Il est plusieurs livres dont j’ai depuis quelques semaines l’envie de dire quelques mots. Un de ceux auquels je reviens sans cesse, tout juste paru chez Mack, est le dernier ouvrage de Jem Southam « The river WINTER ». J’aime infiniment les photographies de Southam, ce dernier opus ne fait pas exception. Et pourtant j’ai du mal à en parler. Parce comme souvent chez Southam, il n'y a rien de spectaculaire, de la répétition, des branches en désordre, de l’eau, de l’humidité. Un livre de pure contemplation.

On sait comment photographie Jem Southam : il marche, revient, durant des années parfois, sur les mêmes lieux qu’il photographie en couleurs avec sa chambre 8x10". Ici, il suit le passage du temps et photographie durant une saison un bout de rivière et ses affluents. Unité de lieu, unité de temps : tout un hiver. Il n’y a pas grand chose à voir la plupart du temps, les photos se suivent, se ressemblent souvent, changent lentement. Pourtant on ne s’ennuie pas un instant, juste ce qu'il faut pour profiter pleinement du moment et des photographies. Des couleurs très douces, des branches entremêlées, un lacis de branchages au travers duquel on essaie d’entrevoir quelque chose, l’eau, l’autre rive. La lumière change sans cesse, imperceptiblement parfois. On voit au bord d’une mare la glace prendre puis céder du terrain quelques jours plus tard. On sent l’odeur de pourriture des feuilles mortes, l’humidité s’infiltre pendant qu’on regarde. Il n’y a pas grand chose à voir mais on ne s’arrête pas de regarder, on se rappelle les marches le long des rivières près de chez soi, si semblables à la rivière Exe de Southam, on a l’impression qu’on voit bien mieux en se perdant dans la profusion des détails qu’offrent les photographies en 8x10". On est bien, on ne sait pas trop pourquoi, on sent le temps passer, on ressent parfois comme une vague et diffuse inquiétude. On est en plein dans le monde et on regarde en même temps en soi. On ne sait pas trop quoi dire. On cherche sans arrêt à voir au travers du rideau de branches, on trouve une échappée de loin en loin. On regarde couler la rivière, les petits bras se jeter, version réduite de ses grandes embouchures, dans le cours principal. On a d’abord l’impression que tout ça est bien confus, en désordre, et puis non, Southam a trouvé de l’ordre là-dedans. Plus tard, le soir tombe, la photo est bleu-noir, on n’y voit presque rien, seulement une trace de rose au travers des branches encore. Un peu plus loin, on est le 28 mars (chaque photographie est datée et repérée), c’est la dernière photographie, l’hiver se termine et livre avec lui.

Le titre The river WINTER laisse penser que Southam est revenu à d’autres saisons, donnera peut-être d’autres livres sur cette rivière. J’ai adoré les autres livres de l’Anglais (ah, son magnifique « The painter’s pool »...), si vient un jour The river SPRING, je l’achèterai immédiatement, bien sûr, comme je l’ai fait pour celui-ci dès sa sortie.

L’impression des photographies, suivies d’un essai sur l’hiver, est belle et rend pleinement justice au format 8x10". La couverture toilée bleu nuit, sans jaquette, au titre estampé en blanc, le format généreux à l’italienne font du livre un objet qu’on a plaisir à toucher et à regarder.

Jem Southam, The river WINTER, suivi d’un essai par Richard Hamblyn, publié en novembre 2012 chez Mack, relié toile, titre embossé, 27,7 x 33 cm à l’italienne, 96 pages, 40 photographies, 50 € (port gratuit chez l‘éditeur jusqu’au 5 janvier 2013). ISBN 9781907946288

Quelques liens vite fait, on peut trouver d’autres commentaires sur le livre et d’autres photos :

Le livre chez l’éditeur
Un article sur le livre
Une interview de Jem Southam
Un article d’Henri sur Southam sur GP

Jimmy