Auteur: Vincent Ziegler
Date: 15-04-2003 09:29
Bonjour,
Je vous livre le texte d'origine que j'ai écrit il y a quelques mois, suite à cette discussion.
Vincent
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Focale « standard » et restitution de l’espace en photographie paysagiste
Mon intérêt pour la restitution de l’espace a commencé avec un regard critique et ennuyé sur les photographies panoramiques de Plisson : j’avais toujours le sentiment d’étouffer, pas sur le champ horizontale de l’image où l’œil peut vagabonder librement, mais sur le champ vertical.
Postulats de départ
* L’objectif avoué de ce genre d’images est d’offrir la plus grande largeur possible aux regards du spectateur. Pour comprendre la suite de mon argumentaire, Il faut admettre le postulat suivant : en photographie paysagiste, on recherche impérieusement à traduire une sensation de sérénité semblable à celle que l’œil humain peut procurer au cerveau. Or, on sait que les objectifs grands-angles ne sont pas les mieux adaptés pour exprimer ladite sensation de sérénité. La question reste donc entière : comment montrer la plus grande largeur possible sans basculer dans le caractère « agressif » du grand-angle ?
* Par focale « standard », il est convenu de définir un objectif produisant une image où les perspectives sont comparables à celles de l’œil humain. Précisons encore : une perspective « humaine » respecte les proportions entre premier-plan et arrière-plan. Ainsi le télé-objectif rapproche-t-il l’arrière-plan du premier plan et le grand-angulaire l’en éloigne-t-il. Voici donc les problèmes respectifs du grand-angle et du télé-objectif.
* Qu’ils soient médecins ou physiciens, les spécialistes de l’œil humain sont d’accord pour dire que son aptitude à « balayer » un champ horizontal est plus grande que pour un champ vertical. Il suffit de bouger les yeux de bas en haut : c’est flagrant, l'effort musculaire est plus important.
Intérêt des appareils panoramiques (non rotatifs)
On peut, dès lors, entrevoir l’intérêt des appareils panoramiques (non rotatifs). Leurs objectifs grands-angulaires sont orthoscopiques : il n’y a donc quasiment aucune déformation hyperbolique sur les lignes horizontales. L’étroitesse du champ vertical permet, quant à elle, de ne pas montrer un premier-plan sans mesure avec l’arrière-plan : on peut ainsi rester au plus proche d’une sensation « humaine » malgré un très large champ horizontal.
Théorème de Pythagore ?…
Il est également convenu de calculer la focale standard d’un format de cliché en appliquant le théorème de Pythagore. C’est donc la diagonale du format qui déterminera la focale dite « standard ».
C’est ici que j’émets de sérieuses réserves. Il existe des appareils panoramiques à projection circulaire capables de reproduire un champ horizontal de 360 degré. Si l’appareil est un 120, on obtient donc un cliché de 50 mm par 380 mm (Alpa Rotokamera). Raisonnons par la caricature : que voudrait dire la notion de focale « standard » si l’on appliquait le théorème de Pythagore sur un tel cliché ?! …
Perspective humaine et carré centripète
Nous voici donc au cœur du sujet. Je repose le cadre car je pense, qu’à ce stade, le lecteur commence à se déconcentrer : il s’agit de reproduire la sensation de sérénité et de naturel en photographie paysagiste. Tout ce qui va suivre n’aurait donc plus le moindre sens si l’on oubliait les trois postulats de départs : n’hésitez donc pas à les relire.
Il me semble dès lors plus convenable et plus cohérent de définir la focale « standard » sur la base d’un carré. Reprenez-donc l’exemple du panoramique sur 360 degrés !…
Il me faut, avant de poursuivre mon argumentaire, définir d’autres bases d’accord avec le lecteur :
* On utilise 3 genres de cadrage : le carré, le cadrage « à l’italienne » (horizontal) et le cadrage « à la française » (vertical) ;
* C’est sur le champ vertical de l’image que les notions de premier-plan et d’arrière-plan sont les plus accusées.
J’explicite à présent sur l’exemple du 24x36. Une fois encore, entendons-nous bien : nous souhaitons observer une perspective proche de celle donnée par l’œil humain, autrement dit une perspective où les proportions entre premier-plan et arrière-plan sont respectées, notamment sur le champ vertical.
La focale « standard » commerciale du 24x36 est de 50 mm. Si l’on applique le théorème de Pythagore à ce rectangle de 24 mm par 36 mm, on trouve une focale de 43 mm. Ça n’est ni l’un ni l’autre !
Cadrez « à la française » et votre champ vertical est de 36 mm. Il faut donc appliquer Pythagore sur un carré de 36 x 36. La focale « standard » est alors de 50 mm.
Cadrez « à l’italienne » et votre champ vertical est de 24 mm. Vous appliquez les mêmes principes et trouvez une focale de 35 mm (arrondie)…
… Qu’en concluez-vous ?
* Premièrement, on peut convenir qu'il n’y aurait pas 1 focale « standard » mais 2 (selon que l’on cadre « à l’italienne » ou « à la française ») ;
* Deuxièmement, le calcul de la focale « standard » se fait sur la base du champ vertical.
Un dernier exemple, celui des appareils moyen-format (dont la hauteur de cliché est exactement de 56 mm) : Quelle sera donc la focale « standard » pour un cadrage « à l’italienne » sur les formats suivants ? :
6x6 80 mm
6x7 80 mm
6x8 80 mm
6x9 80 mm
6x12 80 mm
6x17 80 mm ! … on est bien loin des 180 mm annoncés comme « standard » !
Voilà pourquoi, entre les 6x17 orthoscopiques respectivement fabriqués par Fuji (GX 617) et Linhof (Technorama), ma préférence va à Linhof qui propose un objectif de 72 mm. Fuji se contente d’un 90 mm qui, compte tenu de tout ce que je viens d’expliquer, compresse un peu trop les perspectives… on est pas assez dans le sujet et on aurait ainsi une sensation de « manque » sur le champ vertical…
Enfin, la prestigieuse marque Alpa a doté son 120 « Rotokamera » (panoramique à projection circulaire) d’un 75 mm. Comme c’est étrange ! …
Pour conclure, notons que ceci fournit une base de réflexion est n'est pas à prendre au degré le plus absolu : on peut en effet s'accorder une « marge de manœuvre » dans le choix de sa focale pour traiter la photographie paysagiste : tout cela dépend de beaucoup de paramètres, parfois objectifs, souvent subjectifs...
Vincent Ziegler
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