Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 10-05-2004 11:41
Quelques remarques pour compléter cette excellente discussion.
- la comparaison des images issues d'une capture silicium directe et de la numérisation d'un film avec un très bon scanner semble montrer, en date de mai 2004, et vu la dimension techniquement réalisable des pixels sur un capteur professionnel, qu'un silicium se contente d'un demi-format pour donner la même qualité par rapport à un film plein format. Cette règle empirique est jetée ici en pâture à la critique de nos lecteurs, elle résulte de discussions avec Henri Gaud et de l'examen d'images issues d'une numérisation de film et de capture directe. Pour fixer les idées, la qualité d'image sur un Canon 11 Mpix se compare favorablement avec un scan 4,5x6 issu d'une très bonne chaîne optique+film+scanner ; probablement la qualité d'un dos silicium 4,5x6 à 22 Mpix doit elle être équivalente à celle d'un bon film 6x9 scanné avec un très bon matériel. Je m'attends donc très sereinement à ce qu'une future génération de capteurs, disons de format 6x7, n'ait rien à envier à une diapo 4"x5" moderne scannée avec le meilleur scanner professionnel.
Identifier les raisons de cette "loi" du demi-format est matière à conjectures diverses ; mon sentiment est que très fondamentalement, le film étant un très mauvais compteur de photons, en scannant 'fin' on fait apparaître un bruit de granularité gênant, pour une fente d'analyse donnée, dimension de fente pour laquelle un pixel silicium de même ouverture sera beaucoup moins "bruiteux". Tout simplement parce que la détection silicium est bien meilleure en rendement et bruit que l'halogénure d'argent à la base de tous les films. D'où la supériorité de l'image-silicium, entre autres, dans les ciels même avec un relativement plus faible nombre de pixels. Et ne parlons pas de la souplesse et de la fidélité colorimétrique de la capture silicium directe, on ferait peur aux adorateurs de la belle diapositive.
- le problème des rayons incidents en grand angle qui ne sont pas bien détectés par le silicium sera résolu s'il ne l'est déjà (Olympus le mentionne) en attaquant le problème par des moyens que les conservateurs pourraient trouver déloyaux mais qui sont irrésistibles. Premier angle d'attaque (c'est le cas de le dire) : optiques rétrofocus tendant vers le télécentrique, par exemple le dernier Distagon® 40 mm de chez Zeiss qui n'a plus rien à envier au Biogon® quasi-symétrique en termes de performances. Donc de ce côté là la technique est prête s'il le faut, mais le deuxième angle d'attaque moins cher et encore plus déloyal pour les conservateurs est la correction logicielle de vignettage entre la capture physique et la livraison du fichier au photographe. Sur ce point tout est possible même si cet intermédiaire logiciel peut paraître très difficile à maîtriser lorsqu'on décentre ou qu'on bascule, puisqu'il faudrait que le logiciel connaisse, outre les caractéristiques théoriques ou mesurées de l'optique,
également toutes les positions des mouvements. On appellera la future chambre : "Sinar E-plus", motorisée avec capteurs de position linéaires et angulaires sur tous les mouvements. Après avoir payé le silicium, j'espère qu'il vous restera un peu de finance pour une telle chambre (c'est un autre problème).
- Seules des raison technologiques de micro-fab silicium et surtout de prix et rendement de fabrication limitent la dimension des capteurs d'image silicium. L'industrie semi-conducteur travaille couramment avec des tranches de 300 mm, et ceci pas plus loin que la bonne vallée alpine du Grésivaudan.
Mais s'il y a 70% de déchets dans la productions de capteurs qui occupent à eux seuls une demi-tranche de 300 mm, on conçoit que l'état du marché résultera d'un équilibre entre les possibilités techniques de la micro-fab (qui sont fantastiques) et ce que le marché-photo est prêt à payer. Pour l'instant un 22 Mpix 4,5x6 est bien assez cher, mais pas suffisamment cher pour empêcher un photographe-artisan d'investir s'il peut amortir en trois ans. Quel sera l'état d'équilibre dans les mois qui viennent, je ne pense pas que la loi de Moore s'applique ; l'hypothèse du plus grand confort sur dépoli qui pousserait à travailler avec du plein format 6x9, par exemple, est un peu faible si on suppose une capture et un transfert d'images tellement rapides que tout se juge à l'écran. De plus en plus d'instruments optiques de contrôle en production sont interfacés avec un écran d'ordinateur, les opérateurs ne regardent plus dans une loupe binoculaire. Donc pourquoi pas les photographes en production.
- Un argument encore déterminant, et il n'a pas changé par rapport à ce que je disais dans mon article (à mettre à jour) http://www.galerie-photo.com/du_microdensitometre.html, c'est la consommation énergétique. Toutes les solutions techniques de capture numérique et d'affichage électronique sont possibles mais pour l'instant (mai 2004) elles sont lourdes, coûteuses et énergivores. De mon point de vue, ceux qui tranportent leur matériel dans leur sac à dos pour aller en montagne photographier les beautés de la Nature, ne sont pas forcément prêts à trimballer un ordinateur portable et tout le saint-frusquin. Mais ce genre de clientèle pèse-t-elle beaucoup dans les décisions de fabrication/vente/achat de matériel d'imagerie numérique professionnelle haute performance ?
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