Le francophone intransigeant ne connaît que le
réseau zôné de Fresnel.
Ce qui n'empêche nullement son utilisation en baie de Somme, l'une des zônes les plus plates de la République.
Il faudra que je fasse un jour un p'tit article au sujet de ce fameux
réseau zôné de Fresnel.
En attendant, voici un pavé indigeste ...
Je reconnais que je n'ai jamais été convaincu non plus de l'intérêt de ce type de pseudo-lentilles, mises en compétition face au bon vieux sténopé tout simple, pour de la prise de vue dans le visible, à destination des artistes créatifs.
Certes, en rayons X mous, où il n'y a pas de lentille possible, le réseau zôné permet de faire de la microscopie X autrement que par contact, mais pour le visible, dans la mesure où on a de très nombreux autres sytèmes optiques à sa disposition ...
Quels sont donc les difficultés du réseau zôné ?
C'est un réseau de diffraction dont les stries sont arrangées de façon concentrique,avec 50% noir et 50% clair, suivant une progression mathématique assez simple =>
r_p = r_1 . racine(p)
où r_1 est le rayon caractéristique de la prmière zône, "r_p" est le rayon de la p-ième zône ; et la focale "f" est :
f = r_1^2 / (2 lambda)
r_1 = racine(2 lambda f)
où lambda est la longueur d'onde de la lumière.
Il n'est pas nécessaire d'avoir un centre clair. Muni de ces quelques formules, il est facile de faire un tracé des stries successives. Ce qui est moins facile c'est d'en faire un bon contretype, mais faisons confiance à ceux qui savent fabriquer cela, c'est un autre débat.
petite erreur : r_1 = 0,33 mm, corrigée après coup, ce qui change le nombre de cernes à 230 pour une f/10 et 57 pour une f/20
Pour fixer les idées, on prend lambda = 0,55 micron, le max de sensibilité de l'oeil dans le visible, pour une focale de 100 mm, j'aurai une valeur de r_1 = 0,33 mm, diamètre est 2 r_1 = 0,66 mm
La valeur de r_1 est proche du diamètre 0,38 mm du sténopé optimal selon la formule empirique de Stroebel
a_{opt en mm} = (1/28) (racine de f en mm)
à f=100 mm =>> 10/28 = 0,38 mm
Si on part pour un nombre d'ouverture f/10 avec f=100 mm, le diamètre max des stries, donc le diamètre de la lentille, sera de 10 mm ; soit rayon max de 5 mm.
p = (r_p/r_1)^2 = (5/0,33)^2 = environ 230 cernes au total
La distance centre à centre entre les deux cernes les plus fins, au bord, sera de 0,33/(2 racine (p)) = 10 microns, donc des fentes moitié de cette distance, de 5 microns de large, faut déjà fabriquer l'objet.
On peut rabattre les ambitions et tabler sur du f/20, donc un r_p de 2,5 mm, pour un p de 57, et une largeur de fente en bord de lentille de l'ordre de 10 microns ... outch de toutes façons ça commence mal pour fabriquer cela au burin de graveur.
Il existe des réseaux zônés dont les stries microscopiques sont en plastique moulé, comme une lentille de Fresnel miniature, ces réseaux-là sont de véritables micro-lentilles diffractantes très efficaces, gouvernées par les mêmes équations pour les dimensionner, donc avec des dimensions qu'on peut estimer comme ci-dessus ; mais pour autant que je le sache, les réseaux zônés vendus pour les artistes photographes amateurs de sténopé sont de simples réseaux zônés par transmission, comme un sténopé, mais au lieu d'avoir un simple trou centré, ou a la succession des différentes zônes en transparence sur un fond noir totalement absorbant.
Les grandes lentilles de Fresnel utilisées avec nos verres dépolis ne font pas, en principe, appel à la diffraction, mais seulement à la réfraction ; comme une succession de petits prismes de dimensions néanmoins très supérieures à celle de la longueur d'onde de la lumière ; les micro-lentilles de Fresnel diffractantes en plastique moulé combinent de façon très subtile les effets de réfraction et de diffraction pour réaliser la fonction d'une micro-lentille extra-plate, plate comme une zône plate du littoral.
