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phorum - équipements et procédés - Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?

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 Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: mougin 
Date:   21-04-2009 09:16


"Ah, s'il suffisait de se tripoter l'esprit pour produire de belles photos ..."

J'allais m'endormir hier au soir après avoir reçu cette ironique et néanmoins amicale apostrophe sur le fil précédent, quand je suis tombé sur ce passage passionnant d'un livre de philosophie (je m'excuse, mais il s'agit d'un ouvrage d'initiation de Pierre Jacerme, "Introduction à la philosophie occidentale" Agora ) et qui me semble contredire de façon radicale cette apostrophe.

Pour résumer on ne photographie pas ce que l'on perçoit mais ce que l'on pense. Il sera donc prouvé que se tripoter l'esprit peu produire de belles photos.

Voici quelques extraits du texte que je livre à votre méditation.

"Diane Arbus, qui vivait à New york, était, un jour allée lire à La Bibliothèque publique qui se trouve à l'angle de la 42ème Rue, Cinquième Avenue, où n'importe qui peut avoir accès libre aux livres. Elle a choisi La République de Platon: à un moment elle a recopié sue son carnet la phrase suivante, qui se trouve à la fin du Livre VI: "Une chose n'est pas vue parce qu' elle est visible, mais au contraire visible parce qu'elle est vue"........ Suit l'explication qu'en donne Jacerme:

"De ce passage? D.Arbus retient: "Une chose n'est pas vue parce qu'elle est visible...". Il faut comprendre "visible de façon sensible". Aujourd'hui on dirait: une chose n'est pas vue parce qu'elle est perçue..."mais au contraire visible parce qu'elle est vue", sous-entendu: "par la pensée", par l'âme qui saisit l'intelligible.

C'est très important que D.Arbus ait compris ainsi. Dans ses photographies, en fait, elle réussit à faire dire quelque chose au monde parce qu'elle le perçoit par la pensée. Ce n'est pas donné dans le sensible, en même temps c'est présent dans le sensible; là est la difficulté. il faut qu'il y ait les deux plans à la fois. p. 81-82

Question destinée à D.C. Peut-on dire que Diane Arbus lorsqu'elle lit "La République de Platon" , "se tripote l'esprit" ou bien alors prépare-t-elle son travail de photographe qui lui me semble-t-il est incontesté.

Excusez la longueur de la question, et son prétexte quelque peu mesquin, mais elle m'apparaît importante et susceptible d'éclairer notre pratique. De plus elle m' a été donné par le hasard d'une lecture après une journée passée sur le forum à distiller quelques perfidies, ou "parleries" comme dirait Heidegger.

Mougin


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: ivandr 
Date:   21-04-2009 09:33

Bonjour

C'est plutôt une question sur l'objet et le sujet.
Est ce qu'un objet existe par lui même ou bien est ce que sa réalité n'est révélée que par un sujet (l'Homme).

Dans le Tractatus de Wittengestein

Le monde de l'homme malheureux est différent du monde de l'homme heureux.

De même à la mort le monde ne change, pas il cesse.

Un vrai bout en train ce Wittengestein

Ivan

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L'étoile filante
Quelle solitude", Shiki
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 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: mougin 
Date:   21-04-2009 10:16

Oui bien sûr, et la référence à Wiittgenstein n'est pas fausse, d'autant plus qu'il s'est intéressé au problème de la perception des couleurs.

Mais la question porte d'abord sur la photographie et plus accessoirement sur l'anti intellectualisme dont font preuve certains photographes sur de forum.

Le professeur vous demande donc de relire la question.

Amicalement bien sûr

JCM


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: Georges Giralt 
Date:   21-04-2009 10:31

Bonjour,
Je ne suis pas philosophe et très loin du niveau de culture de Jean Claude. Mais, j'ai souvent constaté que plusieurs personnes dans une salle de cinéma n'ont pas vu le même film, que sur un "motif photographique", plusieurs photographes n'ont pas vu la même chose, ni fait les mêmes images. Et que sur le lieu d'un accident, les témoignages divergent....
Donc, mes constatations pragmatiques rejoignent les études des philosophes...
Mourrai moins con ;-)


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: mougin 
Date:   21-04-2009 10:36

Remarque judicieuse, mais qui concerne le cinéma.

Relisez la question

Photographie-t-on ce que l'on perçoit ou ce que l'on pense ?

JCM


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: D. Césari 
Date:   21-04-2009 10:38

Je vous suis reconnaissant d'avoir pris mon ironie en bonne part. La phrase était avant tout construite pour ressembler à la saillie du Cynique, en l'écrivant je savais bien que je mettais le doigt sur un sujet sensible.

Vous aurez aussi remarqué qu"il ne suffit pas de se tripoter l'esprit" ne veut pas dire "il ne sert à rien de se tripoter l'esprit". Au contraire, le cerveau du photographe est le maillon essentiel du système. Deviendrais-je très bon musicien en m'achetant un très bon violon ?

Certainement que D. Arbus prépare sa pratique photographique en lisant Platon. Elle ne l'aurait pas noté si ce n'était pas le cas. Mais à chaque instant, on peut observer, penser et préparer sa pratique photographique (ou sa façon d'aimer les gens). Donc, y a-t-il des pensées clefs ou des rapports clefs qui font faire un saut ? n'ayant pas vos références, je ne peux qu'avant tout interroger mon vécu (sur des questions autres que la photo) , la réponse est oui, évidemment, mais ça fait une base d'observation un peu mince pour généraliser.

D. C.


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: marin 
Date:   21-04-2009 10:41

"prépare-t-elle son travail de photographe"

ça crève les yeux.

"l'anti intellectualisme dont font preuve certains photographes"

A propos de la photographie il y a ce que Shore appelle la "wordless visual thinking", a laquelle tout photographe est confronté, mais ce n'est pas tout ni suffisant même si le "gros" s'en contente.

ps :j'aime beaucoup l'idée de poser cette question sur le forum "équipement et procédés", c'est très drôle bravo.


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: D. Césari 
Date:   21-04-2009 10:41

PS : je n'ai répondu qu'au point sur lequel vous m'interpelliez; pour la question générale que vous venez de rappeler, ça mérite réflexion.

