Auteur: Henri Peyre
Date: 10-05-2006 15:45
En première approche, les 2 jouissances fondamentales de l'Homme :
- le basculement dans le sexuel : le moment exact où il perd ses repères dans l'abandon est le paroxysme de la jouissance. Il y a un avant et un après, moins intense (ou alors je rêve)
- le basculement dans la confusion à une idée collective (adhésion à un groupe ou à une idéologie) : là aussi, le moment de perte des repères personnels est accompagné d'une jouissance intense. Il y en a qui conduisent des avions pour se fichent dans des tours sur cette jouissance là.
Constatons humblement la puissance de cela sur le coeur de l'homme.
Puis continuons.
Probablement qu'on peut partir de là pour entrer en art : pour être forte une oeuvre doit proposer des jouissances qui seront articulées sur des changements de points de vue possible. La notion d'abandon à un tout plus vaste, de libre consentement de l'individu (ou pas) à cet abandon semble vraiment importante. On n'est, d'autre part, pas obligé de jouer le franchissement d'une seule frontière à la fois.
La mise en situation de l'oeuvre a aussi son importance : en art le franchissement peut être uniquement pour le spectateur, convié de l'extérieur à la contemplation de l'oeuvre d'un fou, ou d'un artiste spécialisé. C'est simple et ça marche bien. Peut être même que ce serait devenu un peu trop simple et qu'on sait un peu trop bien comment cela marche (on évoque là la notion de style ou la notion d'accrochage - l'urinoir au musée). Ce genre de franchissement dépend également trop à mon goût du contexte, auquel le style vient en général s'opposer et se différencier.
Le franchissement peut aussi être proposé à l'intérieur même de l'oeuvre par mise en perspective dans l'oeuvre même, de plusieurs logiques qui se téléscopent.
Il n'y a pas beaucoup de gens qui travaillent dans cette perspective. La plupart du temps les artistes sont trop heureux déjà d'arriver au style !
Pour Bruno et la question du noir et blanc (ceci n'est pas une réponse, mais juste la vache qui continue de ruminer) :
il est probable que l'utilisation du noir et blanc permet d'insister sur cet autre monde évident que propose la photographie par rapport au réel. Ceci dit pour un observateur du réel ou de la photographie, la photographie couleur est déjà en soi une "représentation" du réel : elle est en 2D, il n'y a ni sons ni odeurs, le temps n'y passe pas. Quelqu'un qui a un bon vécu en couleur y goûtera aussi les équivalences possible de toutes les techniques "qu'on aurait pu y employer". Evidemment c'est encore plus visible avec le noir et blanc.
On met là le doigt sur un autre aspect fondamental de la question. Avec cette définition de l'art on conçoit évidemment que plus l'observateur est cultivé et plus s'ouvre le champ des possibles. Moins il y a besoin d'hurler et d'être binaire !
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