Auteur: Elios
Date: 30-09-2005 11:07
"pour moi une bonne photo est une photo qui nous a posé le problème du point de vue, une photo qui nous y a sensibilisé. Une photo qui nous a fait nous poser la question de qui on était, de ce qu'on fichait là, de ce que pouvait bien être cette chose incroyablement différente qu'on avait sous les yeux. Et de cette étrangeté capitale naît pour toute chose au monde un sentiment de respect profond. Un étonnement incroyable devant l'Etre, devant le fait incroyable que des choses soient là devant nous, et ne soit pas nous (aussi violemment)."
Henry, il me semble que vous êtes, par ce constat, dans celui de la possession.
Je ne crois pas, personnellement, que le photographe peut se détacher de son objet, pas plus d'ailleurs que l'homme ne peut penser par lui même... impossible à mes yeux. Tout travail, quel qu'il soit, est transformation et transformer c'est posséder.
Pour moi la libération du photographe, comme de tout artiste, comme de tout homme, s'inscrit dans l'acceptation de ce désir d'appropriation d'un monde non porteur de sens par la transformation de ce dernier en monde signifiant. L'homme apporte le sens au monde en le révélant... Le sens n'existe pas, selon moi, en soi, seul l'homme le porte... le monde est ce qu'il est parce que nous le percevons proprement et par là même nous révèle également : la projection induit de ce fait l'introspection.
Tout travail artistique débloque un travail sur la perception. Percevoir, c'est posséder, c'est recréer à son image le monde, introjecter du signifiant dans ce qui n'en a pas de prime abord. Comment détacher un homme de son émotion... l'art est la matérialisation de l'émotivité, la photographie n'est que son prolongement, quel que soit le sujet.
La seule arme du photographe pour se prémunir d'une confusion à son objet ?... l'accepter. Devenir ce que l'on est et l'accepter est un chemin difficile... l'art est là pour nous y aider, le monde pour nous offrir la joie de nous y contempler. Autrui ne peut être un élément susceptible de nourrir la création que si il nous renvoie à nous même : l'homme ne fait rien, il me semble, gratuitement... son narcissisme est simplement magnifiquement créateur. La limite de l'homme ne s'arrête que là où elle se fixe et elle est toujours une manifestation égotique... à moins d'être Jésus.
J'aimerai pouvoir être au delà de la possession, de la projection... mais j'ai l'intime conviction qu'en révélant le monde, nous ne faisons que nous y refléter.
Elios, alias l'ennuyeux.
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