D. C.


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: mougin 
Date:   21-04-2009 10:46

A D.Cesari

Mais peut-être que se tripoter l'esprit constitue l'essentiel

Mougin


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: mougin 
Date:   21-04-2009 10:59

pour Marin

"wordless visual thinking", je ne crois pas que cela puisse s'appliquer à D.Arbus, d'ailleurs vous n'y penser pas.

Photographier le monde en le pensant, c'est le créer. Pour Shitao le moine citrouille amère,
le monde n'est-il pas créé par "l'unique trait du pinceau", comme une sorte de coupe introduite dans le chaos primordial, par ce qui serait le premier obturateur. Pensez à la serpe de Chronos qui permet la séparation d' Ouranos et de Gaïa.

JCM


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: ivandr 
Date:   21-04-2009 11:09

Vous avez de super lecture, j'adore Shitao et d'autres théoriciens de la peinture chinoise.
Il y a un livre formidable : Abstraction et Einfuhlung, Worringer, Klinsksieck, isbn 2252034101, 16 euro.
Mais il s'agit d'esthétique et en particulier de la jouissance des oeuvres.

La proposition qui me dérange est : Ce que l'on pense
Il faudrait approfondir ce mot.

ivan

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 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: marin 
Date:   21-04-2009 11:13

C'est au moment de photographier qu'il y cette "wordless visual thinking", cette pensée par les images.
Bien sûr on peut faire le malin et objecter que les mots aussi sont des images, ce sera vrai, cela mettra en échec les propos de Shore, mais ce sera faux aussi.
Et puis regarder faire des pirouettes me fatigue, trop de pirouettes tue l'art de la pirouette qui comme l'honnête homme doit savoir disparaître le moment qui précède où il va devenir de trop.


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: jean d 
Date:   21-04-2009 11:16

Mon cher professeur,
D'abord félicitation pour cette belle vente, c'est pas le sujet mais quand même...

Photographie-t-on ce que l'on perçoit ou ce que l'on pense ?

Ni l'un ni l'autre, bien au contraire.

Trève de plaisanterie, je photographie ce que j'espère transmettre et communiquer au spectateur de ma photographie. Ni plus ni moins.
Un sentiment, un jugement, un plaisir esthétique...

Sont-ce des perceptions ou des pensées...
Les deux se lient.
Ou s'opposent.
Dans les deux cas, l'image transmet fatalement ce conflit ou cette fusion interne.
La question est de savoir si ce conflit ou cette fusion seront perçus.

Je pose une question parallèle:
La pensée peut-elle s'affranchir de la perception...
Je pense percevoir que non.


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: mougin 
Date:   21-04-2009 11:29

Pour Marin

Excuse moi mais mon anglais m'a trahi, j'ai lu worldless. Ma réponse est donc nulle et non avenue. Ta citation prend un tout autre sens que l'on ne peut qu'approuver.

"Et puis regarder faire des pirouettes me fatigue, trop de pirouettes tue l'art de la pirouette qui comme l'honnête homme doit savoir disparaître le moment qui précède où il va devenir de trop."

Pour conclure, je vais suivre ton conseil, et comme je tiens à rester un semblant d'honnête
homme, à mon tour de disparaître avant de devenir de trop.

Merci, je vous abandonne donc la question qui elle n'est pas de l'ordre de la pirouette.

Le Maître est la figure majeure de l'hystérique, celle du sujet supposé savoir. C'est Lacan qui l'a dit . Dernière pirouette donc.

JCM


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: Serge COSNIER 
Date:   21-04-2009 11:30

Bonjour,
Peut -être bien aussi que cela se situe au-delà de la pensée.
Mr Mougin vous devez certainement connaître le bouquin d'Elie Faure.
Il y a un chapitre formidable sur la peinture flamande où il parle de Rubens et ce qu'il dit peut très bien je crois s'accorder avec la photographie et votre propos.
Juste un petit extrait :

"L'esprit qui dirige et maintient ce tourbillon de vie dans un cercle aussi sûr que la gravitation des astres, roule avec lui de forme en forme comme si leur ivresse même enfantait sa lucidité........."

"Cet homme avait le droit d'aimer tous les aspects de la matière, la pourriture et la vie, puisqu'il mêlait à la pourriture aussi bien qu'à la vie l'esprit, qui est leur mouvement, puisqu'il voyait la vie naître de la pourriture, la pourriture germer dans la vie et la vie et la pourriture passer sans arrêt de n'importe quel point de l'espace à tous les autres. Jamais artiste n'eut en lui, à ce degré,toujours présente, et renouvelée, et insatiable, la sensualité sainte qui nous dénonce, à tous les pas que nous faisons, chaque fois que nous ouvrons les yeux ou les narines ou que nous écoutons le grand murmure environnant, la solidarité constante qui nous lie à tout ce qui est et qui nous fait sans cesse assimiler tout ce qui est pour l'élever à notre cerveau créateur et le restituer aux hommes en images coordonnées. Il ne pouvait concevoir un objet séparé des autres. Son immobilité bouge et sa grossièreté rayonne parce qu'il ne connaît pas un fragment de l'espace qui n'est partout son écho, un fragment de la durée qui n'ait en lui-même son devenir, parce qu'il n'a jamais regardé un morceau de nature sans voir des formes supérieures germer incessamment en des formes vulgaires, et sans saisir dans un geste bestial un mouvement harmonieux........"

Photographe amateur


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: marin 
Date:   21-04-2009 11:39

a mougin,

la citation (de mémoire) de Bossuet je crois, était une façon pour moi de prendre congé et d'aller soigner ma fatigue dans le travail. Pour Lacan, il doit y avoir bien un motif (que j'ignore) pour que vous l'écriviez, mais si vous dites que c'est une pirouette alors ...
Salut.


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: Henri Gaud 
Date:   21-04-2009 11:46

<<Mais la question porte d'abord sur la photographie et plus accessoirement sur l'anti intellectualisme dont font preuve certains photographes sur de forum.<<

Intellectualisme

Je ne sais pas si l'intellectualisme rassemble beaucoup de monde, photographes ou non ...

