Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 10-05-2004 15:43
Ah, M. Weber. J'aime votre enthousiasme ; répétons ce gai refrain :
« Une Seule Solution : la Résolution ! »
Sur galerie-photo on ne cherchera jamais à doucher les enthousiasmes, mais tout de même la formule que vous citez est assez irréaliste. Une autre formule moins irréaliste utilisant la somme des inverses carrés est proposée par André Mouton dans son excellent article publié sur galerie-photo ; je la préfère grandement à celle que vous citez.
http://www.galerie-photo.com/la-haute-resolution-en-photographie-argentique.html
Que représentent ces formules, et pourquoi l'une plutôt que l'autre. On pourrait arguer qu'il s'agit de formules empiriques ; de fait les deux formules peuvent permettre d'essayer d'interpréter chacune un type de formation d'image et de détection « académique » intéressant, mais ne donnant qu'un critère de netteté à un seul parmètre !
La formule que vous citez avec la somme des inverses pourrait être récrite sous la forme : C_total = C1 + C2 où C1 et C2 seraient les diamètres des cercles de confusion dans deux processus d'imagerie successifs où l'image idéale d'un point serait un petit disque lumineux ou de grains d'argent à bords nets. Ce modèle correspond assez bien à ce qui se passe derrière une très bonne optique grossièrement défocalisée ; bien évidemment ce n'est pas votre cas (votre optique est au sommet, mais vous ne la défocalisez rarement autant ;-)
La formule avec les inverses carrés décrirait assez fidèlement la succession de deux processus d'imagerie raisonnablement linéaires et invariants par translation dans l'espace, dans lesquels la tache-image idéale d'un point serait décrite par une distribution gaussienne, avec des bords flous mais gentiment flous, de façon à respecter la très curieuse règle de « mélange » de deux gaussiennes : (C_tot)^2 = C1^2 + C_2^2, où ici C décrirait le diamètre de la tache mesuré mi-hauteur ou quelque chose comme cela.
C'est un peu plus proche de la réalité, le résultat de la formule est un peu moins pessimiste que la formule des disques à bords nets. Mais les deux approches pèchent par le même défaut, à savoir celui de se polariser sur la limite ultime des fins détails au détriment du contraste des objets, par exemple périodiques, dont la structure reste bien visible pour les cellules humaines sur la rétine. On donne une limite de 6-7 pl/mm pour un tirage vu à 250mm comme étant un bon critère de netteté, certains auteurs seront plus stricts que cela, disons 10 pl/mm pour rêver un peu. Voyez, je vous encourage, après avoir rêvé avec le Gigabit® en 24x36 à faire effectivement l'expérience.
À partir de cette valeur, vous voyez qu'un film 24x36 qui passe un solide 100 pl/mm optique plus film (pas facile, mais bon, admettons), agrandi 10 fois pour faire un beau 24x30 atteint le critère très sévère des 10 pl/mm vus à 250 mm. Pour atteindre cela, on met sur un robuste trépied le meilleur appareil 24x36, les verres les plus rares, les films les plus fins, suivi du révélateur qui fournit la vérité... révélée, plus l'objectif d'agrandisseur le plus "Apo" qui soit ou le meilleure scanner du monde ; sur le terrain à la prise de vue, on sort le haut-de-forme et l'huissier à chaîne annonce l'événement, l'instant est solennel, on déclenche. Si tout se passe bien, in fine, on obtient un tirage 24x36cm avec 10 pl/mm sur tout le champ.
L'autre approche est celle des moyens et grands formats à la bonne franquette. Passant au Bon Coin, on rencontre Doisneau accoudé au zinc avec son Rolleiflex à discuter avec le Maurice qui a sorti son violoncelle pour l'occasion. Un rayon de soleil, le Robert sort et prend à main levée avec son tessar sur de l'Isopan des années 50 une scène de rue. Sans forcer vous me concéderez 50 pl/mm in fine sur le négatif ; un tessar en est capable, un film 25 ISO des années 50 aussi (j'ai bien dit : il y a du soleil : 1/125 f/8, facile par soleil brillant avec un 'flex sur 25 ISO). Vous avez concédé : trop tard, la prise de vue à la bonne franquette fait aussi bien que vous ; pour ce même 24x36cm, le Maître sort son Priox et agrandit environ 5 fois son négatif, il n'a donc besoin pour avoir la même qualité que de 50 pl/mm là où il vous faut absolument 100 pl/mm avec votre facteur 10x nécessaire à votre timbre poste (luxueux, certes, mais timbre-poste tout de même).
