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 L'interrogation (non technique) du jour: schizophrenie...
Auteur: Christophe (213.223.37.---)
Date:   03-05-2004 16:39

Bonjour,

Peut on apprecier une oeuvre si on deteste son auteur?

Question idiote et bateau, vous me direz mais parfois assez destabilisante: ca m'arrive aujourd'hui... :o))

Un photographe que j'avais rencontre au cours d'un diner, m'avais paru tres pretentieux , avec un discours imbuvable, se melant de toutes les conversation en s'arrangeant pour les ramener a lui meme, etc... Bref, une plaie!
Pourtant, en decouvrant aujourd'hui une partie de son oeuvre, je trouve qu'il y a des choses superbes, originale, avec lequel je suis esthetiquement en phase (meme si le discours ecrit autour reste imbuvable...)

Qu'en pensez vous? (le premier qui cite LFC a perdu ;o) )

@+

Christophe


 
 Re: L'interrogation (non technique) du jour: schizophrenie...
Auteur: Jean-Philippe Poli 
Date:   03-05-2004 17:11


C'est une démarche intelligente que de faire le distinguo me semble-t-il..
L'aliénation consistant à détester l'oeuvre par définition, eu égard aux propos de l'auteur que l'on aura pu glaner ça et là.

L'inverse me paraît quand-même à priori plus abordable, apprécier l'auteur et détester le travail, peut-être parce qu'inconsciemment, la jalousie ou l'envie n'interviennent pas...

Jean-Philippe


 
 Re: L'interrogation (non technique) du jour: schizophrenie...
Auteur: Michel Guigue 
Date:   03-05-2004 20:49

Bonjour,

C'est un peu comme dans la vie de tous les jours : mon boucher a une excellente viande parfaite à tous points de vue, mais après l'avoir rencontré en privé à l'occasion d'une petite fête, je me suis juré de ne jamais l'inviter ! Pourtant, je continue à lui acheter sa bonne viande.

Pour ceux qui objecteraient que je m'éloigne de l'art, détrompez-vous ; la boucherie est une sorte d'art.

Une œuvre est souvent le reflet de l'artiste, c'est sa pensée profonde, sa sueur, ses tripes. Si on apprécie sa réalisation, c'est un peu aussi l'auteur que l'on apprécie ; du moins sa démarche d'auteur et de créateur et pas forcément la personne qui est souvent double.


 
 Re: L'interrogation (non technique) du jour: schizophrenie...
Auteur: pierre 
Date:   03-05-2004 21:29

Bonsoir,

les deux écrivains dont je peux dire non pas simplement que j’apprécie leur oeuvre, mais qu’ils ont changé ma vie, comme peut le faire une oeuvre d’art digne de ce nom sont L.F. Céline et Thomas Bernhardt.
L’un était un épouvantable antisémite et l’autre n’aimait pas grand ‘monde non plus. Pourtant le “voyage au bout de la nuit” est un monument de notre culture, une merveille d’intelligence et de sensibilité, “maîtres anciens” un regard profond et viviviant sur l’art.

Les auteurs mettent peut-être dans leur travail ce qui leur fait défaut dans la vie. Plus ils sont sensibles et profonds, plus ils risquent de toucher aussi des aspects obscurs de la conscience ...et ils faut bien qu’ils vivent avec.
Sade était contre la peine de mort !


Ils ont surtout le courage de s’exprimer, d’exprimer ce que nous ressentons tous (en nous l’avouant ou pas ...) et de le faire de manière entière, forte et nouvelle; rien que pour cela il faut les respecter à leur juste valeur pour leur travail , sans les excuser pour leur vie .
Personnellment je les détesterai toujours moins que les écrivaillons au ventre mou qui s’appuyent sur eux pour exprimer leur bonne conscience.

Mapplethorpe en photographie pose aussi bien ce genre de roblême : le sadomasochisme homo hard, rendu “beau” par ses photos, au début ça n’est pas si simple à voir.