Les physiciens savent que regarder l'univers change l'univers, le regard doit sans doute s'accompagner d'un peu de pensée pour induire un changement.

Peut-il exister chez les photographes comme chez les non-photographes, d'un côté des intellectuels et de l'autre des bêtes brutes purement instinctives, cela me semble difficile.

Visitez le Blog de la Trichromie


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: Henri Peyre 
Date:   22-04-2009 07:04

"Photographie-t-on ce que l'on perçoit ou ce que l'on pense ?"

Suggestion de traitement du sujet :

Discussion de la question :
La question est bien sûr une fausse question : on perçoit déjà ce qu'on s'attend à percevoir ! (suivent 1 ou 2 exemples bien sentis)... Mais peut-on aller plus loin ?

Développement général :
Nous ne pouvons percevoir que ce que nous comprenons que nous percevons. Or nous ne comprenons que ce à quoi nous donnons un sens acceptable, c'est à dire une signification entre 0 (le non-sens : cela n'est pas possible et ne peux pas se produire, je ne l'accepte pas ; par exemple un bonhomme qui entre dans mon bureau en voletant comme un papillon - je vais appeler cela une illusion) et 1 (le certain : cela arrive à chaque fois, du coup je ne m'en aperçois plus - le fait de respirer tous les matins si je suis en bonne santé).

Application artistique :
Je la baserai principalement sur 2 références : la Théorie de la Forme (W.Köhler), puis l'Art et l'Illusion de E.H. Gombrich.
On montrera au moyen de ces bons auteurs qu'il y a un apprentissage culturel de la perception. L'individu voit et retient ce qu'il s'habitue progressivement à comprendre et à rechercher. Ceci en matière d'apprentissage purement cognitif, puis en matière d'apprentissage artistique.

Conclusion :
La photographie n'est qu'une application de tout cela.
On s'amusera à jouer avec
- je perçois ce que je pense
- je pense donc je perçois
- je perçois que je pense
- je pense que je perçois

On terminera en tâchant d'ouvrir quelque chose. Je propose un sourire du côté de l'écriture automatique des surréalistes dont la naïveté généreuse éclairera de tendresse la fin de ce devoir et ne manquera pas d'inviter le professeur à donner une meilleure note (lui-même pensant percevoir, alors qu'il perçoit ce qu'il pense).




 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: Jean-Claude Launey 
Date:   22-04-2009 07:58

<< Nous ne pouvons percevoir que ce que nous comprenons que nous percevons. Or nous ne comprenons que ce à quoi nous donnons un sens acceptable >>

Cela me rappelle une anecdote datant de quelques dizaines d'années.
Des explorateurs, quelque part en Mongolie étaient hébergés chez les habitants.
Munis de Polaroïd ils avaient pris comme première photo un animal familier.
Les habitants furent incapable dans un premier temps, sans forces explications, de reconnaître quoi que ce soit sur ce morceau de papier.

JCL


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: andré43110 
Date:   22-04-2009 09:29

Juste pour relancer

une merveille dans un lieu désert existe-t-elle???
une prise de vue sans intervention humaine, sauf à démarrer le processus d'automatisation, la rend-elle à l'existence?

André


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: mougin 
Date:   22-04-2009 10:47

Cher Henri

C'est avec grand plaisir que je te retrouve toi à ton pupitre, et moi sur mon estrade planqué derrière un bureau , clos comme le serait une mini forteresse, puisque que tu me sommes de jouer à nouveau le rôle du maître, celui qui est supposé savoir.

Tu as raison de considérer la question comme un sujet de bac. Par la sécheresse de son énoncé, il en a l'ineptie, d'autre part la réponse est déja donnée comme présupposée par la question elle-même. A moins comme je le conseillais à mes élèves de jouer du paradoxe et de défendre une thèse en pleine contradiction avec ce qui est attendu: du genre, on ne peut jamais photographier ce que l'on pense, car c'est la pensée qui rend possible la photographie qui ne fait que reproduire le simulacre de l'Idée. (Thèse d'ailleurs qu'a pu lire Diane Arbus dans la République de Platon).

Tu me proposes un plan, qui est une sorte de corrigé idéal du sujet tel qu'on en trouve dans les corrigés des Annales du Bac, et tel qu'en distillent ces temps-ci des profs de philo patentés sur France Culture. Comme tu attends une note je t'accorde un généreux 20/20, je me montre généreux, car nul, n'est parfait.

Tout en restant sur un plan purement scolaire, un professeur plus sourcilleux notera la qualité de tes deux références. La Gestalt Théorie en particulier, apporte une contribution décisive au sujet. E.H. Gombrich, il n'en connaît même pas le nom, n'oublie pas qu'il vient de sortit de l'IUFM. IL connaît par coeur la troisième critique de Kant, au programme cette année là à l'agrégation, et occupé à bosser le programme il n' a pas eu le temps d'acquérir une quelconque culture artistique, donc il risque de passer à la lecture diagonale, quand tu en viendras à cette partie de l'exposé.

L'apprentissage culturel de la perception, du genre on ne voit que ce que l'on m'a appris à voir, (voir l'exemple donné ci-dessus par JCL) est un fait acquis et désormais un lieu commun.

Venons en à ta conclusion:

La réponse que tu donnes trahit un hors-sujet flagrant. Le sujet porte sur la photographie, et non sur la perception qui ici l'interroge. Or tu réduis la photographie à la perception.

"La photographie n'est qu'une application de tout cela." Tout cela ne me paraît être qu'une échappatoire à la question, puisqu'elle se réduit à la proposition. Photographier, c'est percevoir.

Ton petit jeu sophistique sous forme d'un faux syllogisme qui en fait se contente d'aligner deux chiasmes,( figure rhétorique simpliste mais spectaculaire), ne fait que confirmer ton errance.

Une ultime référence à l'anemic cinéma de Duchamp et aux ecchymoses de ses esquimaux, laissera penser au correcteur que tu auras eu pour maître un ancien soixante huitard structuraliste, et quelque peu dadaïste, sans aucune formation pédagogique ni connaissance en sciences cognitives. Il aura pitié de toi, et t'accordera un généreux 7/20 qui ne saurait compromettre ta réussite au bac ni même l'obtention d'une mention, puisque bien sûr tu passes le bac série S.

