Auteur: Henri Peyre
Date: 24-04-2004 20:19
Je vais tenter d'en dire un peu plus sur le nu en parlant des sujets en général.
Tout ce qui suit est forcément discutable et, comme je vais résumer, cela va donner une impression un peu désagréable. C'est à prendre plus comme une première tentative d'approche un peu logique mettons...
1. Je pense qu'il y a des sujets qui attirent l'attention plus que les autres. Disons que ces sujets attirent la pulsion scopique. Ce sont les sujets qui mettent sous nos yeux la possibilité que nous avons de sortir de notre condition humaine pour gagner les cieux , une vie meilleure dans un monde d'idoles (disons "vers le haut") ou nous joindre à l'espèce (disons "vers le bas"). On pourrait en faire la liste. Ce sont les sujets qui créent des attroupements dans la rue, première façon de les reconnaître, ou que recherchent les magazines où la photo est importante, deuxième façon de les reconnaître : photos de vedettes, photos de riches en situation, photos de lieux qui nous sont normalement interdits, photos de nudité, photos d'événements, photos de violence, photo de sexe, photos de monuments, photos de points de vue etc. Autant dire que c'est ce qui constitue l'essentiel des sujets de la photographie...
2. Il y a inversement des sujets possibles qui représentent 99% de notre quotidien, qui sont constitutifs de notre vie ordinaire, sur lesquels personne ne se retourne. Après tout, on peut bien, nous, tourner l'appareil vers n'importe quoi...
3. Au moment de prendre la photographie il y a 4 possibilités de résultat (puisque nous avons choisi de résumer).
a. vous faites une excellente photographie à partir d'un sujet scopique
b. vous faites une mauvaise photo à partir d'un sujet scopique
c. vous faites une mauvaise photo à partir d'un sujet très ordinaire
d. vous faites une excellente photographie à partir d'un sujet très ordinaire
Quelques conclusions :
a. vous avez été à la hauteur d'un sujet qui s'y prêtait. Bravo. Bon ouvrier.
b. vous êtes nul : le fait d'arriver à ennuyer quelqu'un avec un sujet scopique en témoigne ! Mauvais ouvrier.
c. vous voilà indiscutablement dans la catégorie des débutants : comment, vous n'avez même pas compris qu'il y avait des "grands sujets" : le nu, la nature morte, le paysage !
d. si vous avez réussi à rendre intéressant un sujet non scopique, il y a un peu de chance pour que vous ayez un talent réel, puisque la photographie que vous présentez ne donne que de la "valeur ajoutée" que vous avez ajoutée...
Maintenant ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Ce peut être une jubilation personnelle notoire de photographier un sujet scopique, de vivre et d'arrêter cette impression d'avoir été là et que tout cela a bien existé alors que normalement on n'aurait pas du y avoir accès. Cette acceptation d'un système et d'un ordre antérieur à notre propre constitution de valeurs a son goût. Et l'esclave peut aimer son collier !
Mais bon. Personnellement j'aime ce qui me semble un regard neuf, la possibilité de voir ce qu'on pensait banal absolument transfiguré. La poésie que j'aime est cette nouvelle valeur donnée au trois fois rien (la chambre et sa haute résolution s'y prête rudement bien, en passant).
Pour les "grands" sujets donc, méfiance.
|
|