Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 10-10-2007 18:42
Il y a entre les chercheurs des différences d'appréciation sur le degré de leur implication possible avec les entreprises privées qui produisent des biens.
M. Fert, pour autant que je sache, est impliqué dans un labo de recherche commun entre le public et le privé.
C'est une façon de fonctionner qui n'existait guère en physique dans l'après guerre, mais le rapprochement entre les chercheurs du service public et l'industrie a toujours été d'actualité en chimie et en biologie en France.
Raymond Castaing a travaillé à développer un instrument, la microsonde électronique, qui est produite aujourd'hui par différentes entreprises dans le monde. C'était au début des années 1950 et il y eut très rapidement un transfert industriel. ceci n'a pas empêché le Prof. Castaing d'être à l'Académie des Sciences. Mais il est resté professeur, je dirais, un peu égoïstement : pour le bonheur des générations d'étudiants qu'il a formés.
Un débat intéressant est celui du transfert personnel d'un chercheur du service public vers une entreprise, soit une entreprise qu'il contribue à créer, soit qu'il rejoingne une entreprise existante qui développe un produit où son expertise est importante. Les règlements en vigueur à l'Université et au CNRS en France autorisent depuis longtemps un chercheur ou un enseignant-chercheur à passer un jour par semaine à travailler sur contrat pour le privé hors de son labo. Les dispositions existent donc et sont assez souples. Tout est proposé, jusquà ces dernières années, rien n'était imposé, même pour le chercheurs qui ont choisi la physique appliquée. Choisir la physique théorique est choisir la voie étroite où les problèmes sont difficiles et où les grands noms se sont parfois cassés les dents. La physique appliquée est moins angoissante sur ce point, mais lorsqu'on l'a choisie, on ne peut pas se réfugier dans la tour d'ivoire, il faut accepter un certain volume de partenariat avec les entreprises. Cela me semble raisonnable.
Un prof californien qui avait toujours travaillé avec les entreprises sur une base contractuelle m'a expliqué la problématique de la façon suivante.
Un professeur crée une entreprise pour commercialiser une de ses inventions.
En Californie c'est très facile, en France depuis une récente loi sur l'innovation, c'est facilité.
Assez rapidement si l'entreprise démarre bien, le professeur doit faire le choix de devenir chef d'entreprise ou de rester chercheur, mais souvent il doit quiter l'entreprise s'il veut absolument rester à la fois chercheur et décideur dans l'entreprise.
En France la loi sur l'innovation permet un retour vers le service public dans un délai de quelques annees.
En général les chercheurs sont perfectionnistes, et peuvent devenir un frein à la vente du produit. L'exemple du produit-logiciel est caricatural, si on ne vendait que des logiciels parfaits, l'industrie logicielle serait en faillite.
Le prof californien rendit visite un jour à un de ses collègues qui avait sauté le pas, son plaisir c'était d'aller derrière l'entreprise voir les camions charger les cartons avec les produits innovants qu'il avait conçus. Il était devenu entrepreneur mais plus chercheur.
Celui qui me contait l'histoire avait préféré rester indépendant toute sa vie, comme consultant. C'est aussi une bonne approche pour le transfert lorsqu'on aime garder sa
liberté.
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