Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 05-11-2005 10:03
je n'aurais pu rêver réponse plus complète........
Bien sûr que si, et il faut toujours rêver !
Du coup, j'ai jeté un coup d'oeil à la Bible-Nordin
"Hasselblad Compendium", Nordin, Rick, Hove Collectors Books, 31 Décembre 1997 ISBN 1897802102
car il est intéressant de re-situer le planar CB 2,8-80 dans les différents modèles d'objectifs 2,8-80 moyen format 4,5x6 et 6x6 conçus chez Zeiss depuis les années 1950.
On lira également (en anglais) cet essai écrit par un passionné, M. Nakamura :
http://www.photoethnography.com/ClassicCameras/index-frameset.html?Hasselblad200.html~mainFrame
Tout d'abord il faut rappeler que depuis le Père Rudolph en 1896, Carl Zeiss a utilisé le nom de marque « Planar® » pour désigner des douzaines de formules optiques très différentes bien que de la même famille. De plus, les passionés qui passent leur temps à éplucher à la loupe les brevets sur les combinaisons optiques photographiques savent qu'il est parfois fort difficile d'associer un brevet à un nom de marque déposée sous lequel la combinaison brevetée sera commercialisée ! Pour tant est que ce qui est commercialisé corresponde exactement au brevet !!
Après la deuxième guerre mondiale, il y eut d'abord le Biometar® à 5 lentilles mais qui resta à Iéna, donc Oberkochen re-calcula le Planar 2,8-80 à 5 lentilles (1954) qui équipe le Rollei-bi 2,8. Pour info, ce Biometar® de 1950 ne doit pas laisser passer un miroir facilement par derrière, néanmoins il fut recalculé à Iéna pour le Pentacon 6 reflex-mono-objectif, toujours à 5 lentilles.
Le planar 2,8-80 du Rollei-bi à 5 lentilles se caractérise dans son diagramme par un premier groupe en doublet collé avec une surface avant assez bombée. Mais ce planar-là a un tirage optique trop court pour un reflex 6x6 mono-objectif ; chez Rollei posent au milieu des années 50 un brevet de miroir qui se replie en deux moitiés pour pouvoir utiliser cet objectif sur un futur modèle reflex mono, qui sera ultérieurement le SL66. Cette idée fut abandonnée, autant à cause de l'idée du miroir pliable en deux (générateur de brisure d'image en cas de petit désalignement des deux moitiés) mais également parce que l'appareil dans son ensemble avait un curieux obturateur à rideaux cachant aussi le dépoli pendant la complexe opération de visée/relevage-miroir/exposition.
En 1956, peut-être à la demande de chez Hasselblad, est conçu un planar 2,8-80 à 6 lentilles qui dérive en apparence de celui du Rollei avec son doublet avant collé mais qui autorise le passage d'un miroir raboté, le fameux miroir des Hasselblad série 500 d'avant ~ 1990. Mais sans doute ce planar n'est-il pas totalement satisfaisant, vers 1960 est introduit l'actuel planar 2,8-80 à 7 lentilles. Donc les très vieux planars 2,8 80 de la période 1957-1960 sont à 6 lentilles. On les reconnaît, nous dit Rick Nordin, au fait qu'ils n'ont pas le petit levier qui libère l'iris du Synchro-Compur pour la visée à ouverture réelle. Et que leur lentille avant bombée ressemble à celle du planar du rollei-bi 2,8.
Ensuite, jusqu'à l'introduction des modèles Hasselblad série 2000 à la fin des années septante (pour lesquels les ingénieurs s'en donnent à coeur joie de faire sauter la barrière de l'iris à 24 mm du synchro-compur 0) le planar 2,8-80 ne bouge pas, entretemps le planar 3,5-100 est introduit en 1968 et le 2-110 en même temps que la série 2000. Curieusement pas de planar 2-80 pour la série 2000, on peut se demander pourquoi. Je soupçonne, c'est une conjecture, que ce terrible miroir reflex est toujours une contrainte très forte, du coup pour le modèle à grande ouverture les ingénieurs partent d'une focale de 110 pour n'avoir vraiment aucune contrainte sur le tirage optique. Au passage signalons qu'un autre planar 2-80 existe pour le Contax 645, son miroir est plus court grâce au format rectangulaire allongé. Il est différent du planar Cb 2,8-80 du blad.