Mais pour assumer tout cela il faut un talent rare ....


cordialement

pierre


 
 Re: L'interrogation (non technique) du jour: schizophrenie...
Auteur: Henri de Mougins 
Date:   04-05-2004 09:51

Bien sur la boucherie est un art!
Je ne suis pas boucher, et de plus vegétarien!
Apprécier une oeuvre, aimer une oeuvre, c'est que cette oeuvre a un impact émotionnel personnel, c'est une communion en quelque sorte avec la pensée de l'auteur de cette oeuvre, mais, la capacité artistique est bien caché sous la convention sociale de chaque etre humain, et l'admiration de l'oeuvre est une admiration de l'inconscient de l'auteur en quelque sorte ( avec quelques precautions quand aux
termes!) mais pas de l'auteur comme etre social.
Henri de Mougins


 
 Re: L'interrogation (non technique) du jour: schizophrenie...
Auteur: PLESSIER 
Date:   04-05-2004 17:13

Bonjour à tous,

j'ai peut être la solution qui pourrait rendre service à tous:
Ecrire à ce MONSIEUR pour lui exprimer toute l'admiration que vous manifestez à l'égard de sa production photographique........ et en profiter pour lui dire qu'il n'est qu'un C.. Cela fera certainement un copain de plus.

Bonne chance Claude


 
 Re: L'interrogation (non technique) du jour: schizophrenie...
Auteur: nicolas.R 
Date:   04-05-2004 17:51

Qu'est-ce qui est acceptable et qu'est-ce qui ne l'est pas ? Quels sont les critères, moraux, ontologiques ou sensibles, qui déterminent notre jugement, ou les convergences et empathies diverses ? Devons-nous poser comme postulat que l'acte doit être lié au discours ? Alors il faut refaire l'histoire du monde. Ce qui est insupportable c'est que lorsque la peur nous prend (je parle de la vraie peur, celle qui engendre la lâcheté [ceci est énoncé sans jugement mais se rapporte aux seuls faits, et donc, je ne m'exclue pas de la liste des lâches possibles que des circonstances désagréables pourraient causées], la peur instinctive ) elle nous transforme en semeur d'épouvante ou de discours meurtriers. Je pense à Heideger, ou même à Sartre qui "n'aurait rien vu" à Berlin en 33, même à Borges (un de mes maîtres en littérature) qui lorsqu'on évoquait la dictature en Argentine, déclarait être un vieillard en passe de devenir aveugle ! J'en passe...Tout passe par la conscience que nous avons de nous-mêmes. C'est un truisme, je l'avoue, mais néanmoins la seule voie d'investigation possible car j'ai l'intime conviction que nous seuls avons le pouvoir de nous transformer nous-mêmes.
Ce fil me fait penser à un "film" de Jean-Luc Godard. Il s'agit d'un entretien mené au sein d'un restaurant. pendant la durée de l'entretien une seule image occupe l'écran: celle d'un homme seul, assasiné dans un stade par un groupe de partisans de "l'autre bord", lors d'une guerre civile....en bruit de fond le bruit des fourchettes...

Moi de savoir que Carl Orff, dont j'apprécie l'oeuvre, était un des musiciens officiels du pangermanisme national socialisme, crée une distance que j'ai de plus en plus de mal à franchir. Ceci vaut pour toutes les formes de fascisme. Je ne juge pas ces hommes et ces femmes, exister en des temps ténèbreux n'est pas une simple affaire.
Ceci ne nous éloigne pas de la photographie qui est pour moi l'art du Réel (n'ayons pas peur des mots) et don de toutes les poésies possibles.
Bien cordialement à tous
Nicolas
(Henri, le végétarisme (plus de 20 ans pour moi) me semble être un premier pas décisif vers la pacification de nos rapports avec le monde. Le statut de l'oeuvre d'art tel que vous l'évoquez serait une sorte d'espace de rencontre possible...insconscient ou pas je suis preneur !)