Pitrerie à part, la phrase de Diane Arbus: "Une chose n'est pas vue parce qu' elle est visible, mais au contraire visible parce qu'elle est vue", (un nouveau chiasme me diras-tu), sauf que le mot visible change de sens dans les deux phrase. Visible ce que je vois, visible ce que je vois mais qui me regarde. On peut toujours photographier des jardins exquis et ne pas faire de Photographie. Fabriquer une image qui vous regarde c'est tout autre chose. Cela D. Arbus savait faire.

Cher Henri, en me demandant le temps d'une correction de dissertation d'être ton maître, tu es par là devenu mon élève. Mais pour rester un maître de semblant, à mon tour devenir de devenir ton élève. Car personne n'ose le dire, mais le Maître est toujours un ignorant puisqu'il croit savoir.

Pitié pour le Pitre Triste

Jean-Claude


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: georges laloire 
Date:   22-04-2009 12:32

>>>d'un côté des intellectuels et de l'autre des bêtes brutes purement instinctives<<<

C'est ça le monde selon Gaud ???


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: mougin 
Date:   22-04-2009 14:17

Permettez-moi de vous dire Monsieur que ce n'est pas du tout ce que veut dire Henri Gaud. La réponse qu'appelle la question posée va de soi. Personne n'a le privilège de l' intelligence. Elle constitue un bien commun. Même les imbéciles en sont pourvus. Simplement ils ne s'en servent pas. Descartes, puisque que je suis le prof de service, appelait cela le "bon sens".

Le monde d'Henri Gaud, n'est sûrement pas celui que vous lui attribuez. Son monde à lui n'est pas manichéen, il est pour le moins tri et même polychrome.

Poïkilon, le bigarré, tel était selon le poète Théognis de Mégare la couleur du sage

Jean-Claude Mougin


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: Arne 
Date:   22-04-2009 17:19

Hej, hej,

Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?

Loin des IUFM et de l'agrég-philo : "La morale a-t-elle besoin d’un fondement ?" ou "M'assieds-je dessus ?" (;OP)))
-> traduction de l'émoticon - je cligne de l'œil en tirant la langue et rigolant dans ma pseudo barbe -

On photographie (bien ?) en adaptant sa pensée à ce que l'on perçoit.

Après ... d'expérience ... à part ... les natures ... mortes ... et ... le X (Il y a ... très ... longtemps ... le deux), suivons le dit des moines aux pèlerins durant le Moyen-âge :
"A trop préparer son voyage, on ne part pas !"

"A trop percevoir sa photographie, on ne pense pas !", nous pouvons aussi commuter ces deux verbes, ici et après le quatrième a linéa.

Hors-sujet ?

A.

Qualis artifex pereo


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: mougin 
Date:   22-04-2009 17:29

Hej Hej Arne

Confus ! te répond le prof qui de plus ne comprend rien au Smiley. N'oublie pas que tu t'adresses à un retraité qui bat la retraite.

JCM


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: Michel Guigue 
Date:   22-04-2009 20:43

Peut-on, Monsieur le prof retraité qui bat la retraite, dans ta question-citations du départ, remplacer "penser" par "réfléchir" ou "gamberger", voire "élucubrer" ? ;-)) (*)

(*) ;-)) en langage clavier = sourire sympathique. Ici, sur galerie-photo, selon le nombre de )))) ((, ce peut être un sourire moqueur, concupiscent, bête ou appréciateur d'un bon jeu de mots.
M.G.


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: mougin 
Date:   22-04-2009 22:55

Monsieur Guigue

La question dont il est question ici (c'est ce qu'on appelle une problématique) est la phrase de Diane Arbus:

"Une chose n'est pas vue parce qu' elle est visible, mais au contraire visible parce qu'elle est vue".

Enfin Mr Guigue, sachez que tous les mots ne se valent pas, penser a pour origine le sens de peser, comme peser le pour et le contre, réfléchir suppose un retour sur soi, une intériorité. Pour gamberger et élucubrer, vous vous laissez aller.

Merci pour ce premier apprentissage du langage clavier. Je me désespère à l'idée de devoir encore persévérer.

Je vous souris sympathiquement sans ajouter aucune moquerie, ni bien sûr concupiscence.

Comment écrit-on rire jaune en langage clavier.

Bonne nuit Michel

Jean-Claude


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: AndGe 
Date:   23-04-2009 08:09

le petit coin de
la culture




 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: Henri Gaud 
Date:   23-04-2009 08:38

<<Le monde d'Henri Gaud, n'est sûrement pas celui que vous lui attribuez. Son monde à lui n'est pas manichéen, il est pour le moins tri et même polychrome.<<

;-)

Visitez le Blog de la Trichromie


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: Matthieu Gafsou 
Date:   23-04-2009 09:19

La solution n'est-elle pas dans le phénomène, à savoir, indépendamment de la chose en soi, dont on se fiche éperdument du statut in fine (ça évite pas mal de lectures pénibles), dans ce qui me point?

A savoir une forme de vérité perceptive complètement indubitable parce qu'elle est la mienne. Je suis d'accord avec Henri P. qui rappelle comment la perception est culturellement construite. Notamment par l'art. Certains croient toutefois à la possibilité d'une expérience authentique qui, avant (ou en même temps) que l'horizon culturel se manifeste, permet un rapport originel aux choses (Maldiney).

Donc la question posée par Mougin se déplace à mon sens. Le fait que l'entendement soit susceptible d'embrasser la chose a priori, du moins conceptuellement, cette préexistence de la forme, cet idéalisme platonicien, ne me semble pas si efficace parce qu'il élude l'émotion esthétique, première (à mon sens), qui est bien dans le phénomène et qui est à mon sens (mais cela est finalement très personnel) ce qui active le processus photographique, ce qui déclenche la volonté de représenter. A ce titre, la chambre me semble une pratique particulièrement riche dans la mesure où elle nous contraint à réaborder le sujet - tronqué - et cette expérience du verre dépoli devra confirmer la première intuition.

