Re: * la remarque de mai *
Envoyé par:
henri peyre
Date: 09/05/2010, 07:43
Très souvent l'innovation a permis l'apparition de nouveaux domaines artistiques et, avec l'exploration de territoires désormais à portée, l'apparition de nouveaux sujets et de nouveaux et authentiques rapports au monde. Il est donc difficile d'opposer nettement le sujet et les moyens, même si on peut espérer, avec Zoran, une sorte de pureté pour les oeuvres d'un medium que l'innovation technologique a finit par abandonner (comme la peinture). Cette sorte de pureté ne vient toutefois très exactement que de ce qu'un des termes de la confusion est mort. C'est donc simplement un soupçon qui disparaît ;-)
2 exemples parmi tant d'autres de la confusion technique et du point de vue artistique :
- le conditionnement de la peinture en tube facilite définitivement la peinture en plein-air à la fin du XIXème. Nouveau rapport à l'espace, à l'air, à la lumière, nouvelles palettes, disparition des terres, nouvelles exigences tonales pour les artistes, impressionnisme.
- issu du numéro 25 d'Etudes Photographiques, reçu hier dans ma boîte : dans l'article "Avant la forme tableau" : Olivier Lugon souligne l'influence du procédé japonais NECO, commercialisé par 3M sur la constitution de la "forme tableau" pour S.Shore. Le procédé permet le tirage en très grand format et haute résolution avec une relativement bonne fidélité des couleurs.
Dans la citation de Guillaume : "L'art ne se réduit pas à un discours, un message, il dit ce que l'on ne sait pas encore, il rend visible ce qui n'était pas encore répertorié, il ajoute au monde".
Pour moi c'est peut-être un peu trop une définition qui croit que nommer suffit. On a trop connu au moment du structuralisme l'emphase du verbe, les créations de mots qui se pensaient création de concepts. Je n'adhère pas. Pour moi l'art a à voir avec la capacité à la souplesse des points de vue. C'est-à-dire justement avec la défiance sur l'idée que les choses pourraient être attrapées avec un répertoire de mots. Les mots ne sont pas la fin du processus artistique. Ils ne sont que des moyens qui permettent de créer des sorte de vues spécialisées qu'on pourra mieux opposer les unes aux autres. Et la jouissance artistique sera dans cette opposition.
A ce titre une nouvelle technique permet probablement d'ajouter plus facilement un nouveau regard sur le monde, regard qui, dans un premier temps tranche agréablement avec le déjà vu, causant un choc de même nature que ce qui est artistique. Mais l'artistique n'a pas forcément besoin de l'innovation pour fonctionner.
L'auteur parle, pour l'art, de "quête du sens", qui serait confondu avec la "simple innovation". On aurait besoin de plus de contexte pour avancer et éventuellement critiquer un peu.
Sur la "quête de sens" : il me semble que l'art est plus une quête de jouissance liée à un impératif de se connaître mieux soi-même, afin de mieux cerner par quelles voies on peut avoir un peu de jouissance. Si on cherche du sens sur le monde en général, il vaut probablement mieux se rapprocher de la science, dont les outils ont l'air plus objectifs. Dans cette perspective encore, opposer "quête du sens" et "innovation" paraît peut-être un peu vain.