Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 14-09-2005 19:13
Le décompte des pixels équivalents est un l'un des sports favoris sur galerie-photo. Depuis que le forum existe nos discussions ont accompagné la montée en puissance de l'image numérique amateur et professionnelle, il n'est donc pas inutile de refaire un peu l'historique de ces réflexions et de ces discussions.
Au départ, il était évident que l'image numérique avec ses maigres pixels n'avait aucune chance en qualité par rapport au moindre bout de film. On effectuait alors le décompte de la façon suivante, qui s'est avérée être trop optimiste par la suite.
On part de la période limite discernable sur le film dans l'image d'une grille très fine. Par exemple si on dit que le film passe 100 paires de lignes par mm ou 100 cycles par millimètre la période limite discernable est de 10 microns, un ebarre blanche de 5 microns plus une barre blanche de 5 microns adjacente. Ensuite on fait appel au théorème d'échantillonnage dans sa version bi-dimensionnelle, une approche connue dès les années 50 (voir par exemple les traités de référence de MM. Maréchal & Françon, nos bons maîtres).
Si les 100 pl/mm sont effectivement la limite ultime discernable, alors ce théorème dû initialement à Shannon pour l'électronique nous dit qu'il faut échantillonner l'image avec une période deux fois plus fine que la période limite, soit une grille d'échantillonnage au pas de 5 microns. Il faut deux points d'échantillonnage par cycle, un point pour la barre blanche et un autre point pour la barre noire.
À partir de là il n'est pas difficile de calculer le nombre de points d'échantillonnage dans cette grille. Je précise que c'est le pas d'échantillonnage qui compte c'est à dire pour un capteur matriciel en silicium sur réseau rectangulaire la distance centre à centre entre les pixels, chaque pixel étant le plus souvent (sauf chez le tri-couche Sigma® dont on n'entend plus parler) un petit damier 2x2 avec un bleu, deux verts, et un rouge qui occupent chacun une petite portion de la surface du pixel. Pour l'instant la dimension effective des ces petits détecteurs colorés ne nous importe pas, c'est juste la périodicité de l'échantillonnage qui compte.
Donc en partant de 100 pl/mm pour notre film hypothétique mais pas irréaliste, par centimètre carré de film le nombre d'échantillons nécessaires à enregistrer numériquement l'image sans perte est donc par centimètre carré de 2000x2000 pixels au pas de 5 microns soit 4 mégapixels par centimètre carré. Fois 8,6 cm2 pour le 24x36 nous donnent 34 Mpix, fois 31 cm2 pour le 6x6 nous donnent un faramineux 125 Mpix ; quant au plan film 4pox5po à 94x120mm on atteint 450 Mpix.
Donc les amateurs de films dormaient tranquilles, car le temps que les 34 Mpix soient atteintsen 24x36, l'eau coulerait sous les ponts et l'hyposulfite dans les labos, du moins le pensait-on.
Or les choses sont allées bien plus vite. D'abord on en est en 2005 à 16 Mpix en 24x36 et à 49 Mpix en 4,5x6, plus les dos à balayage à 10000 points dans la largeur de 10cm environ ; d'autre part il est apparu que les estimations du décompte théorique étaient trop optimistes.
Non pas que le théorème d'échantillonnage soit faux, ni que les 100 pl/mm du film soient impossibles : certes pas, le film gigabit® est crédité de plus de 500 pl/mm. Quant chez Carl Zeiss on mesure des résolutions optique + film qui dépassent 150 à 200 pl/mm en moyen format, c'est du sérieux. Non, la question est celle du bruit de numérisation du film utilisé dans un chaîne graphique numérique, c'est à dire 100% des métiers de l'imprimerie si j'ai bien retenu la leçon de Henri Gaud. En effet chercher un nombre de pixels équivalents suppose qu'on va numériser le film et comparer dans la même moulinette finale des épreuves issues au départ des deux technologies. Là, le film révèle sa faiblesse, c'est à dire son bruit de granularité qui rend illusoire les scans de film à plus de 3000-4000 points par pouce.
En pratique un nombre raisonnable de pixels pour une diapo 6x6 scannée c'est de l'ordre de 30 Mpix c'est à dire un pas de grille de 10 microns. à cette qualité là l'image sur film est déjà handicapée par son bruit, mais cela reste imperceptible. Ce qui donne une estimation plus réaliste pour la photo couleurs à 30 Mpix les 30 cm2, c'est facile à retenir, le chiffre de base c'est 1 Mpix au cm2. Tiens tiens, appliqué au 24x36, je trouve 8 Mpix, c'est à dire le nombre de pixels des reflex numériques actuels qui satisfont pas mal d'amateurs exigeants. Mais non erreur : c'est 8 Mpix en demi-format 15x24mm !!
Allez, on a été trop pessimiste, remontons la barre d'un facteur 2, et disons : 2 Mpix au cm2, dernier prix. Ceci nous mène aux 16 Mpix des meilleurs appareils numériques plein format 24x36, et là, il n'y a plus à discuter, le film s'incline... mais à cause du bruit, de la maîtrise colorimétrique, du gain de productivité dans la chaîne graphique numérique, etc... plus que par manque de paires de lignes. En d'autres termes : des paires de lignes, certes, il y en a, mais sont-elles vraiment lisibles et comment les exploiter ?
Au passage on trouve une loi empirique évoquée ici et pas encore démentie par les faits : à qualité d'image égale, il suffit d'une surface de silicium moitié de la surface de film nécessaire à obtenir la même qualité d'image par numérisation du film. En d'autres termes le 24x36 16Mpix silicium égale le moyen format 4,5x6 scanné, le 4,5x6 silicium égale le 6x9 scanné et commence à titiller sérieusement le 94x120 !!
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