Auteur: Jean-Louis Llech
Date: 01-10-2007 14:32
La photo de la mort du milicien anarchiste Federico Borrell prise par Capa n'est certainement pas une mise en scène. Il y a eu de longues controverses à ce sujet, mais elles ont toutes écarté cette hypothèse.
Par contre, à mon sens, les photographes de guerre présents ce jour là - dont Capa et sa compagne Gerda Taro - sont une des causes indirectes de sa mort. Je m'explique.
L'image est datée du 5 septembre 1936, donc au début de la guerre (le putsch de Franco date du 17 juillet 36, ses troupes débarquant du Maroc en aout 36).
Capa et sa compagne étaient dans la région de Cordoue avec d'autres photographes.
Depuis quelques jours, il y avait eu une accalmie des combats dans ce secteur, et les photographes présents se plaignirent aux républicains de ne pas avoir de photos à faire.
C'est alors qu'un officier républicain leur proposa d'envoyer une section de miliciens anarchistes de la CNT faire quelques manoeuvres dans des tranchées avoisinantes, et qu'ainsi Capa et ses confrères pourraient faire quelques photos.
C'est de là qu'est venue à mon avis la légende de la "mise en scène", qui est tout à fait fausse. Les miliciens étaient dans et à côté des tranchées, pour faire les photos, et c'est à ce moment que les tirs ont repris du côté franquiste et qu'une mitrailleuse faucha plusieurs hommes.
La coïncidence - je n'appelerait pas ça de la chance - et son instinct ont fait que Capa soit à ce moment en position dans la tranchée, pour faire quelques photos "ordinaires" quand Federico Borrell fut mortellement touché. C'est ce qui différencie un bon photjournaliste des autres.
Cette mort n'est pas une mise en scène, mais par contre, je suis certain que c'est à l'occasion d'une mise en scène qu'il trouva la mort. La nuance est d'importance.
En effet, si les photographes ne s'étaient pas plaints de cette inactivité, et si cette séance photo n'avait pas été organisée pour les satisfaire, Borrell ne serait pas mort ce jour là.
Quant à Gerda Taro, la compagne de Robert Capa, elle ne devait survivre au milicien anarchiste que d'une année. Elle fut écrasée accidentellement par un tank républicain pendant la bataille de Brunete en 37. Elle avait 27 ans.
Cette coupure de presse relate sa disparition : http://mujeresriot.webcindario.com/gerdataro06.jpg Elle est probablement la première femme journaliste de guerre tuée au combat.
Hélas pas la seule depuis. Un simple chiffre : en douze ans, sur 595 journalistes morts dans l'exercice de leur métier, 291 l'ont été dans des zones de combat. Parmi eux, une vingtaine de femmes, dont 7 en Irak en 3 ans.
Les photojournalistes tués par les troupes qu'ils accompagnent sont nombreux, particulièrement en ce moment ceux qui suivent les troupes américaines en Irak sans être accrédités.
En tout cas, 595 raisons supplémentaires de respecter ce métier.
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