Après ce long préambule, on en arrive à 1997 où la série des trois optiques CB est introduite. On voit que près de quarante ans (1960-1997 !!!) s'écoulent entre la conception du planar 2,8-80 « 6x6 reflex » à 7 lentilles et le CB 2,8-80 à 6 lentilles. Ce qui m'apparaît évident c'est qu'il était tout à fait légitime 37 ans plus tard et compte tenu des progrès invraisemblables des calculs-logiciels-ordinateurs et des nouveaux verres de re-calculer un planar 80 et un tessar de focale longue. On sait que le tessar de focale 75-80 chute en qualité sur les bords du format 56x56 plus vite qu'un planar ou un xenotar, mais pour une focale de 160, pas de problème. Brider à f/9 un « tessar » de focale très supérieure à la diagonale du format pour en faire une longue focale légère et performante, on appelle cela un Nikon-M® et cela fait la joie des grand-formatistes ;-)
Ce qui m'apparaît, pour en rester au plan technique sans chercher des raisons d'image de marque, c'est que ce « fichu » planar 2,8-80 à 7 lentilles est un peu dur à « déboulonner », au grand désespoir de ceux qui rêvent de progrès indéfinis, toujours mieux, toujours plus, toujours moins cher en matière d'optiques professionnelles moyen et grand format. Pour faire mieux il faut soit se débarrasser du problème du miroir en gardant la visée réflexe-mono mais en augmentant la focale, soit brider à f/4 et jeter le miroir reflex définitivement aux orties comme on le fit chez Mamiya pour les Mamiya 6 et 7 dont le 80-4 fait merveille avec 6 lentilles seulement ;-)
Dans cet affaire, on voit que le CB 2,8-80... à 6 lentilles tient son rang de façon bien plus qu'honorable. Évidemment si j'étais un ingénieur concepteur d'optiques militaires ou professionnelles en temps de guerre froide, je râlerais qu'on me demande de faire moins cher et presque aussi bien en serrant mon budget-produit final. Avouez que c'est tout de même plus intéressant de faire, à crédits illimités, le top-du-top-pour-la-Défense-pour-espionner-les-Russes, plutôt qu'un truc destiné à attirer les amateurs fauchés vers un système-civil-Hasselblad en période post-guerre-froide.
J'exagère à peine, mais il faut relire chez Nordin les attendus-marketing concernant la série économique CB, ils sont clairs.
Terminons enfin par deux remarques.
La première : avant le CB 2,8-80, pour faire baisser un peu le prix du kit 500 C/M d'entrée de gamme, il y eut au milieu des années nonante un 2,8-80 « nouveau C » à 7 lentilles mais avec obturateur un peu simplifié, une espèce de CF sans le "F" et dont le couplage de bagues fonctionne un peu comme chez les vieux C (je ne fais bien entendu aucune allusion ni aux vieux couples ni aux vieux c... qui hantent ce forum ;-);-)
Deuxième remarque : confrontée à la même problématique de l'entrée de gamme, la firme Rollei pour les SLX et les 600x fait d'abord appel à des fournisseurs japonais dont le nom est l'un de ces secrets de polichinelle dont les rolleiphiles se délectent, avec des 2,8-80 Rolleigon® qui cèdent ensuite la place (ouf ! les euro-patriotes respirent) à la série économique « EL », qui, bien qu'électrique comme les 'blads « EL », veulent simplement dire : « Economy Line ».
Cette série économique comprend trois objectifs de formules Zeiss bien éprouvées et fabriqués sous licence, le 4-50 Distagon® « ancien » à groupes fixes, le sempiternel 2,8-80 à 7 lentilles et le 4-150 Sonnar®, les trois fabriqués à Braunschweig. Pour « gratter » un peu sur le prix, on abandonne la coûteuse baïonnette VI pour la remplacer par un pas de vis « ordinaire » M67x0,75. Ach!! est-ce bien raisonnable ! kompromislos !! faire une entorse à ce sacro-saint Prinzip !! Nein, danke !!
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