Quand Mougin dit à Henri qu'il est hors sujet, déplaçant la question de la perception à la photographie, je pense qu'on touche là le cœur de l'opposition de vues. D'une certaine façon le premier est un photographe de la ratio: le monde est avant tout dans ma tête, indépendamment de la perception. Le second photographie à l'épreuve du monde.

http://www.ph0.ch


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: Arne 
Date:   23-04-2009 12:34

Hej, hej,

.d[-_-]b.

"Une chose n'est pas vue parce qu'elle est visible, mais au contraire visible parce qu'elle est vue".

L'utilisation du mot "chose" est très réductrice et ce genre de phrase fait le bonheur des échotiers ... confus.

Vois-je, sens-je, ois-je l'invisible quand, en lisant "Le flacon", je vis (présent et passé simple) ce qu'il me remémore ?

Une image (simulacrum i n) ne montre jamais la cause, mais en appelle proustiennement (j'ose l'adverbe) à notre vécu, expérience, ressenti ... sinon elle n'est pas.

A.

Qualis artifex pereo


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: boring 
Date:   23-04-2009 13:33

On photographie ce que l'on voit… degré zéro de la photographie qui repose sur une croyance : la photographie renouvellerai l'expérience visuelle, autrement dit, ce que j'ai vu, je peux le revoir grâce à la photographie, et par extension, le montrer.

Demandez à n'importe quel croyant de cette espèce de vous montrer ses photographies. Demandez la même chose à un autre, ou plusieurs. Tant qu'il vous plaîra. L'expérience n'en sera que plus concluante.
Ceci fait, réunissez ces photographies, et commencez, pour chaque cobaye, à rechercher les invariants (les motifs qui se répètent, etc). Très vite, vous verrez apparaître, pour chacun, ce à quoi il accorde de la valeur, peut être même ses obsessions, en somme le monde tel qu'il le conçoit, tel qu'il le pense.

Simple illustration d'une chose bien connue : toute photographie est un auto-portrait.


"3/20 pour payer le papier", comme je l'ai souvent entendu à l'école.

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 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: marin 
Date:   23-04-2009 19:20

JCM sur le 1er post : Pour résumer on ne photographie pas ce que l'on perçoit mais ce que l'on pense.

On pourrait le dire différemment : ici se pose la question de la différence entre le regard et la vision, ou entre la culture et l'art, car au fond ce sont les mêmes antagonismes.
L'hypothèse perverse c'est le photographe qui travaille sur la perception. Nous avons un exemple en Thomas Ruff :
4 séries ont pour sujet la perception : zeitungsfotos, nudes, substrat et jpegs.
Son sujet l'a amené a abandonner la photographie en tant qu'opérateur.
Je vous laisse méditer.


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: mougin 
Date:   24-04-2009 15:33

N’étant pas chez moi hier pour toute la journée, ce n’est que tardivement que j’ai pris connaissances des dernières interventions sur le fil, je dois dire particulièrement intéressantes.

Avant de répondre à ces interventions permettez moi quelques considérations générales sur le forum, sa conduite, et les quelques accrocs qu’inévitablement il suscite. D’une part il n’existe pas ailleurs, à ma connaissance ,un forum sur la photographie dont le niveau intellectuel soit aussi élevé. Je ne parle pas pour moi qui suis dans les domaines que je fréquente qu’un amateur parfois amusé, mais des quelques « pointures et experts » qui régulièrement s’y manifestent et dont nous faisons notre miel. Nous sommes toujours assurés d’y trouver la réponse éclairée que l’on attend. Cette pluralité constitue une richesse inestimable et une nouvelle pratique de la démocratie et du partage des savoirs, qui progressivement introduit de nouvelles formes de sociabilité dont nous avons bien besoin et qui peut-être invente le monde de demain.

Maintenant un forum est un forum. Le forum ou l’agora grecque était bien ce lieu où à la fois se réglaient les problèmes de la cité, et où s’affrontaient les individus dans une sorte de jeu parfois cruel qui est celui de la lutte pour la reconnaissance Ce jeu ami-ennemi (agôn) est essentiel à l’existence de cette pluralité sans laquelle nous resterions idiots, au sens propre, replié chacun sur nous, sans rien avoir à dire. Intellectualisme, anti-intellectualisme, noms d’oiseaux, pitreries, échanges acerbes, chacun est assuré s’il lance une « patate », d’en recevoir une en retour. Une fois admis cette règle de simple réciprocité, il n’y a pas à se lamenter, et encore moins à dénoncer ce dont on est soi-même la cause. Admettons donc que tout peut être dit sur ce forum, à la condition que puisse s’exprimer ce dont il est fait débat.

Comme je ne suis pas le dernier à avoir lancé la première pierre, tout ce qui est rappelé ici est d’abord une admonestation que je m’adresse en priorité.

Revenons à notre sujet et tentons une rapide synthèse, pour clore ou rouvrir. Ce sera
selon, le débat.

La question posée, inepte dans son raccourci, « photographie-t-on ce que l’on voit ou ce que l’on pense » ? Le « ou » peut être exclusif, « ou bien, ou bien », mais pas nécessairement, m’a été suscitée par la curieuse découverte que D.Arbus lisait Platon, et avait pris en note, « Une chose n’est pas vue parce qu’elle est visible, mais au contraire visible parce qu’elle est vue », que Jacerme (philosophe patenté lui) traduit par « Une chose n’est pas vue parce qu’elle est visible…il faut comprendre visible de façon sensible,…. (perception) mais au contraire visible parce qu’elle est vue par l’âme qui saisit l’intelligible. On reconnaît là l’énoncé de l’idéalisme platonicien pour qui la connaissance est toujours une reconnaissance ou une réminiscence. On ne peut voir que ce que l’on a déjà vu, fût-ce d’un point de vue mythique, dans une vie antérieure. Cette conception qui sépare l’intelligible du sensible, et fait de la pensée, ce qui rend possible la perception, en même temps les tient sur le même plan « ajoute Jacerme ». Nous ne pourrions penser l’idée, nous la remémorer, si elle n’était pas présente par son éclat, par sa beauté dans la chose sensible que nous admirons. Si je vois une jolie fille, celle ci attire mon regard, au point que ce n’est plus elle que je vois mais l’idée, la forme, la beauté en soi vue cette fois par le moyen de l’âme, beauté éternelle, alors que la beauté sensible n’est que chair destinée comme le dit Beaudelaire à devenir charogne. Je vois une belle fille, mais c’est sa forme, pour rester grec on dirait ses mensurations qui me regardent et attirent mon regard.

