Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 03-11-2003 09:49
J'ai regardé à la loupe deux pages de test d'imprimante laser N&B 600ppp. Il s'agit d'un modèle récent d'un grand fabricant.
Le test utilisé est celui du gestionnaire d'impression "CUPS" standard dans les dernières ditributions linux. L'imprimante laser N&B en question est postscript mais je ne pense pas que cela influe beaucoup ; CUPS gère la plupart des imprimantes du marché.
Il y a tout d'abord un motif en étoile à 360 branches séparées angulairement de 1 degré. Test redoutable. Chaque rayon de l'étoile a une largeur égale à un point. Avec une simple loupe 8X en observant le rayon situé à 1 degré de la verticale on peut compter 10 marches d'escalier entre le centre et le bord (rayon du cercle : 25 mm) pour un écart, au bord, de 0,45 mm, ce qui nous donne une valeur estimée de l'écart minimum adressable centre à centre entre points de l'ordre de 45 microns ; la valeur nominale à 600pp est 42,3 microns. Çà colle.
Ensuite on constate sur les lignes tracées au voisinage de 45 degrés qu'on ne voit pas les points individuellement ; on en déduit que ces points on un diamètre qui est de l'ordre de 60 microns (42x1,4) et non pas un diamètre égal au pas de la grille-maîtresse. Normal, des points de 45 microns de diamètre ne pourraient pas noircir toute la surface.
On constate également à la loupe en regardant vers le centre de la mire entre le trait vertical et celui à 1 degré que lorsque les lignes apparaissent séparées, elles le sont par un très fin trait blanc nettement plus étroit que la largeur du trait, on est vraisemblablement dans la position où l'écrat centre à centre est de 85 microns soit deux fois le pas élémentaire, il reste 10 à 20 microns de blanc entre deux, on est séparé mais juste.
Première conclusion ; si on ne vise que des images binaires au trait (texte, schémas au trait) la résolution est donnée par les 600ppp avec la règle qu'il faut deux points pour passer une période... mais ceci ne nous donne pas de niveaux de gris ; pour autant que je le sache les imprimantes laser ne sont pas capables de moduler la largeur du point élémentaire.
Ce qui suit ne concerne que la gestion des trames pour les demi-teintes par le gestionnaire CUPS sur cette même imprimante.
On constate à la loupe que les gammes de gris de test et les images photo JPEG sont tramées avec une grille de points au pas 180 microns, trame tournée de 45 degrés par rapport à la grille-maîtresse à 600ppp. Ce qui fait une trame de demi-teintes à 140 points par pouce. Un petit schéma sur un papier quadrillé laisse supposer que les pixels ou points de trame sont obtenus en regroupant une vingtaine de points de la grille 600ppp, en losange (de fait, un carré tourné de 45 degrés). Ce qui donne un maximum possible d'une petite vingtaine de niveaux de gris mal répartis en modulant le taux de remplissage, en fait sur les gammes-test on ne distingue qu'une dizaine de teintes de gris environ ce qui est déjà pas mal. Signalons que l'examen des plages de gris "uniforme" ne sont pas uniformes dans la forme du point de trame, comme si le gestionnaire variat de façon plus ou moins aléatoire le type de point, soit pour représenter des gammes de gris intermédiaires en jouant sur deux points de trame, soit pour éviter certains moirés ou pour minimiser certains défauts ponctuels.
Conclusions à ce niveau et sans connaître rien aux algorithmes et méthodes utilisés dans le gestionnaire d'impression laser N&B : pas de mystère avec une imprimante noir et blanc à points de densité et de diamètre fixe sur une grille fixe ; on peut nuancer le propos sur la résolution en distinguant le texte ou les dessins au trait des images en demi teintes. Dans le cas des images en demi teintes, la période de trame nécessaire à passer une dizaine de niveaux de gris est (ici) de 180 microns, soit trois fois plus que la période de la grille à 600ppp. La résolution, linéairement, est donc divisée par trois pour les images en niveaux de gris (140ppp) et donc par 9 en nombre total équivalent de pixels, du moins s'il fallait -idée fort saugrenue !!-- re-numériser cette image tramée...
Pour la couleur l'idée que je me fais en 2003 est que certaines immprimantes à jet d'encre modernes permettent la modulation de la quantité d'encre envoyée par chaque buse ce qui permet les gammes de couleur sans être obligé de regrouper trop de points comme dans l'exemple ci-dessus. Le progrès en terme de rendu serait donc considérable.
Pour la couleur en impression quadrichromie j'en suis resté à une technologie dans laquelle on ne peut pas moduler la densité colorée des encres, mais on peut faire varier continûment la taille du point de trame ; que cette trame pour l'offset soit fabriquée à l'ancienne en photogravure analogique ou de façon 100% numérique, in fine, cela ne devrait rien changer. (Henri Gaud et les pros de l'édition : à l'aide sur ce point)
En effet, pour revenir à une comparaison entre un tel tirage laser N&B 600ppp (points fixes de 60 microns sur grille au pas de 42, trame de niveaux de gris à 180 microns /140 ppp regroupant une vingtaine de points) et un tirage argentique classique, il suffit de se souvenir que le papier photo noir et blanc classique a un grain aussi fin que les films traditionnels les plus fins. Disons 5 microns ou même moins. Je ne sais pas si cela a un sens de définir une granularité RMS pour un papier, mais je dirais en argentique qu'elle est certainement meilleure que 10 pour un papier (film très granuleux : RMS = 50, film Tri-X : RMS = 17, film N&B grain fin : RMS < 10). Cette granularité est mesurée par définition au microdensitomètre à travers une ouverture circulaire de 48 microns de diamètre ; coïcindence c'est très proche du pas de la grille d'un 600ppp. RMS = 10 veut dire que les fluctuations de densité sont de 10/1000 soit 0,01D ; il me semble que la valeur du gris de référence pour la mesure est D_ref = 0,7.
Passons maintenant le tirage tramé sur ce même densitomètre, une plage dont le taux de remplissage est réglé de façon à faire une densité de 0,7 : horreur, les points ont un diamètre (60 microns) plus gros que la fente d'analyse !!! Autant dire que la "granularité" ainsi mesurée --jusqu'à l'absurde, j'en conviens ;-);-)-- sera "énorme", puisqu'on ne verrait que deux valeurs de densité sortir de l'appareil : 0, et D_max, le D_max de l'encre sur le papier.
Autrement dit pas de secret, pour de belles demi-teintes il faut soit des grains (d'argent ou autre) très fins, soit des buses très fines avec possibilité de moduler la taille du point noir élémentaire ou sa densité.
Un couplage intéressant entre résolution et gammes de gris que dont les "argentistes" et autres "platinophiles", sans parler des "gommistes" se sont toujours moqués...
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