Auteur: mougin
Date: 01-04-2008 13:56
Oui on peut dire que la philosophie est "misanthrope", ne serait-ce que parce qu'elle place entre soi et le monde, entre soi et l'autre, l'objet, l'instrument qui fait prise, voir qui est comparable à une arme, l'appareil photographique. L'homme est un être de parole, et la parole est le premier instrument de reconnaissance d'autrui comme mon semblalble.
Comme le disait déjà Descartes et plus encore Chomsky qui s'en réclame je reconnais autrui immédiatement à ce qu'il parle, même s'il ne parle pas la même langue que moi et que je ne le comprends pas. De même à l'étranger dont je ne connais pas la langue, je m'adresse immédiatement à lui dans ma propre langue, je lui signifie ainsi mon humanité et comme l'a montré Lévinas le Visage, qui est l"orgene" de la parole a un pouboir désarmant et donc humanisant. "Braquer" un appareil c'est déjà ne pas rencontrer l'autre, se dissimuler soi-même à l'autre, et l'on sait combien cette prise de vue est souvent vécue comme hostile quand celle-ci n''st pas accordée, résulte d'un pacte, d'un accord.
A cela bien sûr on peut opposer la photographie humaniste, Dieuzaide, Boubat, Ronis etc... le genre est connu, fait le plein aux expositions mais vieillit mal comme on dit. Qui a vu la dernière exposition de Boubat à la MEP a pu s'en rendre compte. HCB qui a une vision plus froide, plus distante plus aristocratique vieilloit mieux bien que je ne l'aime pas.
Et puis il y a la photographie dite objective, celle de Struth qui fait des portraits comme les Becher photographiaient les chateaux d'eau. Cette photographie qui réifié l'autre, qui en fait un objet, Sanders était déjà dans cette lignée d'entomologistes, montre bien ce caractère foncièrement misanthropique de la photographie, et aussi cette facilité que se donne le misanthrope de se placer au-dessus de l'humaine condition.
A moins que le misanthrope, montrant l'humanité comme chose, finisse par se montrer lui même tel qu'il se perçoit dans sa propre detestation. Jadis le misanthrope choisissait le désert pour y fuir l'humanité et y rencontrer Dieu. Il n'y a pas si longtemps la chambre noire était ce lieu de retrait ou voir le monde et les hommes en négatif, de même que la chambre noire finit toujours par nous montrer le monde à l'envers.
Apprendre à voir le monde à l'envers, c'est pour Nietzsche, pour Freud, pour Marx apprendre à le remettre à l'endroit. Ce pourquoi les deux derniers ne se sont pas privés d'utiliser la métaphore de la Chambre Noire, l'un pour dénoncer la Cs comme seule réalité psychique et ce narcissisme généralisé que que constitue l'humanisme. L'autre pour dénoncer le caractère illusoire des idées humanistes qui mènent le monde, tout en nous cachant une autre réalité, à savoir que l'homme depuis toujours se nourrit de l'autre homme. Goya l'a montré dans ses fameux cannibales, et Montaigne aussi pour qui le cannibale n'est pas celui qu'on croit.
Le misanthrope comme le sceptique ne veut pas être dupe, il prétend à la vérité. Voir l'homme tel qu'il est, c'est se voir soi même tel qu'on est, ce pourquoi il y a dans la misanthropie une demande d'amour, infiniment plus tragique que cet Amour Saint Sulpicien qu'exhibe la photo dite humaniste et qui a quelque chose d'écoeurant.
On ne fait pas d'oeuvre d'art, ou de littérature avec de bons sentiments, n'est-ce pas Mr
Berbhardt.
Mougin
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