Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 31-03-2004 11:03
Votre mission, si vous l'acceptez, consiste à vous rendre au point J36 du MIPS de Paris. Nous ne vous cachons pas les difficultés de l'entreprise, mais nous vous fournirons le matériel de survie et les conseils nécessaires.
La première épreuve à surmonter, descendant de vos montagnes, sera de reprendre contact avec les temps de route parisiens, deux heures de porte-à-porte étant quelque chose de courant. N'essayez pas d'adapter la règle du "300 mètres de dénivelé à l'heure", elle vous conduirait sans faille à votre perte.
La seconde épreuve est celle qui vous attend à l'entrée, elle est redoutable. En effet vous serez en terrain découvert, « mitraillé » à bout portant par les oeuvres du Photographe Officiel des Côtes & Bateaux Français ; pour vous qui habitez si loin de la mer et qui portez si peu d'intérêt au sujet, pour vous protéger vous n'aurez que quelques tirés à part semi-publicitaires des revues grand public parlant de petits appareils numériques auto-tout.
Ensuite vient la Grande Épreuve, la traversée du Grand Désert de Silicium (Si). Vous avez sans doute une idée, car vous avez certainement lu les oeuvres complètes de Théodore Monod, de ce que peut être le Grand Désert de Sable (Si02). C'est quelque chose d'approchant, mais en plus effrayant, d'abord il n'y a plus l'oxygène (02), mais visuellement c'est surtout cette couleur grise si singulière du silicium qui est en soi une épreuve. Même une plage de sable volcanique noir d'Islande est moins affreuse.
Comme dans tous les déserts du Sud-Ouest, celui du sud-ouest parisien offre à mi-parcours plusieurs lieux en apparence faits pour que le voyageur s'y repose. Ne vous y arrêtez surtout pas, votre équipement vous permet de faire l'aller-retour jusqu'au point J36 en évitant ces pseudo-haltes remplies de paillettes, de clinquant, de faux palmiers et de fausses cascades, de machines à sous, de tigres et de prestidigitateurs. À ce moment, vous penserez à Théodore Monod, cela vous aidera.
Enfin vous arrivez au point J36. Vous reconnaîtrez l'endroit à une fenêtre ouverte sur la chaîne des Annapurnas (8000x28000 pixels), ce qui vous fera oublier les déserts inhospitaliers que vous venez de traverser. Vous reconnaîtrez également l'endroit à son code de couleur très strict, centré sur le noir et le blanc avec quelques toutes petites touches de jaune.
Vous pourrez, si vous le souhaitez, réciter mentalement « Élévation » de Charles Baudelaire, mais vous aurez mieux à faire à voir et toucher enfin l'objet de votre long voyage. Vous aurez plaisir à parler avec les autres voyageurs, ceux qui comme vous sont arrivés sans encombre jusqu'au J36, et outre ceux qui ont fait l'effort de venir des montagnes, vous aurez le priviliège d'assiter à une scène singulière : une dame très sûre d'elle, bien encadrée de deux messieurs dubitatifs, qui dira : « C'est celle-là que je veux, et rien d'autre » en pointant vers une monorail 4"x5" aux molettes rehaussées de jaune. Et vous verrez peut-être ces jeunes apprentis qui diront fièrement à leurs copains « C'est la même que celle de mon prof' de photo : touchez !! »
L'autonomie de votre équipement ne vous permettra qu'une courte halte de deux heures environ, mais cela sera suffisant. Au retour, a priori peu de problèmes ; un dernier détail cependant : si vous passez dans un lieu orné de superbes photographies prises en moyen format, bien que la place soit parfaitement éclairée, soyez très prudent : l'endroit sera désert.
Comme il se doit dans ce genre de mission délicate, vous ne devrez compter que sur vos propres forces, car http://www.galerie-photo.info et http://www.galerie-photo.com prétendront ne pas vous connaître et ne pourront, en aucun cas, vous porter secours.
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