Auteur: Jean-Louis Llech
Date: 03-05-2007 08:59
H.G. : "L'histoire ne se répète jamais"
Non, elle se contente de bégayer.
Pour ce qui concerne l'article en question :
"Les fabricants d'appareils photographiques proposent aujourd'hui des solutions qui ôteraient toute nécessité d'intervention ultérieure comme le fait de pouvoir brancher directement son appareil à une imprimante, "
Le concept du Pictbridge n'est pas une révolution. Cela existe depuis de nombreuses années. Je sais bien qu'il faut commencer par quelque chose, mais là c'est une banalité.
D'autre part, l'image sortie directement de l'appareil ou de la carte et imprimée dans la foulée n'a rien a voir avec la haute résolution. Cela existait avec des appareils de 4 Mpix. Je ne comprends pas bien ce que cela vient faire dans la démonstration. Le travail improprement appelé de "post-production", qu'on peut dans un accès de bonté, comparer au travail en laboratoire est totalement indépendant de la taille de l'image. Le "prêt à imprimer" existe depuis longtemps, et ce n'est pas un gage de qualité, haute résolution ou pas.
"Composition et mise au point sont plus délicates dans les formats réduits du numérique. A titre d'exemple, et pour une définition équivalente, on passe d'un dépoli donnant 10 par 12,5 cm de visée (le 4X5 pouces argentique) à une surface de 3,6 par 4,8 cm en moyen-format numérique."
Et alors ? On se retrouve dans la même situation que quand on utilisait un 24x36 avec des supports argentiques. Evaluer les changements de perspective avec un EOS 1N ou V avec des objectifs TS-E présentait les mêmes difficultés, et ce n'était pas du numérique. En ce sens, 48 x 36mm serait un progrès par rapport à 24x 36mm. Le verre à moitié plein ou à moitié vide...
Rien n'a changé, donc. Le 4x5" est plus confortable que le 24x36 pour la visée, la mise au point et la composition, et le 8x10" plus confortable que le 4x5". Rien de nouveau sous le soleil.
Alors qu'en argentique, on avait coutume de dire "c'est dans la boîte", et que presque tout était joué dès le déclenchement, on pourrait admettre que le travail de prise de vue en numérique s'effectue en deux étapes, d'abord sur le terrain, ensuite devant l'ordinateur. Mais le droit à l'erreur est parfois le début de la médiocrité. Pas grave, je rattraperai avec toshop'.
On concevra peut-être un jour un système dans lequel un un écran de 20 cm x 25 cm remplacera le dépoli de chambre. Il sera relié au dos et servira à la mise au point, au cadrage et à la composition. Conséquence, l'appareil numérique sera de même taille qu'une belle chambre 8x10 pouces. Reste à le créer portable et léger. Et cher, évidemment.
Apprendre l'argentique a été aussi consommateur de temps. Bâcler un tirage numérique a sa sanction, comme pour n'importe quel tirage argentique. Là non plus, rien de neuf.
En conclusion, personne de sensé et doté d'un peu de sens critique ne penserait que le numérique serait un gain de temps. Tout au plus pourrait on y trouver une manière différente d'employer le même temps. Et l'apprentissage est permanent, en argentique comme en numérique.
Probablement pour les vieux une certaine "déshumanisation" - pardon, je ne trouve pas d'autre mot - du fait qu'un photographe expérimenté maitrise ses émulsions argentiques, les connait, les a en quelque sorte apprivoisées, comme il connait les limites de sa chambre ou de son appareil moyen format.
Par contre, en numérique, les résultats seront peut-être plus aléatoires, la succession de 0 et de 1 issus du capteur restant un peu contre nature pour le photographe. Il peut en résulter une certaine frustration qui viendrait de l'absence de "communion" entre l'oeil et le capteur CCD ou CMOS. L'écran d'un côté, le margeur de l'agrandisseur ou le fond de la cuvette de l'autre ne sont pas de même nature. Mais peut-être ne s'agit-il que d'un temps d'adaptation.
Le photographe qui naitra avec le seul numérique et n'aura jamais manipulé une cuve ne connaître probablement pas ces états d'âme. Mais je pense sincèrement que le travail deviendra plus triste ou plus monotone, avec une certaine dépersonnalisation des actes. A condition bien sûr d'avoir connu les deux, l'avant et l'après. Pour soupirer tristement "c'était mieux avant" - et je le fais tous les jours - il faut avoir connu l'avant.
En dehors de ça, je trouve que cet article aurait eu davantage sa place dans une revue de vulgarisation - le mot n'est nullement péjoratif - que sur Galerie Photo.
Une manière de rappeler qu'on ne doit pas écouter les sirènes du numérique - qui ne sont jamais que celles du tiroir caisse, de la publicité et du marketing - que le numérique n'est pas une panacée, et que l'argentique est loin d'être "ringardisé". Débutants, arrêtez de vous faire des illusions. En cela cet article est louable.
A moins que Guillaume ait eu besoin de coucher ses états d'âme et ses inquiétudes sur l'écran, comme sur le papier, ou de les confier à ses pairs. Et cela aussi est bien respectable.
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