Bonjour les rolleiphiles !
Dans l'attente d'un avis expert, on peut discuter un peu.
.........mon vieux Rolleiflex 3.5B, qui aurait environ 56 ans ...... une bonne centaine de films par ans, et je me demandais si je peux m'attendre à parvenir à l'user d'une façon telle qu'il soit au-delà d'une révision "raisonnable" ?
Il y a deux critères de « réparabilité ».
- Le critère purement technique.
- Le critère économique.
Commençons par ce dernier point. En anglais-photo il y a une expression compacte difficile à traduire en si peu de mots « beyond economic repair » ; je traduis en parler comtois :
« Vu c'qu'on te d'mande pour réparer c'flex-bi, t'as meilleur temps d't'en chercher un autre sur hibééeee »
Un flex-bi racheté 200 euros qui passe par 300 euros de réparation ce n'est pas scandaleux mais c'est déjà extravagant dans un monde où le jetable est la norme.
Autre remarque : le flex-bi existe depuis 1929 ; il y a de nombreux flex-bi des années 1930 qui fonctionnent encore parfaitement de nos jours ; mais peut-être est-il plus réaliste à s'en tenir aux modèles dérivés de l'Automat de 1937, qui est celui où se stabilisent certaines solutions techniques propres aux flex bi suivants jusqu'à nos jours, comme les molettes de commande du compur, la mise au point par cames-spirale et le palpeur à rouleaux de vue 1.
Passons à la technique et regardons en vrac différents points qui peuvent flancher et qui me viennent à l'esprit (liste non exhaustive).
- casse du compur & autres défaillances de l'obturateur ;
- casse du système de mise au point ;
- défaillance du palpeur de vue 1, du compteur, du système d'avancement-armement ;
- torsion catastrophique du dos en forme de "L", fuites de lumière au niveau du dos ;
- décollement du doublet du tessar, rayures, moisissures des lentilles, miroir piqué, ...
Premier point : le compur.
J'ai offert à mon beau-frère un Voigtländer Avus 9x12 des années 1920 avec un compur « à molette » (Rad Compur) qui fonctionne parfaitement, même aux vitesses lentes. J'en déduis : durée de vie d'un compur correctement entretenu, dans les cent ans. Les compurs de 1955 sont parfaitement aboutis et probablement plus robustes que ceux de 1925 (progrès des aciers, des usinages, ...)
Rappelons que le compur, bien que sa problématique de fonctionnement soit très différente de celle d'une montre mécanique, partage avec les montres mécaniques le fait de devoir être révisé régulièrement, c'est à dire : nettoyage et re-huilage des pivots selon les règles de l'art. Les compurs des reporters des années 1930-1960 passaient régulièrement en révision. Si un compur est laissé à l'abandon, les huiles sèchent et c'est là, en le forçant à tourner, qu'on l'use. Comme pour une montre mécanique. Concernant la périodicité de la révision d'un compur : j'ai acheté en 1977 un flex-T fabriqué en 1971 ; en 33 ans d'usage (et bientôt 40 ans après sa fabrication) le compur de ce flex-T n'a été révisé qu'une seule fois.
Ceci étant dit, on peut avoir un scénario catastrophe avec lames d'obturateur ou lames de l'iris qui cassent, etc... là, à part un échange de compur par cannibalisation, je ne vois pas bien ce qu'on peut faire.
Un conseil : écoutez de temps en temps l'échappement de votre compur, en particulier aux vitesses lentes, dès qu'il semble hésiter, retour SAV ; vous lui ferez le plus grand bien. C'est ce qu'on appelle « maintenance préventive » qui est mieux que la réparation après panne.
Problème de ressort moteur cassé : c'est le gros problème ; voir avec votre réparateur habituel.
Concernant le huilage du mécanisme du flex hors compur, jetez un coup d'oeil à un manuel officiel de réparation (facile à trouver sur CD), il y a au moins une demi-douzaine de lubrifiants différents recommandés pour l'entretien.
En marge de l'obturateur, signalons le talon d'Achille du flex-T : les bandes souples d'affichage qui remplacent à moindre coût les molettes et les bagues de commande du compur . Celles de mon T ont bientôt 40 ans et n'ont pas encore cassé, mais c'est un point faible du T sur le long terme. Sur ce point le 3,5B ou le rolleicord n'ont pas ce souci. En particulier sur le 'cord, on voit mal ce qui pourrait empêcher l'affichage vitesses/diaph. En revanche la crécelle de couplage vitesses/diaph du 'cord Vb est souvent usée mais çà n'empêche en rien le fonctionnement correct du compur et la mise en place du diaph.
Point 2 : casse du système de mise au point.
Il ne me semble jamais avoir vu que ce système puisse casser sauf choc violent. Il me semble que les cames appuient sur des coussinets qui sont des pièces d'usure. Rappelons que la performance optique d'un flex-bi dépend de façon critique de l'alignement fin / parallélisme de la platine porte-objectifs. Le vrai flex du pro a 4 vis calantes pour faire ce réglage. Le 'cord qui n'a pas ces vis calantes se remet d'équerre avec des clinquants très fins. Donc : là, on est plus tributaire du savoir-faire du réparateur que d'autre chose sauf pièces d'usure comme les coussinets.
