Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 23-06-2008 11:00
J'ai reçu samedi dernier le magazine « Victor » de chez Hasselblad, numéro 2-2008.
Après le matraquage habituel de photos de mode et publicité, passons sans commentaire à des articles plus réjouissants.
En photo d'art : de superbes images de chevaux, sans doute peut-on parler de portrait, je ne sais pas si le terme est approprié lorsqu'on photographie les animaux.
Trois articles techniques toujours aussi croustillants dans leur doux mélange d'auto-satisfaction et de vulgarisation technique pas trop mal menée.
Je cite de mémoire.
Un article intéressant sur les possibilités de fabriquer des capteurs silicium pour la couleur qui prennent l'échantillon au même endroit du détecteur pour les trois couleurs RVB.
L'article émet des doutes sur la faisabilité du capteur Foveon® en surfaces plus grandes que le 18x24mm, et cite des documents techniques ou des brevets de chez Nikon et Fuji très intéressants, sans qu'on sache si des capteurs sont, ou seront développés sur ces principes.
Chez Nikon, un truc où une micro-lentille renvoie la lumière dans un petit trou sous lequel on fait la séparation RVB comme dans un éclateur de chambre trichrome de 1930 !
Chez Fuji, une structure analogue à celle d'un film avec des couches colorées photo-conductrices au-dessus d'un capteur C-MOS.
Donc les idées ne manquent pas, je me réjouis de cet article qui laisse imaginer que le damier du Dr. Bryce Bayer ne sera pas la seule solution technique à l'avenir.
Un deuxième article traite de la comparaison des courbes FTM et du rendu entre certaines optiques Zeiss réputées les meilleures (planar 3,5 de 100 et sonnar 250 super achromat) et les focales le splus proches en gamme HC (Hasselblad-Fuji).
L'article utilise un artifice pas très sérieux qui consiste à faire sortir le planar 100 de son domaine d'application : vues à l'infini, pour pouvoir le mettre en défaut face un 100mm Hasselblad-Fuji optimisé pour de plus courtes distances (effectivement, mode et publicité c'est souvent en studio et pas à l'infini !).
Certes les rédacteurs ont l'honnêteté de placer en parallèle les courbes FTM à l'infini, mais cette comparaison n'a pas plus de sens que de vouloir comparer une défonceuse portative pour bois avec une visseuse pour plaques de plâtre, en reprochant par exemple à la visseuse de tourner trop lentement pour pouvoir fraiser correctement du bois !
En fait l'article sur la comparaison d'optiques est un pladoyer pro-domo destiné à expliquer que chez Hasselbald n'ont plus besoin de chez Zeiss. Je pense qu'on avait compris depuis pas mal de temps, et une fois passé le cirage de pompes introductif (hommage aux anciens qui ont fait la réputation de la firme..), le seul message qui passe c'est : on n'a plus besoin de celui qui nous a fourni nos optiques pendant 1/2 siècle. Sur ce plan, la démonstration est aussi légère que pouvait l'être un film politique-qui-dénonce, un ce ces films à thèse français des années 1970 que nous aimons tous : au cas où vous n'auriez pas compris le message, on vous le rabâche encore une fois.
Le clou est enfoncé dans un autre article détaillant le fonctionnement et les avantages des obturateurs électromécaniques équipant les appareils Hasselblad série H.
Certes, l'honorable maison de Göteborg s'est lancée dans l'aventure 1/4 de siècle plus tard que Rollei F&H (Rolleiflex SLX : 1973), mais le produit est convaincant. On murmure que ce serait mieux si au lieu de 1/800-ième de seconde on pouvait monter au millième, le lecteur aura compris qu'à Braunschweig on y est depuis déjà pas mal d'années avec les optiques en série PQS.
À signaler un détail technique sur l'obturateur Hasselblad : c'est un bi-stable mécanique, les actionneurs électriques font passer les lamelles de l'une à l'autre position stable sur le plan élastique. Intéressant, car c'est le même principe de fonctionnement que dans l'obturateur d'optiques de chambre Arca Swiss dont j'ai pu voir la démo.
Bref, à Göteborg, au cas où on n'aurait pas encore compris, tout est prêt pour clore le chapitre des appareils du Père Victor.
En tant que vieux client de la marque depuis 1982, vais-je verser des larmes de crocodile sur le système V et les optiques Zeiss le jour où la clé sera mise sous la porte pour cette gamme de produits là ?
Que nenni ! Au contraire, on admire la réorientation d'Hasselblad, dans une passe si difficile à la fin du XX-ième siècle, qui amène l'entreprise à être bien plus impliquée dans la conception optique via son partenariat avec Fuji et à maîtriser ses obturateurs. Si on ajoute à cela le mariage avec le fabricant de dos silicium danois, on voit que la métamorphose est complète.
Maîtriser les techniques au-delà du métier de départ de mécanique de précision, chez Rollei l'ont fait avec le rachat du savoir-faire optique de Voigtländer en 1972, et dans l'investissement dans les métiers de l'électronique qui ont conduit au SLX en 1973.
À cette époque, tous les objectifs Hasselblad à l'exception peut-être de la bague de baïonnette à 4 lobes et huit vis, venaient de chez Zeiss ou de ses filiales (Deckel, puis Gauthier pour les obturateurs à partir de ~ 1980). Et les seuls composants électroniques du catalogue Hasselblad, avant la série 2000, se trouvaient dans l'alimentation du moteur du EL/M et de son chargeur d'accus ! On voit le chemin parcouru.
Donc nous souhaitons longue vie à l'entreprise et à son magazine auto-promotionnel, mais si on avait une petite suggestion à faire : oui, on a bien compris que le H3D c'est l'arme absolue pour la mode et la publicité et on a bien compris que vous n'aviez plus besoin de l'appui du groupe Zeiss.
Mais ne pourriez-vous pas changer un peu le disque (comme on disait au temps du Père Victor) pour les prochains numéros ?
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