N'importe quel réseau zôné par transmission, du moment qu'il respecte la loi de distribution des diamètres des cernes, se comporte en lumière visible comme un objet étrange qui réunirait en un même plan les propriétés combinées et simultanées de ces trois composants élémentaires de l'optique géométrique :
- une lame à faces parallèles très mince qui ne dévie pas du tout les rayons
- une lentille convergente avec une certaine distance focale "+f"
- une lentille divergente avec une distance focale égale et opposée "-f"
Le tracé de rayons correspondant, une fois admises ces propriétés, est donc comme si on superposait sur 3 calques, le tracé de rayons d'un truc N°1 qui ne fait rien du tout et laisse passer les rayons tout droit, d'un truc N°2 qui est une lentille convergente et d'un truc N°3 qui est une divergente de focale égale et opposée. La proportion de lumière pour chaque composante est difficile à estimer, je ne veux pas m'avancer, disons que c'est plus de la moitié qui passe tout droit sans déviation (une moitié semblerait normal, le taux d'obturation du réseau zôné c'est environ 50/50), un petit quart pour la convergente et un autre petit quart pour la divergente. Plus des chouïas qui passent comme si s'ajoutaient dans la danse des focales de + ou - 3f, + ou - 5f .... n'insistons pas ; disons simplement que la partie de la lumière qui forme l'image avec cette "lentille convergente de focale f" c'est, hélas, une toute petite proportion de ce qui va atteindre le film.
S'il était possible par la pensée de n'isoler que la "lentille convergente" on aurait une lentille dont le nombre d'ouverture N est égal à la focale divisée par le diamètre total du réseau zôné.
L'intérêt du réseau zôné est donc son nombre d'ouverture N bien plus lumineux que l'obscur sténopé optimal pour le visible. L'obscur sténopé optimal a une 'focale' "f" définie par une ouverture de trou de diamètre "a_{opt}" par la condition
"a_{opt} = (1/28) (racine carrée de f)",
Ceci correspond à peu de choses près au diamètre de la zône claire, au centre d'un sténopé de focale f, par transmission, à centre clair.
Le nombre d'ouverture su sténopé optimal est N = f/a_{opt}, ce nombre tourne autour de quelques centaines.
Et dans le principe, on peut montrer par un petite exerice académique que la limite de résolution de cette composante convergente est égale à l'intervalle existant centre à centre entre les deux zônes les plus fines au bord de a lentille. D'où une bien meilleure qualité d'image, en termes de résolution. On rêve donc à ce réseau zêné de Frensel, f= 100 mm, f/20, avec 5 à 10 microns de résolution !!
MAIS.
Hélas, trois fois hélas, dans un réseau zôné ordinaire par tranmission, en plus de la lumière focalisée par la composante convergente, on récupère plus du double de lumière parasite transmise directement, plus encore un p'tit quart de lumière issue de la lentille divergente et des chouïas des ordres de diffraction supérieurs ....
Or l'image la plus fine, lorsqu'elle est massivement parasitée par de la lumière diffuse, apparaît toujours comme horriblement moche.
Et quand cette proportion de lumière parasite excède la quantité de lumière qui sert à former les fins détails, via la composante convergente, une situation rarissime avec une optique courante, eh bien .... on ne comprend plus l'intérêt technique du réseau zôné de Fresnel.
Si on ajoute, pour faire bon poids, que cette focale est terriblement dépendante de la longueur d'onde ; à savoir qu'entre le bleu à 0,4 microns et le rouge-juste-visible à 0,7 microns, la variation de focale pour un système de stries donné est en proportion directe du rapport des longueurs d'onde, soit 7/4 = 1,75, on mesurera l'étendue du désastre !
Une variation de focale énorme, gargantuesque, une aberration chromatique longitudinale effroyable, qui fait paraître la plus modeste lentille simple taillée dans un c... de bouteille en plastique comme un apochromat.
Et bien entendu le sténopé optimal souffre de ce défaut, mais l'image qu'il nous donne est tellement floue qu'on ne s'en rend même pas compte.
En revanche l'absence de lumière parasite dans le sténopé-bête-des-familles, en comparaison de ce qui se passe avec un réseau zôné de même focale, rend finalement l'image du sténopé comme très agréable en comparaison ...
Tout ceci, bien entendu, sont des considérations théoriques ;-)
Il ne vous reste plus qu'à essayer ... de mettre la théorie en défaut.
Après tout, les clients pour le film en l'an 2012 ne sont pas tous des amateurs d'images nettes ; or, plus y'a de consommateurs de film tous formats confondus, plus on est contents.
Les Gardiens de la Résolution et du taux de lumière parasite à moins de 1% sont priés de se taire et de faire profil bas : on a besoin des sténopistes et des réseauzônédefresnellistes comme compagnons de route pour nos fournitures !!
E.B.
Modifié 3 fois. Dernière modification le 16/05/2012, 20:02 par Emmanuel Bigler (modérateur).