Auteur: Jean-Louis Llech
Date: 15-03-2005 11:45
P-P,
Pour faire des photos en "routard", je ne vous conseillerais pas le Hasselblad, pour plusieurs raisons :
1°) je ne pense pas - n'y voyez aucune critique ni moquerie - que vous soyez bien familiarisé avec la photographie. Certaines de vos questions le laissent pressentir.
2°) Acheter un Hasselblad, pour commencer, non pas dans des conditions normales, à proximité du domicile et de conseillers ou de magasins qualifiés me semble un peu aventureux :
Si vous n'avez pas l'habitude de vous servir de ce genre d'appareil, les risques de mauvaises manipulations sont assez fréquents, et le plus souvent provoquent des blacages qui nécessitent un retour au SAV.
On me dira qu'on arrive assez facilement à débloquer un Blad "jammed", mais ce n'est pas toujours évident pour un débutant.
3°) Si vous investissez dans ce genre de matériel, en trekking ou même comme routard dans des pays lointains, et s'il tombe en panne, vous devrez vous trimballer quelques kilos de matériel devenu totalement inutile dans le sac le reste de votre voyage, sans compter le moral dans les chaussettes.
Donc je verrais plutôt un appareil aussi simple que possible, solide, increvable, comportant le minimum de pièces.
Par exemple, aurez-vous besoin réellement de plusieurs magasins interchangeables ? Si non, pourquoi prendre un appareil avec dos amovible ?
Je pense à trois séries d'appareils :
1°) Les deux "frères Fuji" : Fuji GW 690 et GSW 690. Deux appareils quasiment identiques, avec objectif fixe, de focale 90mm pour le premier et 65mm pour le second.
Objectif et dos fixe = moins de complications dans les liaisons objectif-boîtier et dos-boîtier. (Au passage, pas de problèmes de poussière).
Pas d'électronique, donc pas de pile.
Vous emportez juste les deux appareils, toujours chargés et prêts à l'emploi. Ils sont simples à utiliser, et très robustes. Une cellule à main, les deux boîtiers, et vous avez tout ce qu'il vous faut.
2°) Le Pentax 67, avec deux ou trois optiques. Celui-là aussi est un boîtier increvable, sur lequel les pannes sont rares. Pas de dos interchangeable, donc aussi une source d'ennuis en moins. Vous pouvez l'utiliser avec un prisme posemètre.
3°) Le Mamiya 7 ou le 7-II, également avec trois optiques. Léger, c'est le boîtier qui se fera le plus facilement oublier dans un sac à dos. Il est facile à utiliser et fonctionnel.
Côté pannes, je n'ai que très rarement entendu parler de problèmes avec cet appareil.
Mais dans la gamme de prix, on monte beaucoup plus haut qu'avec les précédents.
Bien évidemment, il faut bannir tous les appareils numériques, parce qu'ils sont trop esclaves de l'électricité et de l'environnement informatique, et que dans certaines conditions d'humidité ou de froid, ils réagissent moins bien que les appareils argentiques. Et les pannes électroniques seront encore plus difficiles à réparer là où vous vous trouverez.
4°) Je vous suggèrerais aussi des appareils ex-soviétiques, comme les Kiev, les Arax ou les Hartblei. Ce sont des copies soviétiques des Hasselblad ou des Pentax, avec des objectifs d'honnête qualité.
En plus, ce sont des appareils qui ne vous pousseront pas au suicide par désespoir si l'un d'eux tombe au fond d'une rivière.
- Un Arax 60 MLU (qui ressemble au Pentax 67) avec objectif de 80mm, prisme à cellule coûte 300 dollars.
- Un Arax CM-MLU (qui ressemble à un Hasselblad) avec objectif, prisme et dos interchangeable 600 dollars. Donc très abordables côté prix.
Les Arax et les Kiev sont fabriqués en Ukraine, et pour partie... aux USA. Les Hartblei... un peu partout..
Voila les adresses des sites. Comme on dit, un coup d'oeil ne coûte rien :
- Site ARAX Cameras
- Site Kiev Cameras
- Site Hartblei
Le problème est que du fait de leur apparence et leur finition assez rustiques, on pourrait croire que ce sont des appareils increvables, de vraies charrues.
Il semble pourtant que leur fiabilité et leur solidité ne soient pas aussi établies que cela.
Par contre, dans les pays que vous venez de citer, en Mongolie ou en Sibérie, je serais très étonné si vous ne trouviez pas quelques magasins ou ateliers en mesure de les réparer et d'avoir des pièces détachées.
En effet, ces appareils ayant constitué (du moins leur père à tous, le Kiev) pendant des dizaines d'années le pain quotidien des photographes soviétiques, ils sont connus et réparables même et surtout aux confins de l'ex-URSS.
En outre, - mais il faut aussi envisager cette situation - on aura probalement moins envie de vous voler un Kiev 88 ou un Arax 60 dans ces pays qu'un Mamiya 7-II, un Pentax 67 ou un Hasselblad 500.
Très honnêtement, si je devais voyager dans des conditions difficiles ou dans des pays "à risque", j'envisagerais très sérieusement de m'équiper complètement en Arax, qui sont les plus modernes des trois, ou, plus probablement en Pentacon Six.
Qui plus est, ils ont en partie bénéficié pour les objectifs de l'expérience des usines Zeiss Est-allemandes de Jena qui n'avaient pas grand chose à envier à leur homologue de l'Ouest.
5°) J'ai gardé le meilleur pour la fin : le Pentacon Six.
Là ce n'est plus un produit ex-soviétique (dont la rusticité et la qualité fluctuante sont connues), mais un produit de l'industrie de l'ex Allemagne de l'Est, avec des exigences de construction et de finition nettement au dessus des produits soviétiques.
Le Pentacon Six est un moyen format 6x6 à magasin fixe et objectifs interchangeables.
Il a été construit de 1950 à 1990 en RDA, et équipé avec des objectifs Carl Zeiss Jena ou Pentacon, du 30mm au 1000mm.
A titre d'exemple, un Pentacon Six équipé de quelques uns des objectifs suivants :
- Carl Zeiss Jena MC Flektogon 50mm f/4
- Carl Zeiss Jena MC Biometar III 80mm f/2.8
- Schneider MC Tele-Xenar 150mm f/4 ou
- Carl Zeiss Jena MC Sonnar 180mm f/2.8
- Schneider MC Tele-Xenar 250mm f/5.6
n'aurait pas grand chose à envier à certaines grandes marques.
Voici le site internet du Pentacon Six.
Globalement, des appareils de ce genre permettent de faire de très belles photos tout en réduisant les problèmes dus à l'inexpérience, à l'électronique, ou à la sécurité dans les pays visités. En plus, ils permettent de s'équiper à un moindre coût, tout en ayant du bon matériel.
Il vaut mieux ramener des photographies peut-être un peu moins belles (et encore, j'ai vu de magnifiques clichés faits avec ces appareils) et mon matériel entier, que de revenir avec la moitié du matériel volé ou en panne et de ne pas avoir pu faire la moindre photo pendant la moitié du voyage.
Si vous débutez en photographie, vous pourrez vous faire la main pour bien moins cher qu'avec des moyens formats occidentaux, avec des appareils offrant beaucoup de possibilités.
Et rien ne vous empêchera par la suite, quand vous aurez acquis de l'expérience et que vous connaitrez mieux la photographie en moyen format, d'évoluer vers des matériels plus "prestigieux".
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