Auteur: Jean-Louis Llech
Date: 08-03-2005 10:04
Monsieur Martin,
quand vous dites "pas de consommateur = fini la machine économique", vous commettez à mon sens un contresens. Certes, en théorie, vous avez raison. Pour fabriquer, il faut vendre.
Mais expliquez moi alors pourquoi la fabrication de chômeurs est en passe de devenir la première activité industrielle en France ?
J'ai toujours pensé que quand on créait un chômeur, on tuait on consommateur.
Alors expliquez moi pourquoi on n'a jamais autant vu de fermetures d'usines, de délocalisations, de plans sociaux. Je vis en Picardie, et la région est en passe de devenir une friche industrielle.
On cherche à fabriquer au moindre coût, et la première cible est le coût social.
Les entreprises se repositionnent vers les marchés émergents, la Chine, l'Asie en général, les pays de l'ex-sphère économique soviétique. Naturellement, on laisse comme d'habitude l'Afrique sur le bord de la route.
C'est là que réside l'erreur de votre raisonnement : les entreprises se moquent totalement de la nationalité de leurs clients, tant qu'ils peuvent trouver des clients.
Et oui, les actionnaires régissent le marché, et c'est vers eux qu'est tournée la logique économique, parce qu'ils représentent le nerf de la guerre économique, les capitaux.
Les gestionnaires des fonds de pension ne recherchent que le profit de leurs employeurs, à savoir ceux qui ont placé leur argent et qui demandent une seule chose, que cet argent leur rapporte le maximum dans le minimum de temps.
C'est peut-être une logique aveugle, certainement même, mais plus personne n'a de raisonnement économique à longue échéance.
Peu importe ce qui se passera dans dix, vingt ans. Il faut qu'en 2005 on fasse 15% de plus qu'en 2004. Pour 2006, on verra. On pilote à vue. On va droit dans le mur, et tout le monde le sait. Mais comme on n'y est pas encore, en attendant, on accélère.
Personne n'a le temps ou l'envie de faire du sentiment. La carrière d'un PDG dépend de l'humeur de ses actionnaires.Un PDG est un produit jetable. Il y aura toujours quelqu'un pour prendre sa place s'il ne donne pas satisfaction.
Le client, le consommateur sont devenus une donnée économique, une matière première comme une autre.
Peu importe qui est le client à qui on vend les produits, pourvu qu'on vende. S'il est plus juteux de vendre aux Chinois, on vendra aux Chinois.
Si 300 ouvriers français sont un obstacle pour augmenter le rendement des placements, on licencie, on ferme et on va en Hongrie.
Quand le coût de la main d'oeuvre hongroise ne sera plus rentable économiquement, on ira en Malaisie.
Quand on a le nez collé dans le guidon, on voit le prochain virage, on ne relève pas la tête pour voir plus loin, parce que si on relève la tête, on ralentit.
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