Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 13-09-2005 09:01
Dans une chambre monorail, il faut comprendre qu'il y a redondance des mouvements entre le corps avant, le corps arrière, le placement du trépied et les trois axes de rotation de la tête qu'elle soit « rationnelle » avec les trois axes bien séparés ou rotule avec mouvement panoramique (comme le fait dire Laurence Sémonin à son personnage, la-Madeleine-Proust-qui-reste-aux-Gras-vers-Morteau : « Je préfère le petit Robert au petit Larousse, parce qu'il a les parties bien séparées »).
Certes, l'amplitude des coulisses longitudinales, plus le choix du lieu du pincement du rail sur le support (pas pour la misura où le lieu de pincement est fixe) ne peut pas remplacer le placement de trépied ! mais pour les petits mouvements de translation, c'est équivalent.
Pour la rotation, il faut admettre qu'il y a également redondance entre les rotations de rotule de pied et les bascules lorsqu'on les combine avec les différentes translations des corps soit en long soit en décentrement. Ce qui est déroutant dans la prise de vue d'architecture à la chambre c'est qu'il faut essayer d'oublier la manière traditionnelle d'utiliser un appareil dépourvu de mouvements.
Dans un appareil ordinaire, on cadre, on se dit « zut, vl'a mes fuyantes qui fuient, les copains de galeri-photo vont rigoler ». Alors muni d'une chambre, sans changer ses habitudes, on cadre en pointant l'axe optique vers là où il faut, puis on bascule le dos. C'est la manière la plus simple. Bien décrite, à juste titre dans les livres de photo grand format, il n'y a pas forcément à redire, sauf que les bons livres disent également que pour la vue de façades, le plan de l'objectif devra être parallèle au plan de la façade et au plan image si on veut avoir la netteté partout. Donc décentrement seul, pas besoin de bascules.
Lorsqu'on sait qu'on veut garder les verticales parallèles sur l'image, l'autre façon de faire consiste bien évidemment à choisir le point de vue en premier, donc le placement de chambre, puis la focale de travail, mais avec la chambre réglée de façon que le film reste paralèlle aux plans qu'on veut imager. Pour une vue sans décentrement latéral, pas de souci avec la misura, tout à zéro, puis on décentre. Déjà en procédant ainsi on est parti d'un cadrage qui ne donne pas tout l'objet, le cadrage se fait par décentrement vertical, le mouvement le plus simple, tellement simple qu'on se demande comment on a pu vivre « sans » pendant des années ;-)
Maintenant je sais à quelle page du Groulx vous vous référez, c'est l'une de mes préférées, le fort décentrement latéral pour éviter le réverbère devant un édifice qui, s'il n'était pas à Montréal, a tout de même de fortes chances de se trouver du même côté de l'Atlantique que le Boulevard-René-Lévesque ;-);-).
Là c'est plus compliqué avec la misura, il faut démarrer avec le plan du film parallèle au plan de l'édifice en se servant de la rotation au niveau de la rotule (pour placer le film parallèle à la façade) puis des décentrements combinés, mais axe optique et rail à l'horizontale, pour arriver au cadrage final en partant d'une position pour laquelle on voit à peine le sujet pointer son nez !!
Pas du tout intuitif, j'en conviens, et surtout, la technique traditionnelle « pointer, puis basculer » ne va plus.
Mais vous avez maintenant en mains le soufflet de la misura, sans aller jusqu'à le soumettre à la torture, vous savez qu'il vous en donnera beaucoup.
L'idée est que dans ce genre de vues extrêment décentrées, vous buterez sur la limite du cercle-image de votre objectif avant d'avoir atteint les butées dea mouvements de la misura, qu'elles viennent de la mécanique ou du soufflet. Néanmoins, et le constructeur n'en fait pas mystère, pour les vues de studio à bascules complexe, le photographe sera plus à l'aise avec la redondance classique avant/arrière d'une monorail... classique.
En résumé, la seule chose qu'on ne puisse pas faire avec une misura c'est un décentrement indirect, pointer le rail, puis redresser les deux corps. On en peut pas non plus faire comme dans les manuels de Saint Ansel, pencher le rail, régler un Scheimpflug pour le rocher strié en premier plan, puis redresser le dos pour que les moufles droites & gauche à Monument Valley aient leurs verticales bien parallèles ;-);-)
Je cède la parole à Guillaume P. qui peut nous dire avec le recul de son expérience le nombre de fois où il a buté sur les limites des mouvemenst de la misura avant de buter sur les limites de cercle-image des ses objectifs ;-);-)
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