Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 17-09-2007 10:50
C'est vrai que le temps était superbe. Un peu brumeux sur le lac, on n'a pas pu refaire les vues à la façon de Courbet ;-)
Je suis finalement venu en train, ce qui m'a permis, à l'aller, de traverser le Jura en enchaînant les trains régionaux. C'est un voyage que je conseille, de Besançon-Morteau et du Locle à la Riviera vaudoise en passant par Neuchâtel et Lausanne, on a un raccourci saisissant du passage transfrontalier France-Suisse et des contrastes internes à la Suisse ;-) En particulier, on découvre au passage la gare de La-Tour-de-Peilz, un lieu aussi important à mes yeux que la gare de Perpignan pour Dali ;-)
Un coup d'oeil à l'expo « lenteur », j'ai bien aimé les vues décalées au sens propre du terme de Denis Corminboeuf. Le Lys sauvage de Claude Plessier (en héliogravure) est magnifique, magique, irréel, merveilleux, et portant il est dans le jardin.
Le samedi était consacré essentiellement aux conférences. Le champ embrassé était large et fort ambitieux puisqu'il nous mennait d'Aristote au camphone 3 Mpix. C'est çà l'intérêt d'un congrès de l'image haute résolution, y'a pas que larésolution, il y a aussi le grand champ ;-)
Ceux qui sont familiers des profs de philo français savent qu'ils ne font pas un cours, mais qu'ils prononcent un discours. On n'a donc pas été surpris par le style de J.C. Mougin qui n'hésita pas à interpeller Chaprot dans l'auditoire (alias E.B. pour l'occasion) afin de mieux illustrer le propos.
J'ai regretté de ne pas pouvoir échanger avec M. Christophe Gallaz après les conférences, j'aurais eu de nombreuses questions à lui poser ; je me suis régalé de comprendre à l'écoute de cette intervention passionante (et sans complaisance, comme si l'auto-admiration dont il nous a parlé devait être gommée du propos ;-) comment certains mythes-fondateurs de la Suisse comme l'ouverture du passage du Gothard par les montagnard d'Uri et le Pont du Diable associé peuvent être des clés de compréhension de certains traits de caractère helvétiques modernes ;-)
On n'a pas boudé son plaisir à entendre Henri Gaud nous parler de trichromie, s'il est un orateur dont l'enthousiasme et communicatif, c'est bien lui.
Le « groupe de Nîmes » représenté pour l'occasion sur la Riviera par Bruno Généré, Henri Peyre et Marc Genevier nous a proposé non pas un exposé formel, mais plutôt un « montage » fort astucieux illustrant la notion de lenteur en photographie... un gageure plus difficile encore que celle de la fable du lièvre et de la tortue ;-)
Au début de l'après midi, M. Charles-Henri Favrod nous a merveilleusement conté les débuts de la photographie, en particuler le mystère qui entoura la divulgation du procédé de Daguerre en 1839. On savait que quelque chose allait se passer, c'était dans l'air, et dès que le procédé fut révélé, il se répandit dans le monde entier (du moins les parties du monde ayant accès à l'iode, à l'argent et au mercure) à une vitesse incroyable. Je pense que ceux qui étaient dans l'assistance confirmeront que ce fut un grand moment de passion photographique.
M. Christophe Brandt étant souffrant, ce fut Mme Süsstrunk, professeure à l'École Polytechnique Fédéral de Lausanne qui termina le cycle. Son intervention démarra par une petite expérience visuelle sur la notion de « couleur numérique » et elle montra de façon simple (et un peu provocante, mais c'était le but) que ce qui s'appelle (255,0,0) dans le monde numérique n'apparaît pas à l'écran de la même façon selon l'entourage coloré de la tache en question (censée être un beau rouge bien saturé, çà, seuls ceux versés dans les arcanes du codage RVB avaient deviné, c'est-ce pas M. Mougin qui ne fait que du palladium gris, (127,127,127)). Elle nous entraîna ensuite dans un chemin qui passait par les questions de traitement de l'image, et elle fournit quelques données du marché-photo qui soulèvent la question : certes, l'appareil-photo à film est bien dans les poubelles de l'histoire- nous en sommes tous persuadés ici ;-), mais l'appareil photo lui-même a-t-il un avenir à l'ère du camphone 3 Mpix ? On continua par une discussion assez longue, dont on va essayer de retrouver les thèmes pour en faire un compte-rendu sur galerie-photo.com.
Le dimanche, ceux qui n'étaient pas au culte dans la paroisse réformée de langue allemande située tout à côté du lieu du congrès (c'est juste à côté de la station-service qui fait aussi café, c'est pratique) ont écouté Pierre Stringa, le maître des lieux, analyser longuement les structures et la symbolique d'un fameux tableau de Van Eyck. Il montra comment cette structure peut s'appliquer à la composition en paysage. Il fut obligé de révéler publiquement qu'il est non seulement un maître du gélatino-bromure et du papier-charbon, mais qu'il dessine à merveille. Au point qu'on aurait envie de lui appliquer la méchante blague anti-Beethoven, à l'envers : Pierre Stringa dessine tellement bien que toute sa vie il a cru qu'il faisait de la photo.
Ensuite vint un petit intermède où les participants se ruèrent voir les nouveautés des constructeurs amateurs et semi-pro, mais Pierre S., après la présentation du groupe photographique Zürichois digifoto.ch par C. Mialaret et de la galerie Focale à Nyon, nous avait réservé une surprsie avec un concert de piano-jazz en petit comité.
Le concert était donné par un jazzman virtuose-improvisateur qui réussit à glisser discrètement le « ah vous dirais-je Maman » de Mozart dans l'un de ses morceaux. Et pour couronner le tout, le représentant local de la prestigieuse marque viennoise de pianos ayant installé l'instrument pour notre plaisir était là, avec l'accordeur qui travaille pour les artistes lors des concerts. Magnifique ! ( Ah! ces graves !) Et pour ceux qui ne peuvent pas vivre sans outils et sans technique, on nous fit l"honneur de démonter le clavier pour nous expliquer en détail le fonctionnement du fameux « double échappement ».
Enfin l'après midi fut consacrée à la présentation des travaux personnels (les images de Caro d'Arc-et-Senans, les livres de F. Besson, les plaques de P. Stringa, les grands cibas de Daniel F.. j'ai peur d'oublier quelqu'un !) et d'appareils : la superbe 6x9 de Pascal Beillard (voir cette discussion), les différenst modèles de Daniel F. dont un nouveau modèle 6x17 à décentrement (avec un réglage fin). En bout de table, au soleil, la bande des chaux-de-fonniers était en force, avec, s'il vous plaît, en avant-première mondiale : l'Obscura® 20x25 !! Et avec un viseur reflex à miroir !! le viseur existe aussi en 4x5 pouces, pour l'instant il est monoculaire mais on ne voit pas pourquoi il ne deviendrait pas binoculaire ;-) Bref la gamme des Obscura® s'étoffe avec toujours plus d'accessoires astucieux...
Et la lenteur, dans tout cela ? Hélas, elle n'était pas au rendez-vous dans le déroulement implacable des heures, et comme d'habitude on a dû repartir dans avoir pu blaguer avec un tel ou untel .. ce sera pour la prochaine fois.
Pour conclure, il faut à l'évidence citer J.C. Mougin qui résume assez bien l'esprit de cette rencontre :
La lenteur est belle, elle est aussi rebelle.
Grands remerciements à Pierre & Sabine, Thomas & Francine pour l'organisation et pour leur hospitalité.
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