Auteur: Henri Peyre
Date: 04-07-2004 09:36
Il y a plein d'exemples de mélanges, que ce soit la Renaissance piochant dans le monde grec ou dans l'autre sens, tel auteur de BD "s'inspirant" de mondes à venir.
C'est une caractéristique bien connue de l'homme de ne supporter pas l'environnement qu'il s'est fabriqué : ainsi il va, débinant sa ville, qui pue, sa femme, qui l'ennuie, ses enfants, qui sont des ingrats etc.
Ce sentiment existe en art. On pourrait lui donner le nom de péché originel. Il fait qu'entre deux photos strictement identiques nous préférerons toujours celle d'un collègue, forcément plus convaincante. Rien de ce que nous faisons ne trouvera jamais grâce à nos yeux : évidemment nous en connaissons l'histoire, les faiblesses, les à-peu-près. La photographie du collègue, elle, est une apparition. Elle vient de nulle part, n'a pas d'histoire, rayonne de tout son être.
La même époque qui "muséifie des centres anciens" fabrique des bâtiments consternants de modernisme grandiloquent.
Mais comment faire ? J'avais une discussion récente avec un architecte (Guy Rottier, que je salue s'il me lit) qui plaidait pour une explosion des normes régionales de construction en France. Il me disait : "laissons les gens imaginer leur maison de A à Z. Vive la liberté ! " Mais je voyais instantanément combien la liberté dépendrait directement du portefeuille, et combien un nouveau chaos visuel finirait, par l'effet des moyennes, d'homogénéiser toute la planète. Autrement dit, nos normes régionales de construction, dans ce raisonnement, finissaient par m'apparaître comme des espaces différents. Il me semblait évident que de l'individualisme à outrance naîtrait une sorte de conformisme universel. Que le collectif protégeait, dans une certaine mesure, les particularismes locaux. Dit autrement : qu'un homme seul ne faisait pas le poids, n'avait jamais fait le poids, et que lui laisser tout jugement était sous-estimer considérablement les effets positifs de la vie sociale !
Entre péché originel et niveau social où il convient de rechercher la liberté la voie est étroite pour notre libre-arbitre et la question me semble largement excéder le couple passé-présent !
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