Point 3 : défaillance du palpeur de vue 1, du compteur, du système d'avancement-armement
Le palpeur de vue 1 se règle avec un outil spécial, une cale d'épaisseur à deux hauteurs « passe / passe-pas ». Le système dans son principe n'a probablement pas changé depuis 1937. Donc là encore on est tributaire du savoir-fare du réparateur. À noter que le 'cord, le flex-T et les flex GX/FX d'après 1987 n'ont plus ce système de palpeur à rouleaux, donc çà ne peut plus tomber en panne ;-)
Défaillance du compteur, du système d'avancement, etc... je ne connais pas bien le détail du mécanisme qui est plus complexe qu'il n'y paraît. On peut imaginer une défaillance du système de palpeur à molette, une casse/usure d'engrenages ?? Je sais qu'il y a parfois des problèmes au niveau armement/déclenchement, des problèmes de vues doubles, etc.. mais pour autant que je le sache, çà se répare presque toujours. Je n'ai jamais eu ces problèmes sur mes flex- bi mais ils sont des années 60-70 donc pas encore assez vieux ;-)
Point 4 : torsion catastrophique du dos en forme de "L"
Pas de remède ?? Je ne sais pas si çà se détord ave re-passage au marbre comme un châssis de voiture... mais on peut penser à un échange du dos par cannibalisation. Heureusement, le flex-bi n'est pas un appareil rare, et les dos sont presque les mêmes pour beaucoup de modèles, je dirais pour tous les modèles à partir des années 50.
Pour les fuites de lumière, sur les flex-cord d'avant 1981, pas de méchantes mousses noires déliquescentes, l'étanchéité aux photons est assurée par un système de rainure-languette astucieux. Seul existe au niveau de la charnière un cordon noir dont la durée de vie est très longue et qui se change facilement. À noter que les dos des flex GX/FX d'après 1987 ont recours aux infâmes mousses noires. Je ne sais pas pourquoi, j'imagine pour simplifier la fabrication ?
Ceci étant dit même l'honorable maison Alpa a recours à des mousses noires au niveau de son adaptateur baby graflok.. mais c'est à cause de cette f...ue norme américaine de m... ;-);-) Si c'était une norme suisse-de-précision, y'aurait pas de mousses noires ;-) (
ahem, c'est pour çà que les arcaphiles critiquent les Frères Oschwald : y z'avaient mis des mousses noires un peu partout au lieu de fraiser-de-précision : Schème honne zème !!
Point 5 : décollement du doublet du tessar, rayures, moisissures des lentilles
Dans un tessar-xenar il n'y a qu'un doublet contre deux dans un planar xenotar : donc çà fait déjà deux fois moins de risques de décollement ; et si c'est un triotar (cord avant guerre u niquement) pas de double, c'est plus simple ;-).
Ceci étant dit il ne me semble pas que les tessars-xenars soient sujets à des décollements ??? Rayures : faut vivre avec. Moisissures : là, c'est la poisse, par grand chose à faire si le verre a été attaqué par les horribles bêtes. Donc en achat d'occase, inspecter les verres longuement, obtu ouvert et diaph grand ouvert, en contre-jour en regardant la lumière diffusée hors de l'axe optique. Avec une de ces affreuses diodes blanches comme source (donc source très ponctuelle et très brillante) c'est effroyable ce qu'on peut voir comme défauts en lumière diffusée par les lentilles.
Voilà ce qui me vient à l'esprit. On n'a pas parlé du miroir reflex parce qu'il est fixe donc pas de choc pas de percussion, Mais il peut se piquer au bout d'un demi-siècle. Pas de problème, votre fournisseur d'optique favori
(par exemple chez Edmund) ont en stock des miroirs d'optique en 1 mm d'épais qui devraient convenir au remplacement de celui du flex, moyenant une recoupe en trapèze aux bonnes dimensions. Évidemment il faudra sans doute demander à un technicien compétent pour le remettre en bonne place sous le bon angle et faire tous les alignements nécessaires.
J'ai sans doute oublié d'autres points.... mais ma première conclusion est que le stock de pièces et la compétence du réparateur sont, en cas de disparition, les points bloquants de la réparabilité d'un flex-bi, bien plus que les défaillances de la machine elle-même ... examinées sur une durée de l'ordre de un siècle, évidemment ;-)
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Petit rappel : lecture en anglais pour les longues soirées d'hiver
The Classic Rollei: A Definitive Guide
John Phillips
Ammonite Press, 2010
ISBN 978-1906672935
http://www.ammonitepress.com/TheClassicRollei.html
l'avis de galerie-photoïstes sur ce bouquin
E.B.
Modifié 2 fois. Dernière modification le 20/01/2011, 10:38 par Emmanuel Bigler.