 
 Re: L'interrogation (non technique) du jour: schizophrenie...
Auteur: Henri Peyre 
Date:   04-05-2004 19:07

Nicolas,
Très d'accord sur la peur de l'autre, qui est ce qui amène au pire...
Il y a une bonne technique pour maîtriser sa peur, c'est ne pas la taire, avouer l'ignorance, ne pas perdre son temps à tenter de sauver la face. Dès que l'on se sent faible, mettre le temps qu'on aurait pris à se justifier (temps perdu) à se renforcer (temps gagné). C'est finalement quelque chose qui se rapproche de l'humilité de l'esprit du chercheur ou du technicien, et ce serait formidable que cela gagne l'esprit des artistes ;-))
Je ne continue pas, ce n'est pas vraiment "haute résolution", plutôt bonne résolution, et cela sort un peu du cadre du forum. Mais quand le forum tourne bien et sympathiquement, c'est un peu comme cela il me semble.


 
 L'autocensure émotionnelle ?
Auteur: Jean-Louis Llech 
Date:   04-05-2004 19:46

Une oeuvre, quelle qu'elle soit, est une passerelle entre celui qui l'a conçue et celui à qui elle provoque certaines émotions.

Donc, inutile, je crois, de se voiler la face : si, à un moment donné, une oeuvre, un tableau, un livre, un morceau de musique, une photo, une sculpture, provoquent en vous une émotion, au point de vouloir la regarder à nouveau, la relire ou la réentendre, c'est qu'il y a un fil - aussi ténu soit-il - entre vous et celui qui l'a conçue.

Il est donc peut-être difficile de détester totalement l'auteur, car ce fil reste entre vous et lui. Maintenant, que cela gêne d'avouer qu'il subsiste, au travers de l'oeuvre, cette relation entre l'auteur et le spectateur, c'est une autre paire de manches...

Ou bien on installe la biographie de l'auteur comme un filtre entre l'oeuvre et le spectateur, et le tour est joué... Plus d'états d'âme, mais de combiens de joies esthétiques va t-on se priver ? Au nom de quoi, au fait ?

J'ignore si tel ou tel peintre était un obsédé sexuel, si tel écrivain ou musicien était un nazi ou un pédophile... J'apprécie seulement ce qui, dans son oeuvre, m'émeut ou me charme.
Quelles qu'aient été ses fautes, ses crimes ou ses péchés, c'était un humain, comme moi.


 
 Re: L'interrogation (non technique) du jour: schizophrenie...
Auteur: Henri de Mougins (143.196.199.---)
Date:   05-05-2004 09:43

Un probleme se pose! Le jour ou nous serions émus par une oeuvre crée par une machine sans intervention d'un humain?
A étudier les biographies, parfois douteuses, si ce n'est complètement inventées,
il est vrai que le filtre entre l'oeuvre et le contemplateur de cette oeuvre s'installe, et de façon irreversible! Sauf à aquerir une grande force morale qui ferait "table rase du passé[ou du présent] et ne pouvoir "voir et regarder" que l'oeuvre.
A une époque d'hyper-médiatisation, nous l'observons tous les jours, la communication autour d'un acte artistique prend plus d'importance que l'oeuvre elle meme, et ce filtre (entre regardant et regardé) est difficile à eliminer .
Quand à etre humaniste, dans le sens ou chaque etre humain recele des qualités,
qui quelque soit ses actes sociaux, est néanmoins un humain à considerer comme un frere d'humanité, plus j'avance en age (58 aux chataignes) plus cela est dur, est ce l'angoisse de la fin? Ou plus simplement je deviens un vieux con?
A ce sujet ( La création) l'on peu prendre comme hypothese, que l'acte de créer
est une volonté de survivre audela de sa fin, de laisser une trace, un heritage pour
les suivants?
Peut etre je me suis laissé entrainer loin du sujet?
Henri de Mougins




 
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