C'est l'inverse de l'abstraction. Les deux approches, plutôt que
d'être en opposition, sont en inter-pénétration permanente.