Pire : vous devrez vous placer sur pied, le Rolleiflex-iste, au pire, sortira un pied-ficelle s'il faut descendre au trentième.
Maintenant vous sortez une 9x12 sur pied, il y a des petites 9X12-4"x5 qui n'ont pas besoin d'un lourd support, un Gitzo série 2 leur suffit (le même que le vôtre). Un film à la bonne franquette suffit : tenez, un bon vieil FP4 dans son ID11 1+1. Vous me concéderez également que 40 pl/mm sur tout le champ avec une optique de chambre c'est possible sur pied, quant au grain du film on n'en parle plus car cette fois on va agrandir 2,5x... mais pour obtenir la même qualité finale, il vous faudrait 160 pl/mm tout compris avec votre 24x36. Bon courage pour y arriver à la fin de toute la chaîne, sachant que vous ne pourrez pas faire autrement que de la prise de vue statique sur pied.
Maintenant on monte la barre plus haut ; on sort toujours un 'flex des années 50, mais avec un planar ou xenotar mesuré à 96 pl/mm, ou bien encore un Mamiya 7 + son 80mm récent crédité de 120 pl/mm. Là c'est au-delà de 200 pl/mm qu'il vous faudrait monter en 24x36. C'est votre choix : personnellement, depuis 1/4 de siècle, je suis plutôt passé du côté de chez Doisneau version 1950 (le maître, sur le tard, passa au petit format : il avait tellement trimballé de 13x18 à plaques de verre, on conçoit qu'il en ait eu un peu assez...)
Vous protestez ? oui vous avez raison de protester car la limite de résolution n'est qu'un des facteurs qui fait d'un agrandissement un très bon agrandissement. Récemment, invité chez un photographe professionnel dont je tairai le nom mais qui ne rigole pas lorsqu'il s'agit de produire pour ses clients des images d'architecture de haut de gamme, je m'émerveillais d'un très beau tirage au rapport 12,5x d'après 6x6, couvrant une belle surface de septante centimètres de côtés. Bien entendu les rangs de tuiles d'une netteté stupéfiante furent scrutés, et quelle ne fut pas ma surprise en réalisant (je ne me déplace jamais sans ma petite loupe 7x à réticule gradué, bien entendu ;-) que la périodicité des ces rangs de tuiles qui signaient une netteté époustouflante à mes yeux était de l'ordre de 0,4 mm ; ramené sur le film via le 12,5 X, nous obtenons 32 microns pour une résolution de l'ordre de la trentaine de pl/mm.
Conclusion 1/ il est plus important que l'ensemble du processus garde un très bon contraste autour de 30 pl/mm sur le film plutôt que de dépasser 150 pl/mm en absolu pour les grilles très fines. La publication par Zeiss des FTM à 10, 20, et 40 pl/mm n'a pas d'autre but. Bien entendu si vous lisez les docs Zeiss et les contributions de M. Fleischer sur les forums nord-américains vous savez déjà que certaines optiques Zeiss moyen format atteignent 200 pl/mm les bons jours. En couvrant le moyen format. Bien entendu, un très bon objectif capable de telles performance sera le plus souvent excellent dans les pl/mm qui comptent visuellement in fine, disons de 30 à 60 pl/mm en 6x6, un peu plus bas en 9x12.
Conclusion 2/ sans forcer et à la bonne franquette l'amateur équipé d'un moyen format ou d'une chambre produira sans effort des tirages 50x60 extra. Moyen format pour les jours à main levée sans décentrements, chambre technique pour les sujets "statiques" mais avec "mouvements" (de la chambre !).
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