( parenthèse : le mot idée en français, qui sous la forme d’intellectuel, intellectualisme est presque devenu une insulte, (ce à quoi on peut mesurer l’abaissement de l’époque qui ne sait plus honorer ni ses penseurs, ni ses poètes, mais ses présentateurs télé), vient du latin idea, qui traduit le grec eidos, qui désigne le forme, le moule dont on fait les fromages, mais aussi la figure, le visage, ce que l’on montre de soi au aux autres. Et ce que l’on veut monter de soi aux autres, et naturellement le meilleur.)

Venons en à quelques réponses prorposées sur le fil :

Ivandr : « C’est plutôt une question sur l’objet et le sujet ». Ce n’est pas faux, mais grandement réducteur. Sujet je suis objet, objet je suis sujet. Comme le disait Merleau ponty « Je ne vois que d’un point, mais dans mon existence, je suis regardé de partout ». Ce qui m’arrive justement sur le forum, où me plaçant sous le regard d’autrui, je suis assuré par conséquent de m’exposer à quelques risques librement consentis.

Giralt Boring : Chacun voit le monde à sa façon (pour Boring je caricature, la réponse est plus pertinente que cela), l’argument relativiste est recevable, c’est même un lieu commun, malheureusement, cet argument facile est faux par trop d’évidence, et de plus il évacue de façon un peu commode la question posée.

Henri Peyre : Il nous a proposé un corrigé type de dissertation, la réponse apportée du genre jeu de rôle se voulait humoristique. Tout le monde l’aura compris. Elle mérite néanmoins un plus ample examen. En effet l’allusion qu’il fait à la gestalt théorie va tout à fait dans le sens de ce que veut dire Jacerme et renforce la thèse disons innéiste de Platon. Percevoir ne consiste pas à enregistrer une image comme le ferait par emprunte une surface sensible. On ne perçoit que ce qui fait forme et d’une certaine façon nous regarde. C’est le forme qui me voit, je la repère, disons je la pense.

Il a été constaté que les animaux de Lascaux semblent sortir de la paroi, mettant en communication l’invisible que je ne peux que penser avec ce que je perçois. En particulier dans un des célèbres chevaux chinois qui semble tomber, le peintre du paléolithique à utilisé la courbure de la paroi pour mieux simuler la chute, comme s’il avait vu le cheval et sa chute dans la forme même de la paroi, avant même de la peindre.

La perception de ces formes est-elle culturellement acquise et ne voit-on que ce qu’on nous a appris à voir ? Ne voit-on que ce que l’on est capable de nommer ? Là où je ne vois qu’un un arbre, un forestier verra par exemple un chêne pubescent ayant atteint une maturité suffisante pour être abattu. Tout cela est d’évidence. Mais certaines formes qu’on pourraient dire universelles dépassent ce simple conditionnement culturel, je pense par exemple à la forme de l’amande qu’inscrit le chasseur acheuléen dans la fabrication du biface, forme qui n’est pas nécessaire à l’efficacité de l’outil et qui pourtant dès cette époque et pour un ou deux millions d’années se retrouve disséminée partout où la terre a été occupée. Cette même forme se retrouve comme symbole de la vulve dans l’art pariétal sous forme de mandorle de gloire, dans les tympans romans, dans la robe entrouverte de la Madone del Parto de Piero della Francesca. Cette prégnance de formes innées est l’un des mécanismes du comportement animal, c’est la perception de la tache rouge de l’épinoche femelle qui déclenche le comportement sexuel du mâle, les ocelles du papillon qui effraient le prédateur.( Roger Caillois « Meduse et Cie ». Cette figure des ocelles qui évoque la frontalité du regard, sont aspect fascinant, pétrifiant voire effrayant on la retrouve dans le caractère insoutenable du regard qui nous oblige à baisser les yeux, dans les yeux de la Gorgone ou de Méduse, dans le dernier autoportrait de Picasso fréalisé la veille de sa mort, les yeux en ocelles, regard effrayant, effrayé par la mort qui le regarde en face.

Venons en à la photographie et aux réponses particulièrement pertinentes qui ont été données hier par Marin et Mathieu Gafsou.

Comme dit Boring « on photographie ce que l’on voit… degré zéro de la photographie ». Tout le monde peut être d’accord là-dessus. Il suffit d’assister au mitraillage que permettent les appareils numériques, avec consommation immédiate des images. Dans ce sens va la remarque d’hier donné par Marin ou le photographe n’a même plus besoin d’être l’opérateur. La différence effectivement est entre perception et regard. Je perçois un objet. Je regarde, quelque chose qui me regarde. Ce qui me regarde, c’est cela le visible, en tant qui il est une idée, une forme, un visage, qui se manifeste mais en même temps se voile. Je ne choisis pas de voir ce qui me regarde. Cà me regarde, dirait un psychanalyste, et la rencontre de deux regards est toujours une sorte d’événement.

La réponse de Mathieu Gafsou, montre pour le moins qu’il a tout compris.

