Auteur: mougin
Date: 10-11-2007 17:57
Guillaume,
Je n’ai pas parlé de décroissance, car ma problématique n’était pas économique. Mais dans l’esprit tu tapes juste, et je continue à m’étonner que mon pensum n’ait pas suscité de question, alors qu’il développe une thèse qui se voulait provocatrice par son caractère volontairement conservateur ;
En un mot, et je le dis, la lenteur, a de nos jours une valeur de résistance et de résistance passive pourrait-on dire, un refus de ne pas adhérer. A quoi ? A une image utopique et délirante d’un progrès technique qui pourrait être indéfiniment accéléré et sans limites nous promettant à chaque fois un monde meilleur et une prospérité généralisée, utopie qui est démentie, par les faits, puisque cette technologie ne fait que le bonheur du marché, c’est à dire d’une poignée d’individus qui à l’échelle de la planète s’approprie la quasi totalité des richesses avec un mépris total de la survie éventuelle d’une humanité menacée par une destruction bientôt irréversible de la nature. Croissance ou décroissance, la question ne se pose même pas, nous sommes déjà dans la décroissance pour la plus grande partie de l’humanité, et il n’y aura bientôt plus de croissance du tout.
Les vilains réactionnaires, (l’idéologie du progrès est aussi bien de gauche que de droite), ont annoncé depuis longtemps la catastrophe et on n’a pas manqué de les montrer du doigt. Les réactionnaires je préfère les appeler conservateurs, (car conserver et transmettre sont constitutives de l’humanité. Naître c’est recevoir un monde dont nous sommes les héritiers et les comptables et nous avons à le rendre, puisque que nous ne sommes que de passage et nous devons permettre que d’autres naissent à notre place comma dirait Annah Arendt.
Bref pour résumer mon propos :
Le contraire de la lenteur est la rapidité, et non la vitesse. Je ne l’ai pas dit comme çà, une vitesse relève non du qualitatif, non du quantitatif, disons du numérique puisque nous sommes dans une révolution ainsi nommée.
Dans mon pensum j’ai voulu montrer que cette conception numérique n’est pas une idée nouvelle, elle remonte à Pythagore, et à une conception de la Nature que l’on peut appeler Technique et qui remonte à Galilée et à Descartes. Cette conception du monde qui réduit celui-ci à n’être qu’un stock à épuiser, et l’homme un animal rationnel, producteur, consommateur selon le plan de techniques de plus en plus rationalisées, nous en vivons aujourd’hui vraisemblablement le terme. Nous vivons malgré l’euphorie suscitée par l’émerveillement de techniques toujours plus séduisantes, mais tout aussitôt devenue obsolètes, dans une angoisse refoulée devant le « jusqu’à quand ».
Dans quel mur va s’arrêter cette fuite en avant que personne ne peut arrêter.
Ce monde de la vitesse à tout prix, selon toute apparence exclut et consacre, détruit la sociabilité entre les hommes leur fondamentale amitié alors que la lenteur est caractéristiques des relations que nous entretenons avec ceux qui nous sont proches, avec qui nous prenons notre temps et nous passons du temps, à parler , picoler, aimer, vivre. Cette opposition lenteur / vitesse nous la retrouvons dans l’opposition ville/campagne, Nord /Sud, présent/passé, progressiste/réactionnaire (conservateur).
Quelle attitude avoir ? Naturellement, chacun s’en remet à son choix, et ce qui est dit n’engage que moi. La technique nul n’y échappe, et il n’est pas question de revenir à la lampe à pétrole. Le libéralisme marchand est définitivement installé. Je vais comme tout le monde au supermarché, mais je n’ai pas de carte de fidélité. Quand je prends le TGV, c’est sans Toptruc ni lecteur de DVD. Je parle à ma voisine, ce qui m’a valu de rencontrer une cantatrice, mais aussi de me faire réprimander parce que la conversation dérangeait la passagère de l’autre côté de l’allée. On ne parle pas dans un TGV.
Il est vraisemblable qu’un jour j’aurai un téléphone portable, un numérique. En attendant je résiste, et je m’efforce de conserver et de transmettre quelque chose du monde que j’ai connu et qui aujourd’hui a disparu. Il n’y a là aucune terreur, mais comme Orwell, Jünger, Lasch, Michea, je revendique le titre d’anarchiste au sens propre du terme qui n’accepte pas l’autorité, ou du moins qui l’accepte, mas ne se met pas à son service. J’accepte et me soumets au verdict des urnes, je m’oblige même à voter, mais je ne suis pas fasciné par le nom d’Un comme dirait la Boétie, je n’ai pas le souvenir d’avoir jamais applaudi un homme politique même de Gaulle, qu’enfant j’ai de mes yeux vu.
Anarchiste conservateur, car je crois à la constance de la condition humaine, et je ne vois pas pourquoi la nouveauté serait une valeur en soi, comme je sais que la jeunesse n’est pas éternelle, puisque j’ai été jeune.
J’aime savoir d’où je viens, pour savoir où j’en suis et ce à je m’attends. Pour reprendre un terme nietzchéen, j’aime ce qui est inactuel, et par conséquent toute chose œuvre, idée, objet qui s’inscrit dans la durée.
Tel était en résumé le sens politique (au sens que lui donnait Aristote et qui désigne la sociabilité) et qui fait que j’ai le temps et le plaisir de te répondre,
Amicalement à toi
Mougin le palladonicien
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