Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 10-09-2004 13:18
Philippe Cas a parfaitement expliqué les conséquences de l'effet Callier.
Callier, André, 1877-1938, Belge. Prix nobel de Physique. Effet Callier 1909. d'après : cours de M. Thierry Fumey, http://www.cepv.ch/annuaire/profs/fumey/biogtech.htm
Pour le tirage à l'agrandisseur et en pratique il suffit de savoir les quelques configurations types des différents procédés de tirage. On peut néanmoins ajouter quelques mots sur l'origine de l'effet.
Au départ il faut reprendre la définition de la densité optique ou de l'opacité d'un film argentique traditionnel. On peut imaginer quatre combinaisons d'éclairage et de détection qui a priori donnent des valeurs différentes. Pour l'instant on cherche à faire une mesure point par point avec un détecteur comme un densitomètre, pas à faire une image.
On peut éclairer le film avec une lumière parfaitement parallèle, sous un angle donné, pas forcément perpendiculaire à la face du film d'ailleurs, et détecter avec une sphère intégrante toute la lumière qui sort même la lumière diffusée. ceci donne la config : dirigé->diffus.
À l'extrême inverse on peut éclairer avec une boîte à lumière très diffuse et détecter avec un système optique qui trie les rayons seulement sous un certain angle. La façon la plus simple de faire ce tri angulaire est de placer un diaphragme dans le plan focal d'une lentille qui regarde le film et placer le détecteur derrière le diaphragme. ceci donne la config : diffus->dirigé.
On peut également imaginer des autres configs, diffus->diffus et dirigé->dirigé.
Entre diffus->dirigé et diffus->diffus on ne va pas mesurer la même densité, parce la lumière étant diffusée dans le film sous l'effet de la granularité, détecter de façon dirigée revient à ignorer pas mal de rayons qui sortent effectivement du film mais qui n'arrivent pas au détecteur. Le détecteur qui ne peut pas savoir, croit que le film est plus absorbant qu'il se serait si on pouvait capter tous les rayons diffusés.
Si le détecteur est en fait un papier sensible, soit en contact avec un film soit sous un agrandisseur, on peut considérer que les halogénures d'argent ont la capacité de détecter tout ce qui tombe sous tous les angles, resterait donc a priori les configs dirigé->diffus et diffus->diffus. Mais en pratique sous un agrandisseur, les rayons tombent de façon assez dirigée sur le papier parce que l'angle sous lequel on voit le diaphragme depuis la planche de l'agrandisseur est assez petit, quelques millimètres vus à quelques décimètres. De plus les rayons qui peuvent passer dans l'objectif d'agrandisseur après avoir traversé le film n'ont pas le droit d'être rasants ! Donc méfiance, seul le tirage contact a la capacité de capter tous les rayons qui sortent du film même les plus rasants....
La conséquence simple est que par contact, le papier reçoit plus de rayons, et il se dit : tiens mais ce négatif est bien pâlot, puisque je recois beaucoup de lumière ! la prochaine fois, mettez-moi un négatif plus dense et plus constrasté !!
Ce qu'on peut dire néanmoins à l'agrandisseur, c'est que même en bord de champ la sensibilité du papier ne bouge pas si les rayons sont plus inclinés. En revanche la quantité de rayons qui tombe par cm2 est plus faible en bord de champ d'agrandisseur, c'est un autre problème (le cos^4 (theta)).
Bref l'idée est que l'opacité d'un film, telle qu'on va la juger sur le tirage final dépend de l'agencement de l'éclairage et de l'éventuelle conjugaison optique qui forme l'image, sachant qu'au niveau du papier on prend tout ce qui tombe dans un cône d'angle faible à l'agrandisseur, tout ce qui tombe sous tous les angles par contact.
À chaque type d'éclairage, diffus par grille fluorescente ou dépoli, lampe opaline semi-dirigée ou lampe ponctuelle très dirigée (ex : pour lire des microfilms), on aura des densités effectives et donc des contrastes finals différents. Donner la densité d'un film sans préciser les conditions d'éclairage et de détection est potentiellement source de malentendus.
Maintenant, pour les passionnés de l'image de haute performance, il faut savoir que l'effet Callier sur les densités est une chose, mais qu'il y a aussi un effet sur la granularité de l'image.
C'est très subtil, on pourrait dire en d'autres termes qu'il y a un effect Callier sur la valeur moyenne (la densité effective, effet classique) et un effet sur les fluctuations de densité, ou sur l'écart type des fluctuations mesurées dans l'image. Ce deuxième effet n'a été élucidé et modélisé correctement que dans les années 1980 en particulier par les chercheurs de l'Institut d'Optique d'Orsay (P. Chavel et S. Lowenthal).
Hélas à cet époque le numérique était déjà en train de grignoter l'imagerie de haute performance chez les scientifiques, je doute qu'il y ait eu beaucoup de travaux sur le sujet par la suite. Mais pour résumer, la granularité RMS d'un bon film N&B ne se conserve pas telle quelle dans l'image agrandie, le type d'éclairage et le type de tirage utilisé modifie profondément cette granularité. Lorsqu'on dit qu'on voit le grain dans un très bon tirage regardé au "scoponet", en fait, et c'est difficile à quantifier à l'oeil nu, on voit un bruit de granularité qui est différent du bruit RMS mesuré directement sur le film avec le microdensitomètre de référence et sa fente ronde normalisée de 48 microns.
|
|