En particulier nous dit-il « la solution n’est-elle pas dans le phénomène, à savoir, dans ce qui me point. Cette expression reprend consciemment ou inconsciemment une expression de Roland Barthes qui lui sert à définir ce qu’il appelle le punctum. Or ce qui me point, me saisit, me fascine, me transit, me plonge dans ce sentiment d’étrange étrangeté, ce sentiment de jamais vu et de déjà vu, que Freud nomme unheimlichkeit est précisément cet objet qui comme le dit Lacan fait tache, et qui déjà là me regarde, comme la boîte de sardine regardait Petitjean (« Lacan les Quatre concepts fondamentaux de la Psychanalyse »)

« A savoir une forme de vérité perceptive complètement indubitable parce qu’elle est mienne ». Cher Mathieu tu énonces là une sorte de cogito cartésien. Mais le cogito chez Descartes qui est par définition le mien est aussi le tien. C’est même à cela que tient le privilège de la ratio. Or il se trouve que ce qui te point, tu parviens à faire que cela me point aussi, (pas nécessairement pour les mêmes raisons, raisons que sans doute nous ignorons de part et d’autre). Tu as la chance, plutôt le talent d’être un photographe qui a non pas une vision, mais un regard. J’ai le souvenir tenace d’une de tes images qui représentait un jeune homme sur un banc de nuit sous un réverbère. Selon moi cette image est l’exemple même de que veut dire Arbus, dans sa phrase. Elle me regarde, car je ne peux pas me l’approprier, elle m’impose ce que tu rapportes être un rapport originel aux choses (Maldiney), comme une sorte de paradigme de la solitude ( une idée platonicienne, une figure que justement ton art aurait rendu sensible), mais forme qui informe, au point d’être inépuisable, indigérable. C’est Godard qui fait dire à un petit garçon que la culture c’est de la merde, et il lui donne raison. Les images que l’on consomme sont prédigérées, et le lendemain matin elles sont au cabinet oubliées. Ta photo sur le banc, et d’autres sur la banlieue ( thème pourtant devenu quasi académique), (comme certains films ajouterait Godard), on ne les oublie pas. C’est comme si on les avait toujours déjà vues (la réminiscence de Platon). Irais-je, jusqu’à dire que cette image préexistait à sa prise. Est-ce une image de rencontre, ou a-t-elle été construite ? Je n’en sais rien. Fait elle partie de ces images qui nous sont données et qui décide d’un style ? Il n’y a que toi qui puisse répondre. Enfin ce que je rapporte là n’élude pas l’émotion esthétique, mais selon moi en est la cause. Les images que nous consommons sont de l’ordre de l’excitation, du stimulus réponse, sont de l’ordre de l’instantanéité et non du temps. Elle ne provoque aucune émotion qui perdure.

Tu termines ton intervention par une opposition entre Henri et moi. Elle est pertinente et dans la vie nous avons du mal à nous comprendre, différence d’âge, formations différentes. Mais comme on dit cela n’empêche pas l’amitié. J’apprécie les images d’Henri, et il m’a dit apprécier les miennes. Tu fais de moi un photographe de la ratio, soit, si tu fais référence aux images que peut-être tu as vues à Vevey, d’un formalisme digne d’un élève qui veut avoir une bonne note à sa dissertation, cela est vrai. L’exercice était de commande et je me suis appliqué à la satisfaire, pour un résultat dont ne tire aucune satisfaction. Mais il se trouve que si j’ai fait de la photographie en dehors de ma profession de prof de philo, c’est justement pour échapper à la ratio, du moins le pensais-je ? Mais sait-on jamais. Pour ce qui est de ma passion, je la placerais plutôt dans la recherche « sensations colorées » comme les appelaientt Cézanne (toute modestie gardée). Selon moi, peut-être qu’Henri te le confirmera, je suis plus un photographe (amateur) de la matière et de la sensualité que de l’idée. C’est ce que je dis, mais cela n’est peut être que la guise d’une ratio impénitente.

Qu’Henri place sa photographie à l’épreuve du monde, cela est sûr, que je n’aie pas une passion démesurée pour cette épreuve là, est vrai aussi. Ce en quoi je reste platonicien. Pour Platon, la beauté, l’art, (si l’on omet sa critique de la mimesis) sont l’épreuve nostalgique d’un monde perdu. Camus a écrit une très belle chose là dessus : « L’Exil d’Hélène »

Mais ce serait l’objet d’une autre discussion, d’une autre approche.

Mougin


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: lorac2402 
Date:   24-04-2009 22:21

Ce que l'on perçoit ou ce que l'on pense ?

Est il possible de penser sans percevoir ?
Est il possible de percevoir sans penser ?

Le penseur perçoit-il ?
Le percepteur pense-t-il ?

Est il pensable de photographier ce que je perçois ?
Que perçois-je quand je pense photographier ?
Perçois-je ma pensée quand je photographie ?

Le percepteur pense-t-il photographier ?
Le penseur perçoit-il la photographie ?
Le photographe pense-t-il percevoir ?
Le percepteur photographie-t-il la pensée ?
Le penseur photographie-t-il la perception ?
Le photographe perçoit-il la pensée ?

Dernièrement, j'ai reçu une lettre de mon percepteur dans laquelle il me disait penser à moi afin de convenir d'une entrevue; il désirait savoir si j'étais encore photographe...

L'envie me pris de lui répondre que pour un photographe penser et percevoir sont monnaie courrante.




 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: thierry73 
Date:   24-04-2009 22:37

Il est possible qu’elle accorde beaucoup plus d’importance au monde qu’elle aime voir et qui semble intéresser peu de gens de son entourage.

Différence de sensibilité et incompréhension du plus grand nombre.


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: fmahia 
Date:   25-04-2009 15:41

Vraiment réjouissants ces échéance sur un tel forum.
Je n'ai pas la culture de certains intervenants mais il me semble que l'art ou la beauté que Mougin décrit, avec l'aide de Platon, comme "l’épreuve nostalgique d’un monde perdu" serait plutôt l'épreuve, hors de portée de la pensée, d'une vérité sur notre propre nature. Une expérience que chacun d'entre nous peut vivre et reconnaître mais pas formuler. Je suis persuadé qu'elle est universelle, car nous la reconnaissons tous dans une œuvre majeure, mais je suis aussi persuadé que c'est en creusant au plus profond de soi dans ce que chacun pense avoir de plus singulier que nous pouvons l'approcher.
Heureux celui qui pourra photographier avec cet esprit de sincérité en se débarrassant de toutes les pensées incontrôlées qui l'assaillent. Ce qu'il photographiera ne sera pas le monde pré-mâché des concepts ou des perceptions qu'il connait déjà mais en faisant le vide, il ne restera plus que lui-même et sa photo ne témoignera de rien d'autre que de ça et cette chose,qui est lui, c'est aussi nous.
A chaque fois que je vois la production de photographes que j'admire mais qui sont à des années lumière de ce que je fais, je leur suis reconnaissant de me montrer cet autre aspect, qui m'est autrement insaisissable, d'une vérité sur ce que nous tous sommes.
Ils ne photographient pas ce qu'ils pensent ou perçoivent. Ils photographient ce qu'ils sont.


