Auteur: Jimmy Péguet
Date: 02-03-2006 11:45
Je pourrais pas :-) Non, mais je rêve du plus beau procédé du monde pour la plus belle photo du monde qu'on ne pourrait pas empêcher de disparaître très vite. Bon, je sais, ça existe pas :-) et je me laisse prendre par la fascination par la disparition. Ou de l'éphémère.
On va saboter ton fil :-) Il y a quelques années, j'avais acheté une petite photo sur verre ou sur porcelaine, j'avais l'impression de ne pas pouvoir vivre sans. Ca me fait rire avec le recul en voyant ce que nos petites névroses du moment peuvent mettre dans une photo. C'est une femme d'une trentaine d'années avec deux enfants, l'air seul et un peu triste, photographiée dans un jardin ou un terrain vague par un jour d'hiver. Ce qui m'a frappé tout de suite, c'est l'absence du père. Il m'a fallu des années pour seulement imaginer qu'il devait bêtement être derrière l'appareil, je n'y ai pas pensé un instant au début. Je me suis longtemps bâti un film. Qui étaient cette femme et ces enfants, puisqu'il n'y a aucun repère sur la photographie. J'y voyais des émigrants, des russes peut-être, le père loin ou mort, je pouvais me raconter une histoire dégoulinante de sentiments sur leur histoire.
Mais ce qui m'a tout de suite touché, c'est que la photo était en train de disparaître. Elle repose sur un support fragile, vu les conditions où je l'ai trouvée, c'est miracle qu'elle soit parvenue jusqu'à moi, elle s'affadit de jour en jour, elle était encore très présente il y a quinze ans, avec une dominante un peu rouge, un peu comme une albumine, elle devient de plus en plus jaune, de plus en plus pâle, les personnages disparaissent lentement et inéluctablement. Elle est rangée à l'abri de la lumière, les rares fois où je la reprends, quelque chose s'est envolé. C'est stupide, mais l'idée que ce portrait va disparaître, que je suis le seul à encore voir cette femme et ces enfants me touche énormément, et je sais bien que c'est en même temps une métaphore facile et bêtasse de la vie et de la photo. Quand elle aura disparu, si elle disparaît la première, elle ne me manquera pas, je me souviendrai de sa beauté et du plaisir que j'ai eu à la regarder et à en parler. C'est bien qu'elle disparaisse.
J'ai une autre photo que j'aime énormément, un baryté acheté il y a une quinzaine d'années aussi. La photo a été mal fixée et mal lavée, elle est en train de s'abîmer inexorablement, et je m'en fiche à peu près complètement. Je me souviens du livre où je l'ai vue la première fois, de pourquoi je l'ai voulue, de la belle rencontre avec le photographe.
Je retourne au travail :-)
Jimmy
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