Franck



Site perso




 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: Arne 
Date:   25-04-2009 17:13

Hej, hej

?????

"Une photographie est un secret qui nous parle d’un secret, plus elle paraît explicite et moins nous sommes éclairés"

D. Arbus - citée par S. Sontag. Seuil-1979, "La Photographie".

A.

Qualis artifex pereo


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: mougin 
Date:   26-04-2009 13:53

Cher Frank

Merci pour cette intervention, très juste et selon moi très vraie. Il n'y a pas d'art là où l'intime ne rejoint pas l'universel, Ce que savent faire les grands créateurs comme Diane Arbus et qui sont à es années lumière de ce que nous faisons.

Mougin


 
 Re: Photographier ce que l'on per�oit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: luxi 
Date:   26-04-2009 14:49

L'oeuvre d'un photographe donne à voir sa perception du monde, sa sensibilité, sa construction intellectuelle, etc. En d'autre terme, je pense qu'il réalise un autoportrait. Il en va de même pour un romancier, un peintre...

Sébastien


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: mougin 
Date:   26-04-2009 20:05

Bien sûr qu'un photographe nous Dit toujours quelque chose de lui, mais la photographie est aussi un moyen de dépossession de soir, se "mettre à l'épreuve du monde" comme le dit si bien M. Gafsou, elle peut ouvrir à une existence au sens propre du terme (ek-sistere) se tenir hors de soi, car ce n'est que pour l'obsessionnel que la moi est une forteresse intérieur.

Mougin


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: fmahia 
Date:   26-04-2009 22:34

Le moi, l'ego me semble au cœur de cette problématique et bien au-delà de l'intime. L'autoportrait, difficile de l'éviter, mais comment le transcender, dépasser l'intime et toucher l'universel? Pas de recette: la perception, la pensée, l'une ou l'autre, l'une avant l'autre, tout et rien de de tout ça. A mon humble avis, en la matière, j'aurais tendance à considérer la pensée, l'intellect au même niveau qu'un sens tel que la vue. L'intelligence est alimentée par nos sens mais reste une "mécanique". L'œuvre photographique et toutes les œuvres d'art (d'ailleurs décrites comme "œuvres de l'esprit" par l'administration fiscale) ne me semblent pas issues de là mais de quelque chose d'ineffable qui nous est pourtant tous familière. Parler de soi n'a pas d'intérêt mais puisque cela semble inévitable, c'est par cette sorte d'introspection que certains grands artistes parviennent à nous toucher. Parce qu'ils ont dépassés leur propre égo en l'utilisant pour mieux le dissoudre dans ce qui nous est commun à tous mais que nous ne pouvons atteindre simplement. Parce que nous, communs des mortels, sommes empêchés à cause de la façon dont nous vivons avec notre propre égo. Il nous aveugle, nous épuise mais je pense que c'est en l'acceptant en cessant de lutter contre lui qu'il doit être possible de le voir s'effacer au profit d'une compréhension du monde plus large. Facile à dire...


Franck


Site perso


 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: Yves Viricel 
Date:   27-04-2009 12:46

Bonjour,
Vous avez bien phosphoré ce week end, et sans empoignades vigoureuses, deviendriez vous plus courtois en prenant de la bouteille ?
Ah pour sûr, toutes ces introspectives avant de déclencher vont nous faire produire des chefs d'oeuvre...
Ou alors le volume des ventes en argentique va en pâtir...

Très interessant ce fil et à vous lire, je ne peux m'empêcher de faire un rapprochement entre vos propros et l'art dit primitif. Si çà peut contribuer à ce fil :

Les sculpteurs hemba travaillaient sur commande et s'efforcaient de reproduire le trait de caractère le plus saillant, souvent la sagesse, d'un défunt qu'il n'avait, peut être, pas connu (Seuls les notables et dignitaires pouvaient se permettre une telle commande).
Il travaillaient donc, sur les descriptions du commanditaire, à être le plus fidèle possible. L'objet, pourtant très figuratif, doit susciter une évocation, une réflexion chez l'observateur. Qu'auraient ils faits avec une Deardorff dans les mains ? Ces statues (ces photos ?) ne representent pas ce qu'on voit mais ce qu'on est supposé venu chercher.

Peut être plus évident : les masques punu évoquent pour un observateur occidental une foule de sentiments certainement très éloignés des aspirations de son créateur. Le blanc est signe de deuil dans la plupart des sociètés "primitives" africaines et ces masques étaient sortis pour des rites à milles lieues de manifestations culturelles, concept inconnu de ces sociètés.

Ce sont les occidentaux qui ont décrétés que ces objets étaient des oeuvres d'art parce qu'ils y ont trouvé autre chose que la fonction pour laquelles ils ont été créés. D'ordre esthétique, bien sûr, mais aussi une fascination certaine quant aux résultas obtenus avec une telle économie de moyen. Picasso, Matisse (J. Chirac ?) et bien d'autres ne s'y pas trompés.

Avec leurs outils, ces"primitifs"
- perçoivent ils ce que nous pensons ?
- pensent ils ce que nous percevons ?

Qu'avons nous inventé ?

Même si leurs motivations initiales sont très éloignées, la démarche de Malick sidibé, sous une approche apparemment très objective et figurative n'était elle pas identique à celle de Diane Arbus, quant au résultat ? On y voit un peu plus que le sujet photographié.

Bon, j'retourne à mes cascades en poses longues, faut qu'je trouve un premier plan qui pète pour taquiner Sleimlemphlu...(p'tain)...flug.

Bonne semaine.




 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: Xavier R 
Date:   27-04-2009 18:54

Je photographie donc je suis.
D' ou la signature ci-dessous:-)))


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Si je photographie quelque chose, tant pis pour elle.
mon site



 
 Re: Photographier ce que l'on perçoit, ou ce que l'on pense ?
Auteur: Christophe Frot 
Date:   28-04-2009 14:43

"Nous construisons le monde, alors que nous pensons le percevoir " (Paul-Watzlawick, MRI, Palo Alto)

@+

Christophe

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